mardi, janvier 24

Les albums de 2005 (V)

Hard-Fi - Stars of CCTV (Necessary Records/Warner)
Les banlieusards de Hard-Fi ont tout pour plaire : immédiateté pop (Hard To Beat, Living for the Weekend), un charisme de petites frappes qui en veulent et des textes qui font le point sur ce que c'est d'être un jeune prolo anglais dans l'Angleterre de Blair. L'exemple-type du groupe que les 14-18 en guerre contre la société vénérent comme une part d'eux-mêmes et que les blogueurs plus âgés admirent au point d'écrire des expressions aussi grotesques que "vénèrent comme une part d'eux-mêmes". Ce caractère de porte-parole générationnel fait que Richard Archer est souvent rapproché de Mike Skinner de The Streets, malgré les évidentes différences de style. C'est en tout cas clairement pour moi le meilleur album indie-pop anglais de l'année. Je n'en dirai pas plus ici car j'ai déjà longuement parlé de l'album par ailleurs. J'ajouterai juste que, dorénavant, à chaque fois que l'on tentera de me convaincre que le NME n'est que la voix du département marketing de AOL-TimeWarner, je pourrai répondre que Hard-Fi, bien que remplissant tous les critères démographiques et stylistiques du groupe encensé par le NME, n'a même jamais été mis en converture. Cela pourrait ne pas durer cela dit vu que, six mois après sa sortie, l'album vient d'arriver en tête du classement des meilleures ventes d'albums en Grande-Bretagne.

McFly - Wonderland (Island/Universal)
Je confirme ici le coupable penchant que j'avais déjà manifesté envers le premier album du groupe. Dans un paysage pop britannique ravagé, comme partout ailleurs, par la télé-réalité et la soif de crédibilité qui l'accompagne, McFly et les Sugababes sont en effet les seules raisons de garder espoir dans le potentiel commercial de la pop pure, celle qui ne se prend pas la tête, assume son propos et ne réclame pas à cor et à cri qu'on lui reconnaisse de la profondeur ou du "talent" (le seul mot, avec mutisme peut-être, à n'être jamais prononcé que par ceux qui en sont dépourvus). A vue de nez, McFly me semble être le dernier groupe britannique du genre à avoir réussi à tirer son épingle du jeu. En attendant l'arrivée d'hypothétiques repreneurs de flambeau, il doit donc être chéri précieusement et il n'est d'ailleurs pour cela pas besoin de convoquer de trop grosses doses de mauvaise foi. En effet, si on met de côté deux chansons plus faibles, ce second album est, dans son genre, plutôt réussi et mélange chansons pop-rock limpides d'inspiration 60s dans la lignée du premier album (I'll be OK), tentatives emo-FM (si, si, c'est possible), du bon gros boogie-pop qui tache (I Wanna Hold You et son, gasp!, solo de guitare) et une improbable mini-symphonie orchestrale qui parvient in extremis à ne pas être totalement ridicule (She Falls Asleep). Cela dit, je n'espère convaincre personne et continuerai donc discrètement à écouter Too Close For Comfort, en arborant le sourire en coin qui accompagne souvent les plaisirs dont on se refuse à avoir honte.

Smog - A River Ain't Too Much To Love (Domino)
Ca fait une poignée d'albums que plus rien ne change vraiment dans le petit monde de Smog. Ce nouveau disque n'apporte donc rien de fondamentalement neuf mais il permet (ce n'est pas rien) à dix nouvelles chansons (plus ou moins) minimalistes, dont certaines sont très belles (The Well ou Rock Bottom Riser par exemple), de s'ajouter à un répertoire déjà très riche en chansons (plus ou moins) minimalistes. La belle voix de basse de Bill Callahan y déroule ses textes sur quelques notes de guitare ou de piano, dont les rythmiques simplistes et anguleuses se répètent jusqu'à produire un effet vaguement hypnotique qui éloigne la musique de Smog du folk ou de la country, genres auxquels on pourrait a priori l' associer (drone-folk ?). A tout prendre, on est ici plus proche de Tarwater (elecountrica ?), par exemple, que de Nick Drake ou Johnny Cash. De plus, pour ce que je peux en comprendre, les textes s'intéressent à l'enfance et à la campagne (ou, mieux encore, à l'enfance à la campagne), ce qui pour un citadin endurci comme moi représente le comble de l'exotisme.

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