vendredi, juillet 14

Les Ardentes, Liège, 8 juillet 2006

Pour qui n'a jamais vraiment eu l'esprit boy-scout, la partie la plus pénible de l'expérience festivalière est sans doute le camping (ou , si le site n'est pas situé au bout du monde, les trajets aller et retour quotidiens). Dans ce cadre, l'organisation d'un festival dans un site boisé en périphérie de Liège est une idée splendide. Dix minutes de bus me mènent du bout de ma rue à l'entrée du site. Franchement, avoir le troisième meilleur groupe du monde à un quart d'heure de chez soi, c'est un plaisir rare et j'entendais bien le savourer (je l'ai d'ailleurs tellement savouré que je n'ai pas pris l'ombre d'une note durant tout le week-end et que ce compte-rendu sera donc assez sommaire).

Si on en croit une rumeur persistante, le festival sera loin d'atteindre l'équilibre financier. Une des raisons de ce semi-échec est sans doute à trouver du côté du déséquilibre des affiches. Le vendredi ne s'adressait qu'aux clubbeurs et aux électroniciens (Modeselektor, Black Strobe, Sven Väth,...). Le samedi proposait quelques beaux noms pop-rock mais sans tête d'affiche fédératrice (Woven Hand, Echo and the Bunnymen, Zita Swoon, le Peuple de l'Herbe, the Young Gods,...). Le dimanche en revanche proposait une programmation en moyenne plus intéressante et surtout Indochine, un groupe qui peut attirer des dizaines de milliers de personnes sans problèmes. Le ticket un jour coûtant 28€ (soit presque deux fois moins qu'un ticket de concert standard pour Indochine), il n'a jamais fait de doutes que la journée de dimanche serait complète mais beaucoup semblent avoir hésité à débourser plus et à acheter un forfait trois jours (50€). Je n'avais d'ailleurs moi-même pris de ticket que pour la journée de dimanche, après avoir décidé qu'un concert de Woven Hand de 40 minutes ne valait pas forcément 22€. Ce n'est que par le plus grand des hasards que l'on m'a proposé vendredi soir d'échanger mon ticket du dimanche pour un pass trois jours.

En conséquence, je n'ai rien vu de la journée électro (Superlux, TTC, Modeselktor, Sven Väth, Black Strobe, The Glimmers, Detroit Grand Pubahs, Juan Atkins, Zombie Nation, Oxia). Ayant pris des engagements préalables, je n'ai par ailleurs pu voir qu'un petite partie des concerts du samedi et suis arrivé à 15h40 pour voir THE YOUNG GODS, que je pensais être à la Suisse ce que Front 242 est à la Belgique et qui s'est révélé finalement plus proche d'un Suicide francophile, avec moins de testostérone et plus de fragilité. Ils sont trois sur scène (batterie, claviers, voix) mais la plupart des regards sont concentrés sur la gestuelle du chanteur, dont les mains et les bras évoquent des serpents hypnotiseurs (ou, mais ça revient au même, Julian Cope). Sinon, ils jouent leur tube Skinflowers (en écoute ici) et c'est tout ce que je demande d'un groupe que je découvre en festival. L'alternance des deux scènes étant scupuleusement respectée, on enchaîne directement avec NERVOUS CABARET, groupe new-yorkais qui exploite à merveille l'effet hypnotique que procure toujours la présence sur scène de deux batteurs jouant à l'identique (voir aussi Manitoba ou...Sigue Sigue Sputnik). D'autant qu'ici la session rythmique est accompagnée de deux joueurs de cuivres quasi-free-jazz et d'un nain de jardin barbu qui semble ne quitter son banc solaire que pour monter sur scène et dont la voix haut perchée et techniquement très au point fascine. Le groupe connait un début de hype depuis quelques semaines et on le compare souvent aux Dresden Dolls (sans doute à cause du mot "cabaret"). Après les avoir vus, je ne suis pas sûr que ce soit une comparaison très judicieuse mais le groupe dégage clairement quelque chose d'unique dont je serais curieux d'entendre la transposition sur disque (morceaux en écoute ici).

La grande scène enchaîne avec le plus grand groupe liégeois du moment, les glam-rockeurs poseurs d'HOLLYWOOD PORN STARS, dont les frasques sur scène m'ont assez vite irrité, sans doute parce qu'elles semblent toujours démesurées par rapport aux qualités de leurs chansons (échantillons ici). Cela dit, le public (assez peu nombreux en ce samedi après-midi) en redemandait visiblement, ce qui est finalement bien le principal.

Retour à la scène FIL ensuite pour THE TOASTERS, qui m'ont douloureusement rappelé ma totale inculture dans le domaine des musiques noires. Le groupe mélange reggae, ska et funk dans un mix somme toute assez plaisant mais que je ne parviens à appréhender que de loin, comme la marque d'un monde inconnu dont je ne sais rien. Il faudra un jour que je me demande pourquoi la zone "groovy" de mon cerveau est à ce point atrophiée (extraits ici). Vient ensuite le tour de WOVEN HAND (aka David Eugene Edwards, ex-16 Horsepower), dont le récent album Mosaic est un de mes disques préférés de ces derniers mois. J'avais déjà vu 16HP à l'Ancienne Belgique et en étais ressorti un peu déçu. Pas de déception aujourd'hui, bien que le concert ne devait sans doute pas être très différent. En effet, quel que soit le nom sous lequel sortent les disques, la musique reste en gros la même : lignes de guitare acérées malgré un fond de reverb et hululements plaintifs portés par une voix envoûtante. David Eugene Edwards, assis sur un tabouret au centre de la scène, chapeau de cow-boy sur la tête, joue de la guitare et chante, en général les yeux fermés. Par instants pourtant, ses paupières s'ouvrent, mais elles ne révèlent alors que des yeux révulsés, peut-être en quête d'une lumière intérieure. A voir ce fils de pasteur, bardé de tatouages et habité par on ne sait quels démons inavouables, on s'étonnerait presque de ne pas pouvoir lire Good et Evil tatoués sur ses doigts. Me voilà en tout cas réconcilié avec le bonhomme.

C'est sans trop de regrets que je quitte ensuite le site du festival, faisant l'impasse sur Zita Swoon, le Peuple de l'herbe, Magnus et Echo & the Bunnymen. La journée de demain devrait normalement largement compenser ces quelques rendez-vous manqués.

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