Partant du principe que la musique n'est jamais qu'une application de la physique ondulatoire, j'inaugure avec ce billet une nouvelle série sur les rapports entre l'amour de la musique et les sciences dures. Pour cette premier volet, je vais parler d'un problème qui touche au coeur quiconque a déjà acheté des CD via Internet.
J'ai souvent été surpris du manque de soin porté à l'emballage des CD achetés en ligne. Souvent, ils sont expédiés entourés simplement d'un mince carton. Pourtant, dans 80% des cas, le boîtier extérieur (ce billet passe évidemment sous silence le cas très particulier des digipacks) est intact, souvent même sans la moindre fêlure. Pourtant, et c'est là que l'inexplicable le dispute à l'étrange, les picots qui maintiennent le CD sur le plateau sont très souvent réduits en miettes. Comment peut-on expliquer que le contenant soit ainsi plus abîmé que le contenu, étant entendu que le contenant est a priori plus exposé aux chocs que le contenu ?
J'ai tenté d'étudier le problème en faisant appel à mon esprit scientifique mais ne suis pas parvenu à me motiver suffisamment pour passer outre les premières difficultés expérimentales. Je me suis donc bien vite confortablement réfugié dans l'à-peu-près et le ça-sera-toujours-bon-comme-ça. A première vue, il semblerait qu'il y ait un peu moins d'un millimètre entre la face avant du CD et ces fameux picots (pour un livret de taille moyenne). La face avant du CD, a priori la plus fragile, doit donc a priori subir une déformation conséquente avant que l'intégrité structurelle de ces petits picots ne soit mise en danger. Pourtant, ce sont systématiquement ces derniers qui trinquent. Comment l'expliquer ?
Peut-être la face avant du CD résiste-t-elle mieux au fléchissement que le picot ne résiste à la compression ? A moins que ce ne soit la soudaineté des chocs qui joue un rôle déterminant, les picots étant plus sensibles aux déformations soutenues et lentes que le boîtier extérieur, plus vulnérable lui face aux chocs violents et brefs ? Autre question à se poser : doit-on tenir compte du rôle d'amortisseur joué par le livret ? Et si oui, comment ? Un livret épais, plein de jolies photos et de paroles de chansons, est a priori un bon absorbeur des chocs, mais il rajoute également de l'épaisseur au contenu du boîtier et diminue donc la distance tampon d'un millimètre qui était censée protéger les picots des déformations du boîtier. Lequel de ces effets domine ?
Quoi qu'il en soit, j'ai de bonnes raisons de soupçonner un sous-dimensionnement coupable de ces petits picots par les fabricants de boîtiers "jewel-case" qui, pour quelques centimes d'économie, jouent de manière éhontée avec la sécurité des CD, qui aurait pourtant dû être leur préoccupation première. En effet, un CD qui n'est plus fermement maintenu au centre du plateau par les picots risque durant son cahoteux et chaotique trajet de de déloger, de se mettre à glisser dans le boîtier, voire de se rayer, ce qui peut mener jusqu'à la mort fonctionnelle du dit CD : ne plus pouvoir être lu par les lecteurs, l'information chèrement payée qu'il contient condamnée à dépérir dans son écrin, toujours brillant mais rendu à jamais inaccessible au pouvoir révélateur du faisceau laser.
Loin de moi l'idée de vouloir incriminer qui que ce soit. Ce problème mérite mieux que de mesquines attaques ad hominem. Mais quand même. Les ingénieurs responsables de ce fiasco ne pouvaient-ils vraiment pas faire mieux ? N'ont-ils pas appris qu'une structure ne peut jamais être plus solide que le plus fragile de ses composants ?
Seraient-ce des patrons cupides qui leur ont donné un cahier des charges a minima qu'ils ont bien dû, la mort dans l'âme, respecter (du genre "pas plus de x grammes de matières premières par boîtier") ?
Toujours est-il que, à chaque fois que je reçois un disque par la poste, l'angoisse m'étreint. Contenant à grand peine ma fébrilité, je le place près de mon oreille, où je le secoue délicatement, espérant ardemment ne rien entendre qu'un silence apaisant. Las, presque toujours, le cliquetis de plastique tant redouté jaillit de derrière le cellophane et je dois me préparer mentalement à une nouvelle cérémonie funèbre de ramassage de picots, recueillis un à un avec révérence avant d'être versés dans la poubelle, dernière demeure sans gloire pour ces morceaux de plastique courageux que l'avidité des hommes aura placés face à une tâche impossible.
Et après, on s'étonne que les gens téléchargent des mp3 et n'achètent plus de CD...
6 commentaires:
Cher Pierre,
avec tout mon respect, vous êtes un grand malade.
et rien sur les autocollants recouvrant les tranches supérieures des CDs en import ? ces autocollants conçus pour se déchirer en tous petits morceaux et laisser des traces de colle plein le boitier quand on veut les enlever...
A propos de ces autocollants, une fois j'ai réussi à en décoller un facilement, sans qu'il se déchire ni ne laisse de la colle sur le boitier. J'avais trouvé le geste parfait...
Mais c'était un pur hasard et je n'ai jamais pu le refaire.
En effet, même en achetant en boutique, il arrive de se retrouver avec un truc cassé...
On veut nous forcer à racheter des boitiers !
Quand au truc autocollant des américains ( fait pour pouvoir ranger les disques d'une certaine façon ), il se décolle bien s'il est récent. Après 6 mois, inutile d'espérer ne pas garder de la colle partout...
c'est merveilleux c'est proustien des lignes et des lignes sur ces impressions qu'on a tous eues sans en faire une phrase jusqu'ici... il faut quand même ajouter que le cd double ou triple voyage aussi très mal et pas que du côté du picot.
Comme tu as raison.
Pourquoi il y a pas déjà 30 000 pétitions contre ça ?
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