(lire le début de la chronique ici)
6) I Don’t Wanna (6)
Une chanson
sur un homme qui préfère rester chez lui plutôt que d’aller danser en boîte.
Cela devrait a priori me parler mais en fait, non. Si on excepte un riff
démoniaque de synthé durant le refrain, truffé d’intervalles tellement
biscornus qu’il en est rigoureusement inchantable, on n’a pas ici grand-chose à
se mettre dans l’oreille. Comme souvent, le fait qu’il s’agit d’une des
plus mauvaises chansons de l’album découle de manière limpide de leur décision d'en faire un des singles de l'album. J’aime
bien la citation de Snap! cela dit, on ne cite pas assez Snap! dans les années
2020.
7) Monkey Business (6)
En quarante ans de carrière, les Pet Shop Boys ont développé
un art de la face B que bien d’autres artistes pourraient leur envier, leurs
faces B étant souvent au moins aussi intéressantes que les singles qu’elles
accompagnaient. Monkey Business sonne en plein comme une face B, mais
malheureusement comme leurs faces B les moins intéressantes, celles de la fin
des années 90/début des années 2000, où un vague riff, un motif de synthé
pince-sans-rire est étiré sur trois ou quatre minutes « for the
lolz ». Si on ajoute par ailleurs qu’une règle non-écrite veut que les Pet
Shop Boys n’utilisent des chœurs féminins que sur leurs plus mauvaises chansons,
quand ils essayent de faire de la haousse musique (cfr Before), on comprendra
que cette chanson (un single aussi, ce qui est somme toute assez logique) ne
fait pas partie de la veine des Pet Shop Boys que je préfère. La chanson menace
de décoller légèrement à deux ou trois reprises (quand Neil énumère des alcools
par exemple) mais le soufflé retombe assez vite. C’est d’autant
plus frustrant que je sens confusément en arrière-plan une chanson intéressante
tentant de s’extraire de sa gangue disco-house.
8) Only The Dark (5)
Et ceci, mesdames et messieurs, est le moment où l’album
tombe dans la mièvrerie et la guimauve. Paroles ineptes, mélodie anémique,
rythmique irritante. Ce faux-pas est d’autant moins pardonnable que la chanson
est construite comme un assemblage de fragments extraits de morceaux qui sont tous sensiblement
meilleurs. Il y a d’abord un petit côté Richard Sanderson au tout début, que je
ne m’explique pas bien, puis, sans doute pour éviter des procès pour plagiat, la
chanson verse dans l’auto-parodie. Quelque chose dans l’atmosphère générale du
morceau me rappelle en effet Luna Park mais, surtout, on retrouve dans le
refrain des auto-citations assez grossières de Miracles (deux titres que j’ai
incidemment déjà mentionnés auparavant dans cette chronique, signe qu’ils m’obsèdent
ou qu’ils ont trotté dans un coin de la tête de Neil et de Chris lors de l’écriture
de cet album). Avec de telles références, on aurait pu logiquement s’attendre à
mieux que ce gros loukoum dégoulinant... Et là, mes rares lecteurs de se demander si je voue vraiment un culte à Richard Sanderson. Il faut savoir cultiver ses zones d'ombre !
9) Burning The Heather (8)
Ce morceau renoue avec une des veines de leur répertoire que
je préfère, celle où ils flirtent avec l’acoustique. Johnny Marr ayant sans
doute envoyé un mot d’excuse dûment signé par son médecin traitant, c’est
Bernard Butler qui vient ici gratouiller sa guitare en fond sonore. On trouve également
de-ci de-là un solo de trompette (possiblement synthétique), de la guitare
wah-wah et des clochettes. Que demander de plus (comme le disait John Peel) ?
Je pense qu’il s’agit de la chanson la plus champêtre qu’ils aient jamais
écrite : une ode à l’errance campagnarde, entre bruyère et chiens de berger.
Pour un peu, on pourrait se croire dans une chanson traditionnelle irlandaise, jusqu’à
la possibilité finale d’une sédentarisation apaisée. La manière dont la chanson
se termine abruptement sur un couplet me plaît bien aussi, c’est plutôt rare
dans leur catalogue…. mais je déduis un demi-point pour les fautes de grammaire : "If you’ve enough room" (non mais quelle horreur !).
On pourrait aussi légitimement se demander si la chanson n’est pas un chouïa
trop longue. 5 minutes 20, c’est tout de même un peu beaucoup. Il eût sans
doute été judicieux de supprimer un des cinq couplets.
10) Wedding in Berlin (2)
Le tropisme berlinois de cet album trouve ici son “apothéose”
avec une chanson résolument navrante et éhontément consternante. De la techno de bas étage, que même Lagaf’ n’aurait
pas voulu trouver dans son lavabo (ou dans son bidet), entrecoupée de citations
très premier degré de la Marche Nuptiale de Mendelssohn,
le tout sur des paroles répétitives et absolument dénuées de toute
signification. Un des nadirs de leur carrière, à n’en pas douter, et peut-être une des raisons pour lesquelles cet album fut si mal accueilli par une frange importante de leurs fans.
Tous comptes faits, j’en arrive à un score moyen de 6,5/10
pour l’album, ce qui est effectivement un peu moins que pour Electric et nettement moins que pour Super. Réduire l’album à ce score global ne serait cependant pas lui
rendre tout à fait justice. Hotspot présente en effet également des aspects assez
réjouissants, qui augurent de bonnes surprises futures. On y trouve par exemple
des textes plus complexes et élaborés que ceux dont Neil s’était contenté depuis
une bonne dizaine d’années. Il y renoue, souvent avec un certain bonheur, avec
la narration. Une bonne moitié des chansons racontent des histoires tenues,
dans lesquelles il est possible de se projeter (paroles narratives dont Being
Boring constitue évidemment l’exemple-type). Par ailleurs, l’album est plutôt
bien produit, grâce une nouvelle fois à Stuart Price qui signe ici le dernier
volet de la trilogie d’albums qu’il avait prévu d’enregistrer avec le groupe, même s'il faut parfois mettre le casque pour profiter pleinement de tous ces détails qui enrichissent le son de l’album. Pas un chef-d'œuvre
donc mais pas la bouse annoncée non plus, juste un album moyen qui vient marquer
la fin d’une époque et la possibilité d’un renouveau.