(lire la chronique depuis le début)
3. Twenty-Something (4m21s) - 8/10
Pour autant que je puisse juger des paroles, assez elliptiques, la chanson s'adresse à la deuxième personne aux duogénaires/vingtenaires démarrant leur vie adulte dans une grande ville (comme Londres), que ce soit les jeunes loups de l'économie numérique vivant la grande vie ou ceux qui galèrent dans de petits boulots. Les uns comme les autres doivent trouver leur voie dans un monde où l'individualisme, la superficialité et l'esprit de lucre dominent. Certes, cela n'est pas l'analyse sociologique la plus fine qui soit (le Nouvel Obs a sans doute ficelé en deux jours un dossier sur le même sujet durant l'été 2003) mais il y a une certaine logique à exprimer tout cela par des phrases courtes qui s'enchaînent comme des légendes Instagram.
Musicalement, c'est le premier exemple de construction duale, couplets et refrains composés sur le mode de l'opposition mélodies plates/escarpées, montantes/descendantes, beats insistants/en retrait, rapide/lent,.... (je soupçonne aussi une modulation mais mon oreille musicale n'est pas assez sûre pour que je puisse en jurer). La chanson commence par un riff de synthé dont le caractère bondissant et enjoué frôle la caricature, mélodie autour de laquelle s'enroule le chant de Neil. Suit alors une section où la mélodie se fait plus étale, plus mystérieuse tandis qu'en arrière-plan des voix (sans doute synthétiques) se mêlent dans un enchaînement harmonique ascensionnel qui suscite cette euphorie triste qui caractérise les meilleures chansons du groupe. Le seul reproche que je pourrais faire à cette chanson est le caractère trop insistant de la batterie, qu'ils ont cependant le bon goût de faire totalement disparaître pendant un couplet (à moins que ce ne soit un refrain, différencier couplet et refrain dans ce morceau me semble essentiellement arbitraire)
4. Groovy (3m29s) - 6,5/10
Une des conséquences de la StuartPricisation de la musique des Pet Shop Boys est la multiplication de ces morceaux qui sont plus des intermèdes instrumentaux que des chansons à part entière. Ici, malgré une longueur tout à fait respectable et deux couplets, le morceau n'est clairement qu'une respiration entre deux chansons plus ambitieuses. Neil y recycle la voix volontairement geignarde qu'il utilise depuis The Only One pour se moquer des personnages ridicules ou simplement pénibles qu'il interprète dans ses chansons. Difficile de ne pas voir ici une critique amusée teintée d'admiration contrariée envers ceux (et celles) qui font le spectacle en discothèque, exhibant leurs qualités de danseur et leur charme naturel. "Je suis trop... Regardez-moi... Je suis trop... Regardez-moi... Je suis trop groovy." La chanson fonctionne d'autant mieux qu'elle donne effectivement envie de se dandiner, même aux mélomanes les moins enclins à se laisser cannibaliser le cerveau reptilien par un beat sauvage (voir par exemple le passage à 2m43s).
5. The Dictator Decides (4m50s) - 9,5/10
Cette chanson, clairement la plus ambitieuse de l'album, contient ce que je n'espérais plus vraiment trouver dans un album des Pet Shop Boys : un texte raisonnablement long, qui raconte une histoire (comme l'étaient Being Boring, This Must Be The Place ou My October Symphony par exemple), dans lequel Neil se glisse dans la peau d'un personnage. Il s'agit ici d'un dictateur (sans doute inspiré par "so rone-ry" Kim Jong-Un), lassé de son rôle et appelant de ses vœux une révolution qui lui ôterait l'absolu fardeau de ce pouvoir absolu.
Elle commence par une intro instrumentale de 1m30s. Dans un premier temps, le rythme y est martial. On entend en arrière-plan les clameurs d'une foule enthousiaste et le bruit des machines qui travaillent à l'édification des monuments du pays, à lui redonner grandeur et prestige (on pense un peu à l'intro de Wot! par Captain Sensible). Des notes de synthétiseur viennent ensuite tempérer cet enthousiasme bâtisseur avant que, à 1m08s l'ambiance se fasse soudainement plus insituable : la pulsation disparaît, des mélismes de synthé suspendent l'attention et s'installe une mélodie qui ne sait choisir entre le triste et le gai, le grave et l'aigu. L'auditeur ne sachant plus trop ce qu'il est censé ressentir, Neil peut entrer en scène pour réconcilier ces contraires et exprimer le paradoxe de ce despote épuisé.
Une des grandes qualités de cet album est que Neil y utilise, plus que jamais, son registre grave, honteusement sous-exploité au début de sa carrière et que, malgré la perte de qualité de sa voix dans les aigus depuis quinze ans, il rechignait à utiliser jusqu'à très récemment. Cette voix grave, moins timbrée, moins typiquement PSB, convient parfaitement au sentiment de lassitude qu'elle est censée exprimer. De même, la manière dont la pulsation disparaît à l'improviste (2m42s) avant d'être réintroduite de manière un peu surjouée (à 3m03s, où la symbolique du bruit de rivière, je l'avoue, m'échappe) exprime pour moi parfaitement les accès de découragement et les reprises en main forcées qui s'ensuivent, quand après s'être apitoyé sur son sort, on est bien obligé de s'y remettre.
Enfin, le sommet de l'album est pour moi la séquence finale de 30 secondes, basée sur un sample de voix féminine, qui est dans un premier temps diffusé dans toute sa pureté avant d'être progressivement manipulé électroniquement, donnant l'impression qu'une soudaine envie de pleurer étouffe le chant dans la gorge de la chanteuse. C'est beau à tomber.
6. Pazzo! (2m44s) - 6/10
Ce deuxième intermède essentiellement instrumental est le morceau le plus frustrant de l'album. Il est basé sur une lente montée de la tension, une rythmique dance assez basique se métamorphosant progressivement en une sorte de tourbillon synthétique qui malheureusement retombe trop vite. J'aurais aimé que le morceau dure 2 minutes de plus de plus et pousse plus loin cette logique d'empilement et de foisonnement d'éléments sonores. En l'état, le morceau me laisse sur ma faim.
(la suite ici)
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