dimanche, décembre 21

Nits, Ancienne Belgique, Bruxelles, Décembre 2003

Que faut-il pour vivre un bon concert pop-rock ?
- De la curiosité d'abord. L'envie de voir le groupe interagir sur scène, de le voir (re)créer sa musique. Par certains points, pour moi voir un groupe sur scène, c'est regarder les bonus sur un DVD. J'ai tendance à considérer le disque comme le produit ultime, et le concert est l'occasion de voir les créateurs du disque d'un peu plus près. Je ne considère pas, comme certains, que le concert est le lieu où un groupe se révèle réellement. Cela reste pour moi l'apanage du disque.
- Des bonnes chansons ensuite et de préférence des chansons que je connais bien. J'apprécie toujours plus un concert lorsque je me sens en terrain familier. Et si on peut chantonner en choeur, c'est encore mieux.
- Du spectacle ensuite, de quoi occuper les yeux. Lumières, projections, décors tout d'abord. Le groupe lui-même ensuite. Leur manière de chanter, de bouger, de se déplacer sur scène, etc...
- Une interaction avec le groupe enfin, si possible sincère et spontanée, ou en tout cas qui donne l'impression au public de partager quelque chose avec les musiciens.

Ce soir-là, les quatre conditions furent remplies, d'où un concert quasi-parfait.

Etais-je curieux de les voir ? Certainement. Les Nits étaient l'un des derniers groupes réellement importants dans mon éducation musicale et que je n'avais jamais vus en concert (avec les Cocteau Twins et Brian Eno peut-être). J'attendais donc beaucoup de ce concert et, miracle !, pour une fois, mes attentes les plus déraisonnables ont été rencontrées. J'ai enfin vu Henk Hofstede chanter (on ne dira jamais assez de bien de sa voix), Robert Jan Stips jouer les enluminures de Nescio ou Rob Kloet habiller Fire in my head de quelques coups de cymbales. Le public était assez âgé et plutôt BCBG comme on pouvait s'y attendre, avec notamment à mes côtés toute une famille francophone pour laquelle les Nits semblent être une institution (des enfants de 10 ans semblaient connaître toutes les chansons par coeur).

Pour ce qui est des chansons, pas de soucis, les Nits sont des maîtres. Ils sont devenus depuis longtemps pour moi synonymes de 'chansons pop parfaites' (registered trademark), qu'ils produisent à la chaîne, sans effort apparent : mélodies imparables, richesses des arrangements et de l'instrumentation, incroyable diversité de styles, de sons et d'ambiances. Il me semble que les Nits sont, d'assez loin (avec Radiohead serais-je tenté de dire), le groupe musicalement le plus doué que je connaisse. Qu'ils n'aient jamais dépassé le stade de groupe culte restera toujours pour moi un impénétrable mystère.

Ils sont rares les concerts où toutes les chansons sont immédiatement reconnaissables, où presque chaque intro est l'occasion d'arborer un sourire un peu plus large. Ce fut le cas ce soir-là. De Nescio à Fire in my head, de A Touch of Henry Moore à Adieu Sweet Bahnhof, de Woman Cactus à In The Dutch Mountains. Plus incroyable encore, ce fut aussi le cas des nouvelles chansons, alors que je n'avais pourtant écouté que 4 ou 5 fois l'album avant le concert, preuve s'il en est que, avec 1974, les Nits se sont remis à composer des chansons tellement évidentes qu'elles sont immédiatement reconnaissables (Wool n'est pas un mauvais album mais il lui manque le côté festif que j'associe spontanément aux Nits). Que malgré cela je puisse encore regretter l'absence de certaines chansons (un seul extrait de Ting fut joué notamment) témoigne de la richesse de leur répertoire, richesse que même un concert de 2h10 ne peut épuiser.

Ils étaient quatre sur scène. Au centre, Henk Hofstede, le chanteur, très chic, costume beige. A gauche, Robert Jan Stips, derrière ses claviers, avec un look un peu Deschiens : pantalon rouge avec une curieuse floche sur le côté, chaussures rouges (mais pas exactement le même rouge, ce serait trop simple), tee-shirt gris. A droite, Rob Kloet caché derrière ses percus. Soit le noyau dur des Nits enfin reconstitué avec le retour après un peu moins de 10 ans d'absence de Stips. Au fond, la petite nouvelle, Laetitia Von Krieken (ou était-ce Arwen Linnemann, comme écrit sur mes notes, je suis perplexe) : claviers, métallophones, choeurs,...

Le décor était assez simple. Des lampes de chevet blanches posées à même le sol, par petits tas de 2 à 5 s'allumaient et s'éteignaient en rythme. Le fond de la scène était occupé par une vingtaine de petits écrans rectangulaires blancs. Sur chacun de ses écrans, une image différente formant pour chaque chanson une mosaïque symbolisant la chanson en train d'être jouée : des bicyclettes pour Bike in head, des poissons pour Aquarium, des timbres pour In the Dutch Mountains, des scouts pour JOS days, etc..

Il y a un côté ludique dans la manière dont les Nits envisagent la scène. Robert Jan Stips refusant par exemple de laisser les mountains céder la place aux buildings à la fin de In the Dutch Mountains (comprenne qui pourra), les jeux d'échos entre musiciens ou l'utilisation de reniflements dans certaines chansons pour donner quelques exemples. J'ai ri à plusieurs reprises. Il y eut aussi des moments de suspension poétique qui laissent pantois, notamment (et c'est un vrai spoiler), une pluie de petits cailloux improvisant un solo de percussions à la fin d'une des chansons.

Le plus frappant est sans doute leur joie de jouer. Ils sourient, se lancent des regards en coin, et se marrent en permanence. Henk Hofstede et Robert Jan Stips 'surbougent', jouent aux rock-stars. HH parvient même, dans son enthousiasme, à casser deux cordes de sa guitare acoustique en quinze secondes. La complicité qui les unit est évidente et le fait que la seule chanson que Stips chante pour son retour sur scène avec le groupe s'appelle Welcome back n'est sans doute pas un hasard.

Henk Hofstede interagit souvent avec le public, en français, en anglais et en néérlandais. Au début, au fait des arcanes de la politique belge, il tentera de tout dire en français et en néérlandais, avec quelques mots d'anglais par-dessus. Malheureusement, le public flamand était nombreux et il se lancera dans quelques longs discours en néérlandais auxquels je n'ai pas compris grand-chose. Surnagent donc quelques petites phrases surréalistes : "Wilfried Martens a une tête de porc", "un lapin du Nord est venu manger mon herbe verte", et une communauté des USA qui avait tellement renoncé au confort moderne "qu'elle ne connaissait même pas Justin Timberlake").

Tous ces éléments ont fait de ce concert une véritable expérience de communion entre le public et le groupe. Aussi cliché que cela puisse paraître depuis que des images de concert de Patrick Bruel sont venus nous polluer l'esprit, il y a peu de choses plus grisantes pour des spectateurs que de chanter en choeur une chanson tandis que le groupe regarde. Ca ne m'est pas arrivé souvent. 'Adieu Sweet Bahnhof' ce soir, et 'The living daylights' il y a un an sont les seuls exemples qui me viennent à l'esprit. Certes, les rappels étaient tous prévus et donc sans doute n'avons-nous rien vécu d'unique, mais tout le talent du groupe est de nous l'avoir fait croire.

Etait-ce le plus beau concert de ma vie ? Peut-être. Je ne suis en tout cas jamais sorti d'une salle à ce point euphorique. Pour couronner le tout, mon train est arrivé en retard juste ce qu'il faut pour que je puisse l'attraper. Seul petit point noir, j'étais fauché et n'ai donc pas pu m'acheter un joli tee-shirt '1974'. Ceci dit, ils reviennent faire des concerts en Belgique en 2004 et ça me donnera une formidable excuse pour retourner les voir.

Setlist :
Boy in a tree
The train
Bike in head
The dream
Aquarium
Sketches of Spain
The House
Doppelganger
Savoy
Nescio
A Touch of Henry Moore
Espresso Girl
The Infinite Shoeblack
Fire in my head
Eifersucht
The Bauhaus Chair
Welcome back
Rumspringa
In the Dutch Mountains
---
Sugar River
Woman Cactus
---
Rappel acoustique d'abord (guitare, poisson et duo d'accordéons) :
Adieu Sweet Bahnhof
Crime and Punishment
puis
Home before dark
J.O.S days
Giant Normal Dwarf

samedi, août 30

Pukkelpop 2003

Le Pukkelpop a un certain nombre de qualités indéniables : on peut rentrer dormir à la maison tous les soirs (pour peu que l'on ait une voiture évidemment), la programmation est pléthorique (six scènes sur trois jours, donc pas mal de concerts vus à moitié), il est presque toujours possible de se placer dans les premiers rangs, et le site est tout à fait adapté pour tous les temps, avec notamment la présence de scènes couvertes, de nombreux bancs et chaises en cas de pluie). Seul problème, l'affluence : plus de 120.000 personnes en 3 jours, ça fait beaucoup. Le Pukkelpop est en train, lentement mais sûrement, de devenir aussi gros que Werchter.

Jeudi :

Toutes les précautions (et je dis bien toutes) furent prises pour que j'arrive une petite heure avant le premier concert de la journée sur la grande scène : THE CORAL. Il était hors de question qu'un impondérable quel qu'il soit me prive de ce concert, même s'il ne devait durer qu'une demi-heure. Ca commence très très bien : Calendar and clocks, Bill McCai, Skeleton Key, I remember when, enchaînés à la mitraillette. Whaouou ! Ils vont tenter de faire tous les tubes en quatrième vitesse pour remplir au mieux leurs 30 minutes. Chic ! Lorsqu'à la seizième minute, j'entends le riff d'intro de Goodbye, j'ai une pointe d'inquiétude : ils ne vont quand même pas faire leur version d'un quart d'heure de Goodbye ? Si ? Vraiment ? Et bien oui, ils l'ont fait. Je leur en veux un peu. J'aurais de très très loin préféré qu'ils jouent plus de chansons différentes. Qu'ils semblent conscients d'avoir un pubic face à eux aurait été bien aussi. On ne peut pas dire qu'ils respiraient la joie de jouer. Mais bon, ne boudons pas notre plaisir. Face à un répertoire aussi irréprochable que celui de The Coral, il est difficile de faire la mauvaise tête très longtemps. Et puis, James s'est rasé la tête, et ça, c'est quand même très rock'n'roll.

J'embraie avec DAMIEN RICE, un type un peu malingre tout seul à la guitare. J'arrive à la fin du set. Deux reprises irréprochables : Creep et Hallelujah, et un morceau original bien enlevé (il y avait 'Woman' dans le titre). Un petit quart d'heure assez enthousiasmant. Le tout dégageait une belle énergie, sa guitare (acoustique) sonnait comme une guitare électrique, par un procédé qui m'échappe. Une bonne surprise.

Après avoir regretté que les groupes de skaters en short puissent aussi mettre des pantalons (je n'aurais pas reconnu ALIEN ANT FARM en passant s'ils n'avaient justement joué Smooth Criminal), je pars ensuite jeter une oreille sur DONNA SUMMER, pensant tomber sur une diva disco. Pas du tout, c'est un projet électro finlandais. Tout déçu, je pars à la rencontre d'une autre légende, DAF, pensant tomber sur un groupe de krautrock dans la lignée Neu ou Can. Et bien, pas du tout (décidément !). Ca ferait plutôt penser à Suicide, mais avec des paroles en allemand (et plein de mots en '-ich' qui sonnent délicieusement exotiques). Un musicien qui lance des rythmiques électros bondissantes, un chanteur qui harangue la foule. Les deux habillés en noir. Impressionnant.

Petit détour ensuite au Marquee pour voir les TURIN BRAKES, hérauts de l'éphémère New Acoustic Movement. Indéniablement, c'est bien. Il y a dans la voix du chanteur un petit côté soul qui donne de la consistance aux chansons. Ceci dit, ça ressemble beaucoup aux disques, et je pars donc assez vite au château pour voir SUPER NUMERI. De nouveau, je ne vois que la moitié du set, et loupe donc leur tube interplanétaire (Electrical Horse Garden, le morceau auquel Digitonal a tout piqué). Ils sont six (de mémoire) sur scène, avec un look très hippie, dont un harpiste qui devait bien avoir 60 balais. C'est très calme, parfois à la limite du lounge malgré une basse rebondie, et une jolie parenthèse dans le planning de la journée.

Le changement est brutal puisque j'enchaîne avec ELECTRIC SIX. Il y a chez eux un côté grotesque pas tout à fait assumé. Ils donnent l'impression d'être sur scène assez premier degré, ce que les clips ne laissaient pas paraître, et je ne suis pas sûr d'avoir bien compris pourquoi le chanteur devait faire un salut militaire à la fin de chaque chanson. Les deux tubes sont bien là, heureusement. Le public pogote comme un fou, mais j'ai trouvé ça au final assez décevant, en partie sans doute à cause d'une balance catastrophique qui couvrait complètement la voix du chanteur.

Je pars ensuite au dancehall écouter 30 minutes du DJ set de THE HACKER, pas tant pour le DJ-set lui-même que pour me placer pour le concert de LADYTRON qui suivait. Tous habillés de noir, les membres du groupe jouent l'impassibilité. Les deux chanteuses jouent à celle qui aura le plus l'air de s'emmerder en jouant. Elles sont très douées. On sent qu'elles ont de l'entraînement. Les chansons se ressemblent toutes un peu, le son est très uniforme (il y a une belle collection de Korg sur scène), mais lorsqu'ils jouent les tubes (Seventeen, Playgirl), c'est formidable. J'étais déjà assez client de Ladytron sur disque, je le suis dorénévant aussi de Ladytron sur scène.

Je vais ensuite jeter une oreille sur STYROFOAM, déjà vu deux semaines auparavant à la RdR. C'est essentiellement le même concert, sauf qu'un rappeur vient faire son numéro sur un titre. Content d'avoir capturé un inédit, je m'en vais.

En sortant, j'entends deux notes de STAIND et regrette de ne pouvoir fermer les oreilles comme on ferme les yeux. J'enchaîne ensuite avec FISCHERSPOONER. Au départ, Fischerspooner faisait des shows démentiels avec costumes, danseurs, décors et tout... mais voilà, l'album ne s'est pas très bien vendu. Du coup, ils ont revu leurs ambitions à la baisse, et on a droit à un show un peu plus cheap. Des danseuses en attirail goth, Casey Spooner et sa perruque blondinette et un comparse (qui arrivera sur scène en retard, avec une veste plastique publicitaire Maes). Le tout est, bien évidemment, en playback complet. On aura droit au cours de l'heure de concert à Casey Spooner faisant du crowdsurfing et recevant des canettes sur la figure, au comparse qui crache du faux sang comme le Kiss de la grande époque, à des canons à confettis et à quelques changements de costumes. Surtout pour Casey qui arborera notamment un slip à facettes (oui, oui, comme les boules), et quelques foulards oranges (très seyants, surtout quand il se place devant un grand ventilateur pour qu'ils volettent librement). On est très souvent à la limite entre le n'importe quoi et le mauvais goût, mais qu'importe. Au moins, on ne s'est pas ennuyés. De plus, musicalement, j'ai été assez impressionné par la musique, qui ne se limite pas à The 15th ou Emerge (qu'ils ont arrêté en cours de route sous prétexte que le public n'était pas suffisamment déchainé). J'écouterai l'album très bientôt.

Je pensais avoir dû faire l'impasse sur le concert de MOGWAI pour voir Fischerspooner mais en fait non, il avait commencé avec une heure de retard. Le temps que je m'en aperçoive, il était presque fini, j'ai juste pu en voir le dernier quart d'heure, la toute fin de My Father my king m'a-t-il semblé suivi d'un titre du dernier album. Je râle un peu rétrospectivement d'avoir loupé ce concert, puisque Mogwai m'a donné l'impression d'être assagi, de ne plus simplement se contenter d'ériger un mur du son. Ca avait même l'air assez délicat. Je risque de retourner les voir en concert la prochaine fois qu'ils passent en Belgique. Peut-être vais-je pouvoir à nouveau les aimer ?

La journée se termine par le concert de MASSIVE ATTACK. Les projections en arrière-plan apportent énormément au concert. Je suis plutôt agréablement surpris par ce concert. Je pensais que 3D avait fait le vide autour de lui, et que, seul maître à bord, il allait nous infliger tout son dernier (pitoyable) album. Et bien pas du tout. Horace est là, Dot Allison remplace à la fois Sinead et Liz, et même Daddy G est là, malgré sa jambe cassée. Et puis, ils jouent beaucoup d'ancienne chansons. Ca sonne plutôt bien (comprenez pas très différemment que sur disque), et dans l'ensemble, c'est quand même moins pénible qu'un concert de Death in Vegas pour prendre un groupe qui a un peu la même démarche.



Vendredi :


On arrive trop tard et ne voit donc que la toute fin du concert des BLACK KEYS. Un guitariste et un batteur (tiens, comme les White Stripes), qui font de la musique lo-fi inspirée du blues (tiens, comme....). Ils terminent sur un morceau qui sonne comme (voire est) un vieux standard du blues. Prometteur.

On zone ensuite devant le concert de Kevin, euh.. CAVE IN. Un chanteur emo en alternance avec un crieur death-metal. Un morceau pour chacun, c'est curieusement écoutable. On devrait leur proposer d'écrire des morceaux où leurs deux voix se mélangeraient, ça pourrait donner quelque chose d'intéressant. Pour le prochain album peut-être.

Ensuite direction le Marquee pour jeter une oreille sur les HOT HOT HEAT. Je trouve ça un peu meilleur qu'à la Route du Rock, mais ne parvient pas à être réellement emballé. Il manque quelque chose, ou peut-être est-ce la voix du chanteur qui me rebute. Je regarde ensuite de loin le concert des RAVEONETTES. Ce ne sont pas comme je le pensais les White Stripes danois. C'est moins roots et beaucoup plus glacé (Jesus and the Mary Chain peut-être ?), avec une guitare noisy un peu sombre. C'est surtout sans grand intérêt ainsi dilué sur la grande scène. Je m'ennuie et pars me placer pour l'un des concerts du week-end.

Lorsque les KILLS apparaissent sur scène, je crains le pire. Ils tirent une tête jusque par terre et semblent absolument furieux d'être là. L'album étant formidable, j'ai eu à cet instant peur que le concert me déçoive. Heureusement, après un début laborieux (des problèmes de balance notamment), le concert décolle. Hotel et VV ont une vraie interaction de couple, et parviennent à changer complètement la physionomie d'un chanson simplement en décidant de chanter en se regardant, en se tournant le dos ou en regardant le public. Etant seulement deux sur scène, ils utilisent une boite à rythmes. En général les boites à rythmes ne fonctionnent absolument pas en rock, mais cela passe ici sans problèmes, sans doute à cause de l'énergie et de la rage contenues dans leurs voix et leurs guitares. Le type (Hotel ? VV ? J'ai jamais su) a la curieuse habitude de se poster sur le devant de la scène et de crier en direction du public, sans micro, ce qui fait que l'on n'entend évidemment absolument rien. Etant donnée leur attitude générale, j'ai l'impression qu'il devait s'agir d'insultes à l'égard des spectateurs. Mais quand bien même, je tendrais l'autre joue et crierais 'Encore !'

Pour me remettre, il fallait une musique plus passe-partout. Heureusement, STARSAILOR était sur la grande scène, ayant apparamment survécu à leur séjour chez Phil Spector (ce n'est pas le cas de tout le monde). J'ai un petit faible pour STARSAILOR. Je ne devrais sans doute pas le dire, mais Poor misguided fool est un des grands singles sous-estimés de l'année dernière. Si on parvient à faire abstraction de la voix geignarde de James Walsh (je ne suis plus sûr du prénom), on se retrouve avec des chansons qui ont quand même une certaine allure.

J'ambraye avec THE POLYPHONIC SPREE. Ils sont 23 sur scène, avec leur belle robe blanche de Krishna. Si j'ai bien tout compris, tout le monde peut a priori rentrer dans la 'communauté' et participer au groupe. Cette belle volonté d'intégration n'est pas sans avoir quelques répercussions sur la musique, qui du coup n'est pas toujours au-dessus de tout reproche. Les chansons sont toutes construites sur le même canevas (sur album, ça ne fonctionne pas du tout), les voix sont un peu faiblardes mais la joie (réelle ou feinte ?) des musiciens est communicative, et le gourou en fait tellement des tonnes avec son air d'avoir découvert le secret du bonheur immanent que j'en suis sorti avec un petit sourire sur les lèvre, sourire qui n'était même pas complètement ironique... Enfoirés!

GUS GUS n'est plus que l'ombre de lui-même et c'est bien triste. Il n'est pas impossible que l'on dise la même chose de GOLDFRAPP dans quelques mois. Quelques chansons du nouvel album peuvent séduire le fan d'electroclash robotique, mais dans l'ensemble, elles sont trop semblables, trop uniformes pour que l'on ne s'en lasse pas très rapidement. Et malheureusement, les chansons de Black Cherry furent bien plus nombreuses que celles de Felt Mountain. De plus, ils n'ont même pas joué Physical qui apparait pourtant rétrospectivement comme le chaînon manquant entre les deux albums. Ceci dit, le concert est en partie sauvé par Allison (c'est ma copine à moi). Habillée en noir, avec son chapeau d'hôtesse de l'air et ses bottes qui montent jusqu'aux genoux, elle a tous les attributs d'une super-dominatrix, et semble beaucoup apprécier le caractère phallique de son theremin (qu'elle aime faire pointer vers son pubis, mordiller, tapoter ou dont elle aime à caresser l'extrémité. Elle ne l'a pas léchouillé... un oubli sans doute). Elle fait le spectacle. Et en festival, c'est quand même bien le principal.

Ensuite, SUEDE. Ils ont la bonne idée de commencer par mes deux singles préférés (Animal Nitrate et So Young), j'ai donc pu rapidement prendre la poudre d'escampette, et aller manger une loempia dans un coin en méditant sur les gloires passées, les gens qui ne savent pas s'arrêter à temps et autres réflexions crépusculaires du même ordre. D'autant que la bonne Brett n'a plus l'organe qu'il faut pour chanter ses meilleures chansons. Son joli timbre versatile a disparu et il doit donc forcer en permanence sur sa voix. Qu'il est dur de vieillir.

Ensuite, je suis allé voir un groupe sur la Skate-stage. En effet, durant que l'indie-poppeux que je suis malgré tout, se fait une programmation entre quatre scènes, deux autres scènes tournent en permanence, la boiler-room et ses DJ mix en continu, et la skate-stage où les groupes hardcore se succèdent (The All-American rejects, Rancid, Less Than Jake, Peter Pan Speedrock, The Vandals....), avec des horaires totalement indépendants de ceux des autres scènes. Ne reculant devant aucun sacrifice pour parfaire ma culture musicale, je suis allé voir A.F.I. J'avais en effet écouté le dernier album (Sing the sorrow) et l'avais trouvé très bon, mélodique, fin, bien chanté, et tout et tout... Quelle ne fut donc pas ma surprise de voir que sur scène, ça sonnait exactement comme tous les groupes que j'avais entendu sur cette scène depuis deux jours : bourrin, avec un public déchaîné qui pogotait comme un seul homme et connaissait tous les textes par coeur.... Donc, peut-être finalement que tous ces groupes que j'ai énumérés plus haut ont aussi sorti des albums formidables et que je n'aurais pas dû les juger sur leurs simples prestations scéniques. Tant pis pour moi. Je suis déçu, d'autant que pour aller les voir, j'ai dû faire l'impasse sur la possibilité qui m'était offerte d'effectuer un complément d'enquête sur le mystère Grandaddy, mystère qui s'épaissit encore puisque mon accompagnante est revenue du concert avec des larmes de bonheur dans les yeux. Enfin...

Nous avons ensuite terminé avec trois titres des FOO FIGHTERS. Dave, pas chien, commence par All my life qui est pour moi de très loin leur meilleur titre. J'ai en passant remercié Josh et Nick (de QOTSA) d'avoir ainsi remis Dave sur la bonne voie, mais suis parti sans regrets d'autant que la pluie redoublait, non sans avoir fait un détour de 10 minutes pour aller jeter une oreille sur BLACKALICIOUS, histoire de pouvoir dire que j'ai fait un concert de rap dans ma vie, mais comme je ne comprends qu'une infime partie de qu'ils racontent dans leurs morceaux, ça n'a pas grand intérêt. Et puis, la salle est presque déserte. Tout le monde regarde les Foo et je suis triste pour eux, mais pas assez pour vaincre l'attrait d'un bon lit douillet.



Samedi :


Il n'y a quasiment rien d'intéressant dans la programmation du samedi, si ce n'est les trois groupes qui clôturent la soirée au Chateau. On se permet donc d'arriver à 16h, et on entame donc la journée en écoutant PENNYWISE de loin, c'est tout ce que ça mérite à première vue.

On passe ensuite à THE MATTHEW HERBERT BIG BAND. Une quinzaine de musiciens (un batteur, un bassiste, MH aux machines et le reste aux cuivres, avec un chef d'orchestre en sus). Les musiciens se répondent poliment, ça commence très mollement, sans rythme (mais que foutent-ils dans le Dance-hall ?), et on se demande un peu dans quoi on est tombés. Puis ça s'améliore lentement, les morceaux s'animent, une chanteuse vient apporter une couleur supplémantaire au son, ainsi qu'un supplément d'âme bienvenu. Les deux derniers morceaux deviennent même franchement emballants. On peut néanmoins se demander quel est l'intérêt de cette collaboration. Les quelques cliquetis en bruit de fond pendant que le Big Band joue ne sont pas vraiment un apport déterminant. Ces deux univers musicaux ne gagnent pas a priori grand chose à être ainsi rapprochés. Ceci dit, si enregistrer ce disque lui a fait plaisir à lui personnellement, pourquoi aurait-il dû s'en priver ?

J'enchaîne avec une petite moitié du concert de DEAD MAN RAY. Je n'ai jamais été très client de toute la clique issue de dEUS, et lorsque je me rends compte que le chapiteau est bourré massacre (une expression de chez nous que j'aime bien), je décide d'écouter de loin. Je me demande bien pourquoi le groupe n'a pas eu droit au Marquee. Du coup, je serai bien en peine de donner un avis sur le concert. Ca avait l'air agréablement foutraque, et ils ont joué un tube. C'est tout ce que je peux en dire.

Ensuite, direction le château pour le concert de RADIO 4, dont nous ratons les dix premières minutes. C'est très dansant, du dance-rock si tant est que l'on puisse utiliser ce terme. Disons des chansons à l'instrumentation rock qui ont pour mission de faire frémir les guibolles. Pour cela, une bonne ligne de basse bien mise en avant suffit en général à faire le boulot, et si on ajoute des petites envolées psychés au synthé, ou si on érige des murets de guitares dans un coin, c'est encore mieux. On pense parfois à des chansons comme Rock the Casbah par exemple. C'est vraiment une très bonne surprise, c'est très riche. Alors que Hot Hot Heat joue piétine clairement les mêmes plates-bandes, j'ai été beaucoup plus séduit par Radio 4. Peut-être est-ce la voix, finalement, qui me rebute chez HHH. Et puis Dance to the underground a quand même une autre classe que Bandages.

On enchaîne avec les papes de cette scène dance-rock new-yorkaise, THE RAPTURE. Si la musique de Radio 4 m'avait paru sur le coup riche et originale, celle de The Rapture l'est à la puissance 3. Les instrumentations sont nettement plus variées. Je pense notamment à un morceau constitué uniquement d'une boucle électro sur laquelle le chanteur glapit d'une voix suraiguë (on pense un peu au John Lydon de This is not a love sooooong). Après avoir jeté un oeil sur la setlist, ça doit être Heroes. La construction des morceaux est elle aussi plus riche, avec énormément de changement de rythmes, de faux départs, de fausses fins, etc... Un des membres du groupe passe du saxophone au wood-block et semble avoir mis au point une gestuelle de scène très efficace. L'ensemble du groupe respire la joie de jouer et le plaisir de faire bouger son public. Espérons que leur triomphe programmé ne leur fasse pas trop tourner la tête. Pour l'anecdote, juste devant moi, pour ce concert (au premier rang donc), un des sept (d'après lui) lillois du Festival semble avoir passé le concert de sa vie, et son enthousiasme était assez communicatif.

Je vais ensuite voir d'assez loin le concert de PJ HARVEY, mais ne parvient pas à accrocher. Je suis décidément peu sensible au charme de la scène principale. Tous les concerts que j'y ai vus m'ont déçu à des degrés divers, sauf celui pour lequel j'avais fait l'effort de me placer dans les premiers rangs. Tant pis pour moi sans doute. Ceci dit, ce n'est sans doute pas la seule raison, je n'ai après tout jamais été un inconditionnel de "la sorcière du Devon".

Je pars avant la fin pour aller vérifier si les musiciens de légende ont une aura particulière. WIRE est au château. Je ne savais quasiment rien du groupe, si ce n'est que c'étaient des légendes. Je me retrouve devant un mur du son, soit électro soit à base de guitares sur lesquels un lunetteux vient hurler son texte. Je pense à DAF, vu deux jours plus tôt, et du coup encore un peu à Suicide. Je ne suis pas sûr de comprendre pourquoi ils sont qualifiés de punks. Je vais tenter d'écouter un disque ou l'autre pour mieux cerner les personnages. En tout cas, ça fait clairement le boulot. Et c'est avec un certain regret que je m'en vais après 20 minutes, espérant retrouver la douce euphorie qui avait entouré pour moi le set des 2 MANY DJs à St-Malo. Cruelle erreur. La boiler-room est noire de monde et surchauffée. On manque d'air et le son est franchement médiocre. Qui plus est, le public semblait chauffé à blanc et connaître toutes les transitions par coeur et les rugissements de la salle m'ont souvent empêché d'entendre exactement de quoi il s'agissait. Le set (de 2h) semblait de plus beaucoup plus dilué qu'à la RdR et manquait de rythme. J'aurais mieux fait de rester voir Wire. Tant pis pour moi. Ce sera l'un des seuls choix que je regretterai pour ce festival.

Je pars après 85 minutes pour jeter une oreille sur LIMP BIZKIT, juste le temps de voir que l'antipathie instinctive que j'éprouve à la vue de Fred Durst ne faiblit pas (et non, ce n'est pas parce qu'il a fait pleurer Britney Spears). Il a l'air de détester son métier, de mépriser son public (son set prévu pour 1h10 ne fera que 50 minutes), et ses poses de bad-boy sont grotesques. Je hais tellement le personnage que je serais bien en peine de juger la musique. Sur disque, il y a parfois quelques sonorités qui me plaisent, mais sur scène, la vision de ce chimpanzé bondissant qui glapit des "fucking motherfuckers" décourage toute écoute.

Le festival se termine par un spectacle surréaliste de 8 danseuses en tutu, portées par une grue, déversant sur le public, confettis, feux d'artifices, serpentins et autres pétales de rose sur une musique de boîte à musique... Arf.

De plus, toutes ces bêtises m'ont donné un rhume. Pffff.

jeudi, août 21

Route du Rock 2003

Il s'est beaucoup dit, avant et après cette Route du Rock qu'il s'agirait de la dernière dans la formule actuelle, que la municipalité de Saint-Malo verrait plutôt d'un bon oeil la disparition de cette manifestation. Pour mieux comprendre le pourquoi de cette attitude, il n'est qu'à se promener dans la ville, complètement engorgée de touristes. Dès lors, à quoi peut servir une manifestation bruyante, qui n'attire que des petits sauvageons irresponsables, sales, qui se lèvent à pas d'heure et, comble de l'horreur, ne font guère tourner l'économie locale, si on excepte, et encore, le rayon bières du supermarché local ?

Très vite, on nous l'a fait comprendre. Alors que nous arrivions à notre hôtel (oui, oui, je sais, un hôtel.....), nous avons laissé entendre à la réceptionniste que nous venions à Saint-Malo pour la Route du Rock. Dans les deux minutes qui ont suivi, elle nous a demandé si nous pouvions payer d'avance, parce que, bon, elle est tellement débordée qu'il est absolument impossible qu'elle puisse trouver deux minutes lundi matin pour que nous lui remettions notre paiement. Et lorsque nous avons précisé que nous ne comptions pas prendre de petits déjeûners, notre compte était bon. Non seulement, nous allions rentrer à l'aube, et salir de nos chaussures poussièreuses sa carpette, mais nous allions en plus la priver du revenu que lui apportait le petit déjeûner. En fait, notre présence à l'hôtel lui faisait perdre de l'argent. Clairement, ce genre de touristes n'est pas ce dont la ville a besoin (et c'est sans parler de la réception qui nous attendait "Chez Chantal", outrée qu'un groupe de 11 puisse venir dans son restaurant à 14h30, alors que les honnêtes gens en sont déjà au dessert, et espérer être servi).

Adieu donc, Saint-Malo, on t'aimait bien.



Vendredi : "Que suis-je donc venu faire dans cette galère ?"



Je fais l'impasse sur le Palais du Grand Large où Stuntman 5 et Turiko Nuriko jouaient, et arrive sur le site à la fin du set de CYANN ET BEN. Ca sonnait très Pink Floyd avec un petit côté David Gilmour dans la voix, ce qui n'est ni un bien ni un mal.

Pendant la fin du concert, j'ai le temps de faire un tour du site et de constater la présence d'un (franchement petit) écran géant, et de l'absence totale de bancs, tentes ou espaces couverts. Il n'y a plus qu'à espérer que le temps reste clément. Dieu merci, dans ces contrées où les bolées rôdent, Râ veille (si vous n'aimez pas les jeux de mots, comprenez juste qu'il y a eu du soleil et qu'il n'a pas plu).

Ensuite arrivent sur scène, en ordre vestimentaire dispersé, les Canadiens de BROKEN SOCIAL SCENE, précédés d'une hype flatteuse. Ce qui frappe d'entrée, c'est le format atypique de leurs chansons, où la structure couplet-refrain-couplet, est le plus souvent absente. A partir de guitares, de basses, de voix à la limite de l'incantation et de... trombones (un grand instrument rock sous-exploité), ils construisent des morceaux envoûtants, souvent assez répétitifs. Voilà un album que je ne tarderai pas à écouter.

Viennent ensuite M83. Pour moi qui étais présent il y a pile un an au même endroit, il est diffcile de ne pas penser à Archive, autre groupe s'étant senti obligé de succomber au gros son pour tenter de faire passer son album sur une grande scène de festival. Peine perdue. Malgré la présence de petits détails inventifs qui viennent nous titiller l'oreille de temps à autre, le concert peine à décoller. Les compositions sont décidément trop faibles pour maintenir l'attention et des déluges de décibels n'y changeront rien. Ce qui fonctionne sur disque ne fonctionne pas forcément en festival. C'est une conclusion à laquelle m'amèneront bon nombre des groupes se succédant sur la scène du Fort de Saint-Père durant ces trois jours.

Difficile de tirer la même conclusion pour HOGGBOY. Voilà un groupe qui semble être conçu pour jouer en festival. Les interventions du chanteur empilent les clichés sans aucune pudeur, interrogeant le public sur sa consommation de bières, de cigarettes ou de préservatifs, ou dédicaçant le prochain morceau au premier qui grimpera sur les épaules d'un autre. Ses expression et ses poses semblent elles aussi sorties tout droit d'un petit guide 'Je joue à la rock star' : index et auriculaire levés, le pied sur les baffles de retour, la tête en arrière, appelant l'adoration de son public, le chanteur en fait des tonnes. Musicalement, ça n'a pas grand intérêt (d'ailleurs je ne me souviens absolument pas d'à quoi ça ressemblait), mais le public était ravi d'être ainsi invité à participer. Il s'est déchaîné. Pour ma part, un peu en retrait, je suis cela avec un certain amusement. Cette rencontre de tous les clichés du rock a l'air aussi spontanée qu'une émission d'Ardisson, mais, y a pas à dire, ça fait le boulot.

DEATH IN VEGAS succombe aux mêmes travers que M83. C'est assez bourrin. Ne surnagent que quelques cellules rythmiques assénées à coups de marteau sur le public. Je connais assez mal la discographie du groupe, mais comme Dirge était méconnaissable, je suppose qu'il en était de même pour les autres titres. Pourquoi un groupe qui sonne sur disque sombre et inquiétant se prend-il pour une machine à pogo sur scène. Etrange. En tout état de cause, j'ai décroché après deux titres et suis allé manger.

AUDIO BULLYS. La presse anglaise a inventé le terme de 'Hooligan house' pour décrire la musique du groupe, qui fait aussi beaucoup penser à un des meilleurs singles de 2001 (Part-T-one Vs INXS - I'm so crazy). C'est assez bien trouvé. Il y a un côté très 'in your face' dans la manière dont le chanteur s'exprime : l'arrogance, l'envie de provoquer (la manière dont il interpelle le public en disant 'France' notamment sonne un peu condescendante... mais bon, j'suis pas Français). Musicalement, ce n'est ni très fin, ni très compliqué. Une cellule rythmique simple, quelques notes formant un riff au synthé, et plaquée par-dessus, la voix du chanteur-rappeur, qui aboie son texte. C'est indéniablement efficace, et assez original, mais ça manque peut-être du petit supplément d'âme, de la pointe d'ironie qui pourrait rendre le tout un peu plus attachant. Ceci dit, je suis resté jusqu'au bout, et ne me suis ennuyé.




Samedi : "Mais c'est très bien, toutes ces petites choses."


Après un petit détour par la plage, une écoute distraite du set étonnamment lounge de Kieran Hebden, une galette et une crêpe chez Chantal, j'arrive au Palais du Grand Large, pour MANITOBA. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont soigné leur visuel. Ils arrivent en costume : veste de survêtement rouge à capuche, masque d'ourson et le concert commence en fanfare. Les deux batteurs se lancent dans une rythmique de folie, tandis que le guitariste (Manitoba en tant que tel ai-je supposé puisqu'il est censé enregistrer seul) scande d'un accord rageur la pulsation. Dans l'ensemble, c'est vraiment très rock, à la fois dans l'instrumentation (même si quelques boucles préenregistrées et sons synthétiques sont utilisés), et dans l'engagement physique des interprètes. Malheureusement, lorsque l'intensité rythmique retombe, mon esprit s'est souvent mis à vagabonder, et il y a des moments où on décroche un peu, mais comme ils pensent à tout, on peut alors s'intéresser aux projections qui accompagnent le concert, souvent assez naïves, à base de dessins d'enfants, de masques,... En résumé, un bon concert, mais assez inégal, surtout dans les morceaux lents. Le public, constitué pour plus de la moitié de V.I.P (payants ou non, difficiles à dire a priori), semble apprécier en tout cas.

Les concert au Palais ayant pris un retard certain (et l'Angleterre étant en train de réaliser sur Channel 4 une jolie performance lors du troisième test-match contre l'Afrique du Sud en cricket) nous n'arrivons au Fort qu'à la toute fin du concert de Buck 65, dont je ne dirai donc rien. Arrivent ensuite BLACK DICE : deux laptops, une batterie et une guitare. Le concert commence très doucement, par quelques sifflements, quelques effets de voix, et quelques sons organiques parcimonieux (ils semblent particulièrement apprécier les bruit obtenus à l'aide de ballons de baudruche). Par intermittences, l'électronica ambient fait place à de brèves poussées de post-rock apocalyptique, sans que cela ne semble avoir pour but de faire décoller le set. La musique faite par Black Dice est déceptive, elle semble être conçue contre les attentes du public. Il est amusant par exemple de constater l'effet pavlovien de la pulsation. Dès qu'un beat régulier s'installe, le public se réveille, sautille, et fait des 'Yahahahouuu' de contentement. Quinze secondes plus tard, c'est déjà fini. Ce genre de traitement n'est pas vraiment au goût du public. Entendu derrière moi : "D'habitude, ils n'ont pas des groupes aussi mauvais" ou bien "C'est en programmant des groupes aussi nuls qu'un festival bousille sa réputation". Et effectivement, on se demande un peu ce qu'ils font là, leur musique semble totalement absurde dans l'environnement du Fort (mais aurait sans doute très bien convenu au Palais). Ceci dit, c'était un bon concert. Sans doute le meilleur des concerts au Fort jusque là. L'écoute de l'album est prévue pour très bientôt.

Arrivent ensuite HOT HOT HEAT, encore des Canadiens, auteur d'un tube mineur avec Bandages. Je passe le set assez loin de la scène, à manger je ne sais plus quel repas improbable, afin d'être en forme pour le concert suivant. Le groupe, avec une bonne trentaine d'autres, a été présenté par la presse anglaise comme les nouveax sauveurs du rock. J'étais donc assez curieux d'entendre malgré tout de quoi il retournait. Force est de constater que c'est assez vite lassant. Le groupe a beaucoup de choses pour lui : un chanteur vire-voltant, adepte des poses de keyboard-hero et qui a bizarrement un peu la même voix que le chanteur de At the Drive-in. Les chansons malheureusement ne sont pas vraiment à la hauteur, les mélodies sont insignifiantes. Reste donc un concert sympathique dans son esprit, mais sans plus. Une relative déception. Peut-être mériteraient-ils que je leur donne une seconde chance.

Encore plus 'sauveurs du rock' que Hot Hot Heat, les YEAH YEAH YEAHS sont la vraie tête d'affiche de cette journée. J'avais écouté l'album avant de venir et l'avais trouvé au mieux quelconque. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Mais sur scène, ça n'a plus rien à voir. Pourquoi se tracasser à écrire des chansons élaborées, à se creuser la tête pour trouver un refrain quand on a une bête de scène comme Karen O pour maintenir l'attention du public ? Dès le premières secondes, je suis totalement rentré dans l'ambiance. Karen arrive sur scène, très lentement, à reculons, portant une veste et une mini-jupe en peau de léopard, une ceinture de cuir noir et des bas résilles. Lorsqu'elle se retournera enfin vers le public, on verra qu'elle est en plus maquillée comme Dee Snider. Pendant une heure, j'aurai les yeux rivés sur elle qui grogne, feule, se roule par terre, gémit, crie, court d'un côté à l'autre de la scène, glapit, murmure, tente de faire chanter le premier rang, jappe, hurle, jure sans retenue, croasse, mugit, et même (mais pas trop) chante sagement derrière son micro. Mon goût pour la mélodie avait ici bien peu de chances d'être rencontré mais, en plein coeur de la mêlée, au milieu d'un public déchaîné que les jets d'eau en plein figure (aussi désagréables soient-ils) ne font qu'exciter davantage. La mélodie semblait devenue totalement superflue. Donnez-nous une batterie, un riff, quelques cris et nous vous ferons un pogo d'enfer. C'était bien. Contrat rempli.

Arrivent enfin, pour clôturer la soirée les 2 MANY DJS. C'est la première fois que je les voyais, je ne savais pas exactement à quoi m'attendre. Une première constatation s'impose. Il ne s'agit pas d'un simple mix. Les morceaux sont retravaillés, les enchaînements préprogrammés, à tel point qu'on se demande dans quelle mesure, les disques vinyles qu'ils vont chercher dans une grande caisse derrière les platines ne seraient pas là uniquement pour faire semblant. J'ai du mal à croire que l'on puisse assurer des transitions aussi complexes, ou superposer des morceaux différents, simplement avec deux platines. Ceci dit, cela n'a aucune importance. Seul le résultat compte, et il est infiniment jouissif. S'enchaînent tubes et disques obscurs, pop, rock, metal, techno, electro dans un joyeux foutoir que l'on aimerait ne jamais voir finir. Les plus grandes ovations ont accompagné les tubes les plus indiscutables : Nirvana, les White Stripes, ou même Justin Timberlake, seul rescapé d'un set d'où la pop était très visiblement absente (pas de Britney, pas de Kylie, etc.) Mon espoir de voir pop et rock rapprochés et mis sur un pied d'égalité par la grande égaliseuse des bootlegs ne s'est pas concrétisé. Ils ont même eu l'outrecuidance de passer Blue Monday quasiment en entier sans faire à aucun moment, entrer le "Nananana" de Kylie. Grrrr. Tant pis. Ce sera pour une autre fois. Après 1h45 de bonheur, à peine assombri par la douloureuse prise de conscience que, décidément, il me reste encore beaucoup de disques à découvrir, il est bien temps de rentrer dormir.



Dimanche : "Mais... mais.... c'est pas ce qui était prévu au programme"

Au Palais, l'après-midi commence par le concert de FOUR TET. Kieran Hebden ressemble furieusement à Jeff Buckley (ce qui est un compliment), mais un Jeff Buckley qui, né dix ans plus tard, n'aurait pas reçu une guitare pour ses dix ans, mais un ordinateur. Equipé de deux laptops et d'une table de mixage, il a délivré un set qui m'a vraiment enthousiasmé. Pourquoi diable cet enthousiasme, alors que je reproche souvent aux concerts d'electronica de ne pas me réellement m'atteindre ? Il y a plusieurs raisons sans doute : la première est qu'il semble vraiment s'amuser en jouant, et apprécier les réactions du public. Contrairement à de nombreux autres laptop(p?)eurs, il ne semble pas considérer comme une insulte que l'on manifeste son enthousiasme en cours de set. Ca le fera même sourire de contentement. L'écueil de l'autisme est évité. Ensuite, la musique qui sort de ses machines est entièrement construite à partir de samples. On reconnait donc en permanence des bruits ou des instruments acoustiques : guitares, claves... L'écueil de la froideur est évité. Enfin, il n'a pas peur de laisser ses morceaux s'installer dans la longueur, il laisse aux rythmes le temps de s'installer, de se déployer. L'auditeur que je suis peut se laisser immerger dans ce rythme familier, s'y raccrocher. L'écueil de l'hermétisme est évité. Pas étonnant dès lors que le je sois rentré dedans.

Après ce départ en fanfare, arrive sur scène le belge de STYROFOAM. C'est seulement le deuxième concert où le chanteur-bidouilleur est accompagné de ses deux musiciens (un batteur et un guitariste). Il jouera de ce manque d'expérience de groupe tout au long du concert lors de ses interventions entre chaque chanson. Le concert se situe à mi-chemin entre le rock et l'électro. Il dira d'ailleurs un truc du genre : "Je m'excuse pour le guitariste. On essaye vraiment d'être électro, mais ça ne marche pas toujours.". Pour enfoncer le clou, ils interprétent deux reprises : une des Mountain Goats, l'autre de Pitchfork (un groupe hardcore US apparemment). Finalement, cette indécision entre rock et électro résulte en une pop atmosphérique, assez rythmée mais où le caractère étale des mélodies, et la superposition des couches de synthé donnent à l'ensemble un caractère hypnotique. On peut penser pour l'esprit à Avalyn de Slowdive ou à Paris and Rome des Cranes par exemple. J'avais tenté sur le moment même de mettre en mots cette impression. "Les couches se succèdent, se répondent, semblant s'empiler les unes sur les autres, dans une surenchère grisante qui, pourtant semble ne tendre vers aucune résolution, telle une vis sans fin." Je ne suis pas sûr d'y avoir réussi. Le morceau le plus réussi est sans conteste le dernier (juste avant le rappel) dont j'ai malheureusement oublié le titre. Si des gens ici ont accès à une setlist, je suis preneur.

Pour cause de panne de courant générale dans le nord des USA, Calla et Fat Truckers ont été incapables de quitter les Etats-Unis. La programmation de la soirée au Fort, refaite à la hâte, ne ressemble plus à grand-chose.

MS JOHN SODA déclence les hostilités. Dans les meilleurs moments, ça ressemble un peu à the Notwist, avec raison, apprends-je peu après puisque les deux groupes partagent le même guitariste. Il me semblait bien d'ailleurs que cette manière de sur-bouger (comme un acteur peut sur-jouer) m'était familière. Malheureusement, dans les pires moments, ça ne ressemble pas à grand-chose. La chanteuse n'a pas de voix et pas de charisme. Dès lors, dès qu'elle ouvre la bouche, tous les morceaux s'écrasent lamentablement. Lorsqu'elle laisse les instruments parler, on sent que quelque chose commence à se produire, mais ça ne dure jamais longtemps avant qu'elle ne rechante. Une vraie déception.

GRANDADDY arrivent ensuite. Seule tête d'affiche "crédible" de cette journée. Il y a véritablement pour moi un "mystère Grandaddy" que je voudrais bien que l'on m'explique. D'où vient la dévotion qu'ils inspirent chez des gens très bien ? J'en ai vu quelques-uns juste après le concert qui m'ont tenu des propos du genre : "Grandaddy, c'est un mélange de synthés gracieux et de guitares vrombissantes", ou bien "Grandaddy, c'est une voix à la Neil Young sur des mélodies californiennes à la Beach Boys".. Rien de moins. Comment expliquer alors que je n'y ai vu qu'un concert incroyablement mou, des mélodies poussives et un chanteur sans voix qui, de surcroit, a chanté faux les trois quarts du temps ? Passés les petits gimmicks au synthé qui sont leur marque de fabrique, que reste-t-il ? Pour moi, rien. De la musique ni vraiment émouvante, ni vraiment énergique, juste un peu fade. Je sens bien confusément que les choses ne doivent pas être aussi simples, que quelque chose doit m'échapper. Peut-être est-ce l'originalité de leur côté skaters décalés, à la fois dépressifs et sophistiqués qui plait ? Peut-être leurs mélodies sont-elles incroyablement riches et suis-je incapable de les entendre ? Je voudrais vraiment que l'on m'explique. Je compte bien écouter les albums, histoire de me faire une idée. Je voudrais vraiment tirer cela au clair. Je n'en dors plus. :)

Viennent ensuite TRAVIS. Quoique franchement pas fan hardcore de leur musique, je décide de passer le concert au premier rang, juste histoire d'en avoir fait au moins un au cours du festival. Finalement, c'était une bonne idée. Ne serait-ce que pour m'être retrouvé au milieu d'un groupe de fans britanniques, complètement hystériques. L'un d'entre eux fera même le geste de se prosterner devant Fran Healy lorsqu'il croisera son regard. Etre ainsi entouré d'une telle dévotion a sans doute perverti mon regard sur ce concert. Il faut d'abord reconnaitre à Travis un vrai sens de la mélodie pop. Ils commencent d'ailleurs par leur meilleur single à ce jour Sing. Toutes les chansons ne sont pas du même niveau, loin s'en faut, mais celle-là est quasi-parfaite. Sinon, il y a un côté indéniablement ridicule chez Travis. D'abord, ils ont un côté boy-scout dont ile ne parviennent pas à se défaire, malgré des tentatives récentes de paraître moins fréquentables (on a même eu droit à quelques 'fuck'). Mais comment ne pas éclater de rire devant le discours d'une candeur halluciunante tenu par le chanteur entre deux morceaux : 'Les gens, ils sont gentils. Ce sont les politiciens qui foutent la merde. Ce serait tellement bien si nous pouvions tous nous débarrasser de nos armes de destruction massive' (moi, je veux bien, Fran, mais c'est que j'y tiens à mon album de Céline Dion. Je promets de ne le passer qu'en cas de légitime défense). Comme il avait affaire à un public de non-anglophones, il décrit toutes les nouvelles chansons avant de les chanter. Nous a vons donc droit à une chanson sur la violence conjugale 'Ah, pourquoi l'as-tu repris après qu'il t'ait frappée la première fois. Il a évidemment recommencé.), la paix dans le monde (le titre est tout un programme, Peace the fuck out). Toutes les chansons ne sont pas mauvaises et leur sens de la mélodie accrocheuse est indéniable, mais c'est tellement 'neuneu' que l'on a vraiment beaucoup de peine à prendre ça au sérieux, d'autant que le groupe semble être incapable de la moindre étincelle d'ironie. Ils ont notamment joué leur toute première chanson, au titre improbable de All I want to do is rock (clairement, ils ont dû dévier de leur intention première à un moment ou à un autre). Le guitariste (une tête de gros nounours qui ressemble un peu à Noddy Holder) s'est alors lancé dans un festival de poses tellement outrées, tellement en décalage avec la musique que l'on se serait cru dans Spinal Tap : et que je joue derrière la tête, et que je saute en l'air dans tous les sens, et que je m'en vais jouer dans les échafaudages.... C'est tout à la fois grotesque et pathétique. Le batteur dodeline de la tête sans arrêt, comme s'il avait un cou en caoutchouc. Non, vraiment ce concert était une expérience étonnante. Lorsque le chanteur est venu serrer les mains des spectateurs du premier rang, j'ai pu voir dans ses yeux une innocence, une joie enfantine d'être là et une candeur tellement absolues que c'est difficile de lui en vouloir. Pourquoi ne peut-on plus (moi compris) tolérer la gentillesse un peu naïve ? Ca en dit sans doute assez long sur notre époque.

BUCK 65 revient ensuite faire son Deejay rigolo, mais je n'en ai rien vu. MANITOBA vient aussi jouer les bouche-trous. Une bonne idée, leur set au Palais contenait la plupart des éléments qui garantissent un bon transfert sur la scène du Fort. Un visuel soigné, des morceaux rythmés. Ils tentent d'interagir avec la foule, parfois un peu maladroitement (je serais tenté de dire qu'il s'agit de leur premier concert devant autant de monde). Au départ, le public semble assez peu réceptif puis s'échauffe progressivement. A la deuxième écoute, je parviens à distinguer un vraiment bon morceau (le seul avec de la voix, tiré du second album apparemment), qui, bien renforcé par les batteurs, prend une dimension supplémentaire sur la scène du Fort.

Il fut ensuite temps de rentrer. La route du retour allait être longue.

La programmation de cette année manquait de véritables stars, et la faible affluence (malgré un samedi soir où le fort semblait noir de monde) ne m'étonne guère. Entre les groupes qui ont gonflé leur son studio en espérant (à tort) mieux passer en live (M83, DiV), les groupes faits pour le live (Hoggboy, YYY, HHH), ceux qui ont joué leur set sans se soucier de rien (Black Dice), et ceux qui ont pu tester leur concert dans deux environnements différents (Manitoba), on a eu un peu tous les cas de figure. Musicalement, il y en avait un peu pour tous les goûts. Chacun pouvait normalement trouver chaussure à son pied dans la programmation. Il manquait peut-être juste un grand concert populaire et fédérateur, une vraie tête d'affiche. 2 MANY DJs peut-être était ce qui s'en rapprochait le plus.