Super Furry Animals - Love Kraft (Rough Trade)
Comme le suggèrent ses premières secondes, cet album est une oeuvre qu'on ne peut pas réellement appréhender de l'extérieur, par une contemplation abstraite et détachée. Il faut au contraire y plonger comme dans une rivière et se laisser porter par les courants instables et les tourbillons psychédéliques générés par la succession de ces 12 morceaux démesurés. Bien que j'aie déjà écouté cet album un certain nombre de fois, je n'en ai encore aucune vision d'ensemble et continue à être désarçonné par chaque changement d'atmosphère et par son inventivité sonore permanente (l'intro de Lazer Beam par exemple est hallucinante). Lors des quelques passages plus conventionnels, l'auditeur-mauvais coucheur retombe sur ses pattes, trouve des points de comparaison pertinents et s'autorise à formuler des pensées blasées du genre "Finalement, ce n'est pas si bien que ça.". Ces instants de flottement correspondent en général à la seconde moitié des morceaux les plus typiquement pop-rock. Ohio Heat, par exemple, souffre d'être le seul morceau de l'album qui puisse être confondu avec une face B de Girls in Hawaii. Heureusement, ces baisses de régime ne durent jamais très longtemps et le disque repart très vite dans sa folle sarabande. Je prends les paris que c'est un disque qui me surprendra encore à la centième écoute (en espérant que j'arrive jusque là).
Björk - The Music from Matthew Barney's Drawing Restraint 9 (Wellhart/One Little Indian)
Je ne connais absolument pas Matthew Barney (Monsieur Gudmundsdottir à la ville) et n'ai donc qu'une assez vague idée de ce à quoi peut ressembler l'oeuvre dont Björk nous livre ici la bande originale. Cela n'a pourtant qu'une importance très relative. Polydor ayant décidé de présenter ce disque comme étant le nouvel album de Björk, il est logique qu'on le considère comme tel, indépendamment de son support visuel (de toutes façons difficilement visible par le grand public, surtout avec ce site). Pour bon nombre de ceux qui ont acheté l'album en confiance après en avoir vu des pleines piles dans les supermarchés culturels, la déception a dû être rude. Björk n'y chante en effet que sur deux-trois titres. Du coup, bien qu'elle ait écrit l'essentiel du disque, on a parfois un peu de mal à y déceler sa patte. Ainsi, les deux pièces pour ensemble de cuivres (Hunter Vessel et Vessel Shimenawa) seraient sans doute plus à leur place dans un festival de musique contemporaine que sur l'album d'une chanteuse pop. De même, il est permis de s'ennuyer poliment durant les dix minutes de Holographic entrypoint, une pièce pour voix et percussion dans la plus pure tradition japonaise No. On peut certes admirer le fait que Björk rende ainsi accessible au plus grand nombre des genres a priori aussi peu "grand-public" que le chant de gorge inuit ou la musique contemporaine mais il est aussi permis de penser que le format de la chanson reste de loin celui qui lui convient le mieux, comme en témoignent Gratitude, sublime morceau d'ouverture chanté par Will Oldham ou bien Storm, composé en tandem avec Leila. Le reste de l'album me semble à vrai dire assez anecdotique.
t.A.T.u - Dangerous and moving (Interscope/Universal)
t.A.T.u avait a priori tout du groupe-météore, de ceux qui décrochent la timbale dans le monde entier avec leur premier album avant de retourner aussitôt dans l'obscurité : une provenance inhabituelle (dont l'exotisme s'estompe très vite), un gimmick publicitaire efficace mais depuis longtemps éventé (le sont-elles ? le font-elles ?). t.A.T.u semblait d'autant plus promis à l'oubli que, passé les deux singles, le premier album du groupe était assez médiocre. Je n'aurais donc pas misé un kopeck sur la capacité des deux Russes à rééditer en 2005 leur succès de 2002. Un peu déconnecté des charts depuis quelques mois, je ne sais pas quel fut l'ampleur de son succès commercial mais, sur un plan strictement musical, ce deuxième album est une belle réussite. J'ai déjà parlé ici du premier single, All About Us et de son intro fracassante mais l'album recèle quelques autres chansons qui sont presque aussi bonnes (Cosmos, Loves Me Not et surtout Perfect Enemy). Plus étonnant encore est le fait que les moins bonnes chansons restent toujours estimables. Même les ballades tiennent à peu près la route (Gomenasai). Un bon disque de pop lyrique et épique donc, comme on n'en a guère vu depuis quinze ans. Il est d'ailleurs amusant de constater que la seule chanson de l'album produite par Trevor Horn est celle qui s'inspire le moins du son 80s auquel on l'associe généralement (Frankie Goes To Hollywood, Propaganda, Art of Noise, ce genre de choses). Je ne serais pas autrement surpris de les voir rempiler pour un troisième album, ce qui me semblait inimaginable il y a un ou deux ans.
1 commentaire:
Tu peux certainement (ou pas du tout) imaginer comme ça me met en joie de lire ton commentaire sur Love Kraft énonçant avec plus de mots et en mieux ce que je pense de cet album. Rien à ajouter, mais me voici bondissante pour la soirée.
Merci Pierre :)
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