La chronique d'ARTE :
Je ne sais pas pourquoi, mais la musique de Philip Glass m’a toujours fais songer au mouvement presque immobile du paysage aux fenêtres des trains. Certes, pas n’importe quel train : la malédiction de la vitesse et du confort qui frappe nos contemporains a réservé aux voyageurs de province le plaisir de voir la fuite des arbres et des maisons accompagné du bruit régulier que les wagons produisent en glissant sur les rails.
Musique ferroviaire donc, musique de rêve surtout. A moins que tout cela ne se fonde dans un même concept : la musique de Philip Glass, cet art de la répétition, pourrait bien surgir d’un rêve éveillé, née du mouvement et de l’immobilité d’une très antique micheline. [...]
Mon billet :
Le soir tombe. Vous prenez le train. Comme vous avez oublié d’emporter un bouquin, vous n’avez rien de mieux à faire que de regarder par la fenêtre. C’est une activité frustrante. Tout ce qui est proche de vous et dont vous pourriez avoir une vision claire (les maisons et les arbres qui longent la voie, les panneaux indiquant le nom des gares traversées) n’est visible que pendant une fraction de seconde puis aussitôt relégué dans le lointain par la course inexorable du train. Ce qui est plus éloigné (l’orée d’une forêt à l’horizon ou le clocher d’un village situé à bonne distance de la voie par exemple) apparait sans détails, comme un contour indistinct à moitié noyé dans la pénombre. Dès lors, en quelques secondes, vous en faites le tour et votre regard se remet automatiquement à errer dans le vague. L’ennui menace.
Personnellement, je trompe en général cet ennui en baissant les yeux et en observant les rails de la voie d’à côté. Dans un champ de vision où rien ne devrait a priori pouvoir se maintenir, ces interminables poutres de métal luisant apportent un trompeuse apparence de stabilité que seules quelques variations lentes et progressives (voies qui s’éloignent ou se rapprochent au gré du relief, de rares aiguillages) viennent troubler. Le bruit régulier du train passant d’un tronçon de voie (tougoudou tougoudou) à l’autre contribue également à me faire sombrer dans une torpeur contemplative. [...]
A moins que ce billet dont j'étais si fier ne contienne en fait que de consternantes banalités ? Mais non, je n'ose y penser, ce serait trop horrible.