jeudi, août 21

Route du Rock 2003

Il s'est beaucoup dit, avant et après cette Route du Rock qu'il s'agirait de la dernière dans la formule actuelle, que la municipalité de Saint-Malo verrait plutôt d'un bon oeil la disparition de cette manifestation. Pour mieux comprendre le pourquoi de cette attitude, il n'est qu'à se promener dans la ville, complètement engorgée de touristes. Dès lors, à quoi peut servir une manifestation bruyante, qui n'attire que des petits sauvageons irresponsables, sales, qui se lèvent à pas d'heure et, comble de l'horreur, ne font guère tourner l'économie locale, si on excepte, et encore, le rayon bières du supermarché local ?

Très vite, on nous l'a fait comprendre. Alors que nous arrivions à notre hôtel (oui, oui, je sais, un hôtel.....), nous avons laissé entendre à la réceptionniste que nous venions à Saint-Malo pour la Route du Rock. Dans les deux minutes qui ont suivi, elle nous a demandé si nous pouvions payer d'avance, parce que, bon, elle est tellement débordée qu'il est absolument impossible qu'elle puisse trouver deux minutes lundi matin pour que nous lui remettions notre paiement. Et lorsque nous avons précisé que nous ne comptions pas prendre de petits déjeûners, notre compte était bon. Non seulement, nous allions rentrer à l'aube, et salir de nos chaussures poussièreuses sa carpette, mais nous allions en plus la priver du revenu que lui apportait le petit déjeûner. En fait, notre présence à l'hôtel lui faisait perdre de l'argent. Clairement, ce genre de touristes n'est pas ce dont la ville a besoin (et c'est sans parler de la réception qui nous attendait "Chez Chantal", outrée qu'un groupe de 11 puisse venir dans son restaurant à 14h30, alors que les honnêtes gens en sont déjà au dessert, et espérer être servi).

Adieu donc, Saint-Malo, on t'aimait bien.



Vendredi : "Que suis-je donc venu faire dans cette galère ?"



Je fais l'impasse sur le Palais du Grand Large où Stuntman 5 et Turiko Nuriko jouaient, et arrive sur le site à la fin du set de CYANN ET BEN. Ca sonnait très Pink Floyd avec un petit côté David Gilmour dans la voix, ce qui n'est ni un bien ni un mal.

Pendant la fin du concert, j'ai le temps de faire un tour du site et de constater la présence d'un (franchement petit) écran géant, et de l'absence totale de bancs, tentes ou espaces couverts. Il n'y a plus qu'à espérer que le temps reste clément. Dieu merci, dans ces contrées où les bolées rôdent, Râ veille (si vous n'aimez pas les jeux de mots, comprenez juste qu'il y a eu du soleil et qu'il n'a pas plu).

Ensuite arrivent sur scène, en ordre vestimentaire dispersé, les Canadiens de BROKEN SOCIAL SCENE, précédés d'une hype flatteuse. Ce qui frappe d'entrée, c'est le format atypique de leurs chansons, où la structure couplet-refrain-couplet, est le plus souvent absente. A partir de guitares, de basses, de voix à la limite de l'incantation et de... trombones (un grand instrument rock sous-exploité), ils construisent des morceaux envoûtants, souvent assez répétitifs. Voilà un album que je ne tarderai pas à écouter.

Viennent ensuite M83. Pour moi qui étais présent il y a pile un an au même endroit, il est diffcile de ne pas penser à Archive, autre groupe s'étant senti obligé de succomber au gros son pour tenter de faire passer son album sur une grande scène de festival. Peine perdue. Malgré la présence de petits détails inventifs qui viennent nous titiller l'oreille de temps à autre, le concert peine à décoller. Les compositions sont décidément trop faibles pour maintenir l'attention et des déluges de décibels n'y changeront rien. Ce qui fonctionne sur disque ne fonctionne pas forcément en festival. C'est une conclusion à laquelle m'amèneront bon nombre des groupes se succédant sur la scène du Fort de Saint-Père durant ces trois jours.

Difficile de tirer la même conclusion pour HOGGBOY. Voilà un groupe qui semble être conçu pour jouer en festival. Les interventions du chanteur empilent les clichés sans aucune pudeur, interrogeant le public sur sa consommation de bières, de cigarettes ou de préservatifs, ou dédicaçant le prochain morceau au premier qui grimpera sur les épaules d'un autre. Ses expression et ses poses semblent elles aussi sorties tout droit d'un petit guide 'Je joue à la rock star' : index et auriculaire levés, le pied sur les baffles de retour, la tête en arrière, appelant l'adoration de son public, le chanteur en fait des tonnes. Musicalement, ça n'a pas grand intérêt (d'ailleurs je ne me souviens absolument pas d'à quoi ça ressemblait), mais le public était ravi d'être ainsi invité à participer. Il s'est déchaîné. Pour ma part, un peu en retrait, je suis cela avec un certain amusement. Cette rencontre de tous les clichés du rock a l'air aussi spontanée qu'une émission d'Ardisson, mais, y a pas à dire, ça fait le boulot.

DEATH IN VEGAS succombe aux mêmes travers que M83. C'est assez bourrin. Ne surnagent que quelques cellules rythmiques assénées à coups de marteau sur le public. Je connais assez mal la discographie du groupe, mais comme Dirge était méconnaissable, je suppose qu'il en était de même pour les autres titres. Pourquoi un groupe qui sonne sur disque sombre et inquiétant se prend-il pour une machine à pogo sur scène. Etrange. En tout état de cause, j'ai décroché après deux titres et suis allé manger.

AUDIO BULLYS. La presse anglaise a inventé le terme de 'Hooligan house' pour décrire la musique du groupe, qui fait aussi beaucoup penser à un des meilleurs singles de 2001 (Part-T-one Vs INXS - I'm so crazy). C'est assez bien trouvé. Il y a un côté très 'in your face' dans la manière dont le chanteur s'exprime : l'arrogance, l'envie de provoquer (la manière dont il interpelle le public en disant 'France' notamment sonne un peu condescendante... mais bon, j'suis pas Français). Musicalement, ce n'est ni très fin, ni très compliqué. Une cellule rythmique simple, quelques notes formant un riff au synthé, et plaquée par-dessus, la voix du chanteur-rappeur, qui aboie son texte. C'est indéniablement efficace, et assez original, mais ça manque peut-être du petit supplément d'âme, de la pointe d'ironie qui pourrait rendre le tout un peu plus attachant. Ceci dit, je suis resté jusqu'au bout, et ne me suis ennuyé.




Samedi : "Mais c'est très bien, toutes ces petites choses."


Après un petit détour par la plage, une écoute distraite du set étonnamment lounge de Kieran Hebden, une galette et une crêpe chez Chantal, j'arrive au Palais du Grand Large, pour MANITOBA. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont soigné leur visuel. Ils arrivent en costume : veste de survêtement rouge à capuche, masque d'ourson et le concert commence en fanfare. Les deux batteurs se lancent dans une rythmique de folie, tandis que le guitariste (Manitoba en tant que tel ai-je supposé puisqu'il est censé enregistrer seul) scande d'un accord rageur la pulsation. Dans l'ensemble, c'est vraiment très rock, à la fois dans l'instrumentation (même si quelques boucles préenregistrées et sons synthétiques sont utilisés), et dans l'engagement physique des interprètes. Malheureusement, lorsque l'intensité rythmique retombe, mon esprit s'est souvent mis à vagabonder, et il y a des moments où on décroche un peu, mais comme ils pensent à tout, on peut alors s'intéresser aux projections qui accompagnent le concert, souvent assez naïves, à base de dessins d'enfants, de masques,... En résumé, un bon concert, mais assez inégal, surtout dans les morceaux lents. Le public, constitué pour plus de la moitié de V.I.P (payants ou non, difficiles à dire a priori), semble apprécier en tout cas.

Les concert au Palais ayant pris un retard certain (et l'Angleterre étant en train de réaliser sur Channel 4 une jolie performance lors du troisième test-match contre l'Afrique du Sud en cricket) nous n'arrivons au Fort qu'à la toute fin du concert de Buck 65, dont je ne dirai donc rien. Arrivent ensuite BLACK DICE : deux laptops, une batterie et une guitare. Le concert commence très doucement, par quelques sifflements, quelques effets de voix, et quelques sons organiques parcimonieux (ils semblent particulièrement apprécier les bruit obtenus à l'aide de ballons de baudruche). Par intermittences, l'électronica ambient fait place à de brèves poussées de post-rock apocalyptique, sans que cela ne semble avoir pour but de faire décoller le set. La musique faite par Black Dice est déceptive, elle semble être conçue contre les attentes du public. Il est amusant par exemple de constater l'effet pavlovien de la pulsation. Dès qu'un beat régulier s'installe, le public se réveille, sautille, et fait des 'Yahahahouuu' de contentement. Quinze secondes plus tard, c'est déjà fini. Ce genre de traitement n'est pas vraiment au goût du public. Entendu derrière moi : "D'habitude, ils n'ont pas des groupes aussi mauvais" ou bien "C'est en programmant des groupes aussi nuls qu'un festival bousille sa réputation". Et effectivement, on se demande un peu ce qu'ils font là, leur musique semble totalement absurde dans l'environnement du Fort (mais aurait sans doute très bien convenu au Palais). Ceci dit, c'était un bon concert. Sans doute le meilleur des concerts au Fort jusque là. L'écoute de l'album est prévue pour très bientôt.

Arrivent ensuite HOT HOT HEAT, encore des Canadiens, auteur d'un tube mineur avec Bandages. Je passe le set assez loin de la scène, à manger je ne sais plus quel repas improbable, afin d'être en forme pour le concert suivant. Le groupe, avec une bonne trentaine d'autres, a été présenté par la presse anglaise comme les nouveax sauveurs du rock. J'étais donc assez curieux d'entendre malgré tout de quoi il retournait. Force est de constater que c'est assez vite lassant. Le groupe a beaucoup de choses pour lui : un chanteur vire-voltant, adepte des poses de keyboard-hero et qui a bizarrement un peu la même voix que le chanteur de At the Drive-in. Les chansons malheureusement ne sont pas vraiment à la hauteur, les mélodies sont insignifiantes. Reste donc un concert sympathique dans son esprit, mais sans plus. Une relative déception. Peut-être mériteraient-ils que je leur donne une seconde chance.

Encore plus 'sauveurs du rock' que Hot Hot Heat, les YEAH YEAH YEAHS sont la vraie tête d'affiche de cette journée. J'avais écouté l'album avant de venir et l'avais trouvé au mieux quelconque. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Mais sur scène, ça n'a plus rien à voir. Pourquoi se tracasser à écrire des chansons élaborées, à se creuser la tête pour trouver un refrain quand on a une bête de scène comme Karen O pour maintenir l'attention du public ? Dès le premières secondes, je suis totalement rentré dans l'ambiance. Karen arrive sur scène, très lentement, à reculons, portant une veste et une mini-jupe en peau de léopard, une ceinture de cuir noir et des bas résilles. Lorsqu'elle se retournera enfin vers le public, on verra qu'elle est en plus maquillée comme Dee Snider. Pendant une heure, j'aurai les yeux rivés sur elle qui grogne, feule, se roule par terre, gémit, crie, court d'un côté à l'autre de la scène, glapit, murmure, tente de faire chanter le premier rang, jappe, hurle, jure sans retenue, croasse, mugit, et même (mais pas trop) chante sagement derrière son micro. Mon goût pour la mélodie avait ici bien peu de chances d'être rencontré mais, en plein coeur de la mêlée, au milieu d'un public déchaîné que les jets d'eau en plein figure (aussi désagréables soient-ils) ne font qu'exciter davantage. La mélodie semblait devenue totalement superflue. Donnez-nous une batterie, un riff, quelques cris et nous vous ferons un pogo d'enfer. C'était bien. Contrat rempli.

Arrivent enfin, pour clôturer la soirée les 2 MANY DJS. C'est la première fois que je les voyais, je ne savais pas exactement à quoi m'attendre. Une première constatation s'impose. Il ne s'agit pas d'un simple mix. Les morceaux sont retravaillés, les enchaînements préprogrammés, à tel point qu'on se demande dans quelle mesure, les disques vinyles qu'ils vont chercher dans une grande caisse derrière les platines ne seraient pas là uniquement pour faire semblant. J'ai du mal à croire que l'on puisse assurer des transitions aussi complexes, ou superposer des morceaux différents, simplement avec deux platines. Ceci dit, cela n'a aucune importance. Seul le résultat compte, et il est infiniment jouissif. S'enchaînent tubes et disques obscurs, pop, rock, metal, techno, electro dans un joyeux foutoir que l'on aimerait ne jamais voir finir. Les plus grandes ovations ont accompagné les tubes les plus indiscutables : Nirvana, les White Stripes, ou même Justin Timberlake, seul rescapé d'un set d'où la pop était très visiblement absente (pas de Britney, pas de Kylie, etc.) Mon espoir de voir pop et rock rapprochés et mis sur un pied d'égalité par la grande égaliseuse des bootlegs ne s'est pas concrétisé. Ils ont même eu l'outrecuidance de passer Blue Monday quasiment en entier sans faire à aucun moment, entrer le "Nananana" de Kylie. Grrrr. Tant pis. Ce sera pour une autre fois. Après 1h45 de bonheur, à peine assombri par la douloureuse prise de conscience que, décidément, il me reste encore beaucoup de disques à découvrir, il est bien temps de rentrer dormir.



Dimanche : "Mais... mais.... c'est pas ce qui était prévu au programme"

Au Palais, l'après-midi commence par le concert de FOUR TET. Kieran Hebden ressemble furieusement à Jeff Buckley (ce qui est un compliment), mais un Jeff Buckley qui, né dix ans plus tard, n'aurait pas reçu une guitare pour ses dix ans, mais un ordinateur. Equipé de deux laptops et d'une table de mixage, il a délivré un set qui m'a vraiment enthousiasmé. Pourquoi diable cet enthousiasme, alors que je reproche souvent aux concerts d'electronica de ne pas me réellement m'atteindre ? Il y a plusieurs raisons sans doute : la première est qu'il semble vraiment s'amuser en jouant, et apprécier les réactions du public. Contrairement à de nombreux autres laptop(p?)eurs, il ne semble pas considérer comme une insulte que l'on manifeste son enthousiasme en cours de set. Ca le fera même sourire de contentement. L'écueil de l'autisme est évité. Ensuite, la musique qui sort de ses machines est entièrement construite à partir de samples. On reconnait donc en permanence des bruits ou des instruments acoustiques : guitares, claves... L'écueil de la froideur est évité. Enfin, il n'a pas peur de laisser ses morceaux s'installer dans la longueur, il laisse aux rythmes le temps de s'installer, de se déployer. L'auditeur que je suis peut se laisser immerger dans ce rythme familier, s'y raccrocher. L'écueil de l'hermétisme est évité. Pas étonnant dès lors que le je sois rentré dedans.

Après ce départ en fanfare, arrive sur scène le belge de STYROFOAM. C'est seulement le deuxième concert où le chanteur-bidouilleur est accompagné de ses deux musiciens (un batteur et un guitariste). Il jouera de ce manque d'expérience de groupe tout au long du concert lors de ses interventions entre chaque chanson. Le concert se situe à mi-chemin entre le rock et l'électro. Il dira d'ailleurs un truc du genre : "Je m'excuse pour le guitariste. On essaye vraiment d'être électro, mais ça ne marche pas toujours.". Pour enfoncer le clou, ils interprétent deux reprises : une des Mountain Goats, l'autre de Pitchfork (un groupe hardcore US apparemment). Finalement, cette indécision entre rock et électro résulte en une pop atmosphérique, assez rythmée mais où le caractère étale des mélodies, et la superposition des couches de synthé donnent à l'ensemble un caractère hypnotique. On peut penser pour l'esprit à Avalyn de Slowdive ou à Paris and Rome des Cranes par exemple. J'avais tenté sur le moment même de mettre en mots cette impression. "Les couches se succèdent, se répondent, semblant s'empiler les unes sur les autres, dans une surenchère grisante qui, pourtant semble ne tendre vers aucune résolution, telle une vis sans fin." Je ne suis pas sûr d'y avoir réussi. Le morceau le plus réussi est sans conteste le dernier (juste avant le rappel) dont j'ai malheureusement oublié le titre. Si des gens ici ont accès à une setlist, je suis preneur.

Pour cause de panne de courant générale dans le nord des USA, Calla et Fat Truckers ont été incapables de quitter les Etats-Unis. La programmation de la soirée au Fort, refaite à la hâte, ne ressemble plus à grand-chose.

MS JOHN SODA déclence les hostilités. Dans les meilleurs moments, ça ressemble un peu à the Notwist, avec raison, apprends-je peu après puisque les deux groupes partagent le même guitariste. Il me semblait bien d'ailleurs que cette manière de sur-bouger (comme un acteur peut sur-jouer) m'était familière. Malheureusement, dans les pires moments, ça ne ressemble pas à grand-chose. La chanteuse n'a pas de voix et pas de charisme. Dès lors, dès qu'elle ouvre la bouche, tous les morceaux s'écrasent lamentablement. Lorsqu'elle laisse les instruments parler, on sent que quelque chose commence à se produire, mais ça ne dure jamais longtemps avant qu'elle ne rechante. Une vraie déception.

GRANDADDY arrivent ensuite. Seule tête d'affiche "crédible" de cette journée. Il y a véritablement pour moi un "mystère Grandaddy" que je voudrais bien que l'on m'explique. D'où vient la dévotion qu'ils inspirent chez des gens très bien ? J'en ai vu quelques-uns juste après le concert qui m'ont tenu des propos du genre : "Grandaddy, c'est un mélange de synthés gracieux et de guitares vrombissantes", ou bien "Grandaddy, c'est une voix à la Neil Young sur des mélodies californiennes à la Beach Boys".. Rien de moins. Comment expliquer alors que je n'y ai vu qu'un concert incroyablement mou, des mélodies poussives et un chanteur sans voix qui, de surcroit, a chanté faux les trois quarts du temps ? Passés les petits gimmicks au synthé qui sont leur marque de fabrique, que reste-t-il ? Pour moi, rien. De la musique ni vraiment émouvante, ni vraiment énergique, juste un peu fade. Je sens bien confusément que les choses ne doivent pas être aussi simples, que quelque chose doit m'échapper. Peut-être est-ce l'originalité de leur côté skaters décalés, à la fois dépressifs et sophistiqués qui plait ? Peut-être leurs mélodies sont-elles incroyablement riches et suis-je incapable de les entendre ? Je voudrais vraiment que l'on m'explique. Je compte bien écouter les albums, histoire de me faire une idée. Je voudrais vraiment tirer cela au clair. Je n'en dors plus. :)

Viennent ensuite TRAVIS. Quoique franchement pas fan hardcore de leur musique, je décide de passer le concert au premier rang, juste histoire d'en avoir fait au moins un au cours du festival. Finalement, c'était une bonne idée. Ne serait-ce que pour m'être retrouvé au milieu d'un groupe de fans britanniques, complètement hystériques. L'un d'entre eux fera même le geste de se prosterner devant Fran Healy lorsqu'il croisera son regard. Etre ainsi entouré d'une telle dévotion a sans doute perverti mon regard sur ce concert. Il faut d'abord reconnaitre à Travis un vrai sens de la mélodie pop. Ils commencent d'ailleurs par leur meilleur single à ce jour Sing. Toutes les chansons ne sont pas du même niveau, loin s'en faut, mais celle-là est quasi-parfaite. Sinon, il y a un côté indéniablement ridicule chez Travis. D'abord, ils ont un côté boy-scout dont ile ne parviennent pas à se défaire, malgré des tentatives récentes de paraître moins fréquentables (on a même eu droit à quelques 'fuck'). Mais comment ne pas éclater de rire devant le discours d'une candeur halluciunante tenu par le chanteur entre deux morceaux : 'Les gens, ils sont gentils. Ce sont les politiciens qui foutent la merde. Ce serait tellement bien si nous pouvions tous nous débarrasser de nos armes de destruction massive' (moi, je veux bien, Fran, mais c'est que j'y tiens à mon album de Céline Dion. Je promets de ne le passer qu'en cas de légitime défense). Comme il avait affaire à un public de non-anglophones, il décrit toutes les nouvelles chansons avant de les chanter. Nous a vons donc droit à une chanson sur la violence conjugale 'Ah, pourquoi l'as-tu repris après qu'il t'ait frappée la première fois. Il a évidemment recommencé.), la paix dans le monde (le titre est tout un programme, Peace the fuck out). Toutes les chansons ne sont pas mauvaises et leur sens de la mélodie accrocheuse est indéniable, mais c'est tellement 'neuneu' que l'on a vraiment beaucoup de peine à prendre ça au sérieux, d'autant que le groupe semble être incapable de la moindre étincelle d'ironie. Ils ont notamment joué leur toute première chanson, au titre improbable de All I want to do is rock (clairement, ils ont dû dévier de leur intention première à un moment ou à un autre). Le guitariste (une tête de gros nounours qui ressemble un peu à Noddy Holder) s'est alors lancé dans un festival de poses tellement outrées, tellement en décalage avec la musique que l'on se serait cru dans Spinal Tap : et que je joue derrière la tête, et que je saute en l'air dans tous les sens, et que je m'en vais jouer dans les échafaudages.... C'est tout à la fois grotesque et pathétique. Le batteur dodeline de la tête sans arrêt, comme s'il avait un cou en caoutchouc. Non, vraiment ce concert était une expérience étonnante. Lorsque le chanteur est venu serrer les mains des spectateurs du premier rang, j'ai pu voir dans ses yeux une innocence, une joie enfantine d'être là et une candeur tellement absolues que c'est difficile de lui en vouloir. Pourquoi ne peut-on plus (moi compris) tolérer la gentillesse un peu naïve ? Ca en dit sans doute assez long sur notre époque.

BUCK 65 revient ensuite faire son Deejay rigolo, mais je n'en ai rien vu. MANITOBA vient aussi jouer les bouche-trous. Une bonne idée, leur set au Palais contenait la plupart des éléments qui garantissent un bon transfert sur la scène du Fort. Un visuel soigné, des morceaux rythmés. Ils tentent d'interagir avec la foule, parfois un peu maladroitement (je serais tenté de dire qu'il s'agit de leur premier concert devant autant de monde). Au départ, le public semble assez peu réceptif puis s'échauffe progressivement. A la deuxième écoute, je parviens à distinguer un vraiment bon morceau (le seul avec de la voix, tiré du second album apparemment), qui, bien renforcé par les batteurs, prend une dimension supplémentaire sur la scène du Fort.

Il fut ensuite temps de rentrer. La route du retour allait être longue.

La programmation de cette année manquait de véritables stars, et la faible affluence (malgré un samedi soir où le fort semblait noir de monde) ne m'étonne guère. Entre les groupes qui ont gonflé leur son studio en espérant (à tort) mieux passer en live (M83, DiV), les groupes faits pour le live (Hoggboy, YYY, HHH), ceux qui ont joué leur set sans se soucier de rien (Black Dice), et ceux qui ont pu tester leur concert dans deux environnements différents (Manitoba), on a eu un peu tous les cas de figure. Musicalement, il y en avait un peu pour tous les goûts. Chacun pouvait normalement trouver chaussure à son pied dans la programmation. Il manquait peut-être juste un grand concert populaire et fédérateur, une vraie tête d'affiche. 2 MANY DJs peut-être était ce qui s'en rapprochait le plus.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

ce concert de Grandaddy n'était sans doute pas le meilleur de cette tournée (le son plein air / tente...) mais il m'avait tout de même semblé plus écoutable que celui de Travis! as-tu réécouter les disques depuis? A titre personnel, "Sophtware Slump" est l'album qui m'a réconcilié avec la pop...

Pierre a dit…

Peut-être la raison de mon hermétisme à Travis est-elle que je n'ai personnellement jamais été fâché avec la pop. :) J'ai présenté les choses comme je les ai ressenties. Une incompréhension absolue de ce que tant de gens peuvent voir dans leur musique. Cela dit, je suis très content pour tous ceux à qui elle parle plus qu'à moi et ne remets nullement leur jugement en cause.

Quant à Travis, je n'ai jamais dit que j'avais trouvé ce concert formidable.... mais tu me fais me rendre compte qu'il manque la fin du billet. Damned ! Je vais voir si je peux retrouver une version complète. Merci.