vendredi, août 19

Quelques pensées sur le Pukkelpop

Ceci est du premier jet, non relu. Désolé s'il apparaît un peu trop froid ou impersonnel.

En 2000, j'étais déjà à Roskilde lorsqu'un mouvement de foule durant un concert de Pearl Jam s'était soldé par neuf morts. J'étais à cet instant tranquillement installé devant une scène annexe, écoutant Smog égrener son mal-être d'une belle voix neurasthénique. J'étais sorti de la tente sans être au courant de rien, ne comprenant pas les mines sombres et l'atmosphère lourde qui avait pris possession du festival, mais assez vite, des écrans géants avaient fourni des informations, en anglais et en danois qui avaient permis à chacun de prendre la mesure de l'événement.

Hier, à Hasselt, les choses étaient nettement plus claires. Tout le monde a vite compris ce qui se passait. J'étais sous la tente du Club, attendant le début du concert de Miles Kane, quand la tempête s'est déclenchée. Il a commencé par beaucoup pleuvoir, puis le vent s'est déchaîné et les grêlons sont tombés. Autour de moi, les gens filmaient l'extérieur de la tente, les mâts des drapeaux de la plaine inclinés à 60° (par rapport à la verticale) résistant tant bien que mal à la puissance du vent, le rideau d'eau continu tombant du toit autour de la tente, et c'est à peu près tout car la visibilité n'excédait plus dix ou vingt mètres.

Puis d'un coup, une bâche latérale sur le côté droit de la scène a lâché, laissant entrer le vent et nous faisant prendre conscience de son extrême violence, des grêlons volant à l'horizontale arrivant à hauteur de tête en plein milieu de la tente. Une poche d'eau s'est formée dans un coin de la toile et a fini par s'écouler à l'intérieur du chapiteau.

Pourtant, les gens autour de moi semblaient plus excités que terrifiés par ce déchaînement des éléments. La tente semblait solidement arrimée (je n'avais pas du tout pensé au danger posé par les arbres alentour).





Ce n'est qu'une fois la tempête passée, lorsque nous sommes sortis voir le reste du site que l'étendue des dégâts est apparue. Il y avait sur presque tout le site 5 cm d'eau stagnante (ce que je n'avais jamais vu sur un sol en terre). Dans les creux, ce niveau montait jusqu'à 15, voire 20 cm.

Un arbre arraché presque au niveau du tronc s'était abattu sur la tente d'un sponsor près de la grande scène. Le Château, une des plus petites scènes couvertes, s'était effondré, le passage entre les deux moitiés du site était devenu très difficile car l'armature métallique canalisant le flux de festivaliers s'était effondrée.

Dans un silence impressionnant, nous avons erré de longues minutes dans la plaine, sans savoir s'il y aurait des victimes ou des blessés graves. Les écrans d'information étaient pour la plupart éteints, et ceux qui étaient encore en état de marche continuaient à diffuser des messages publicitaires : HUMO clignotant de toutes les couleurs, des exhortations à télécharger l'application Pukkelpop pour iPhone ou à visiter le bazar. Seul l'écran géant à la sortie du Marquee semblait un minimum conscient de la situation en indiquant l'euphémique "We are on a short break". Des milliers de watts de baffles et d'amplification sonore ne semblaient pas suffisants pour que des annonces soient faites au micro : les installations étaient-elles endommagées ou bien personne n'a-t-il jugé bon d'informer les 60,000 personnes qui se trouvaient là et ne savaient quelle attitude adopter ? Les officiels ne semblaient guère plus informés et ce n'est que lorsque nous avons vu, presque une demi-heure après la fin de la tempête des sauveteurs transporter en courant des brancards contenant des corps inertes, minerve autour du coup et visage ensanglanté que l'on a commencé à se dire que le bilan humain ne serait pas anodin. Jusque là, l'espoir semblait permis, nous ne voyions ni ambulances ni policiers, sans doute parce que nous étions loin du Château.

Pourtant, aucune consigne claire n'était encore donnée aux festivaliers. Certains avaient spontanément pris le chemin de la sortie, beaucoup pour voir si leur tente avait survécu à l'orage, d'autres comme nous restions debout sans trop savoir quoi faire, tentant de téléphoner à nos proches ou d'accéder à un site d'informations pour avoir quelques nouvelles, sans succès, les réseaux étant complètement saturés. Nous avons fini par suivre le mouvement, sans même être complètement sûrs que les concerts de la soirée n'auraient pas lieu. Un des préposés aux tickets à l'entrée semblaient surpris que l'on puisse même envisager l'idée qu'il y aurait des morts. Clairement, les canaux de communication entre l'équipe dirigeante du festival, les secours, les équipes sur le terrain et les festivaliers ont très mal fonctionné. Peut-être les installations avaient-elles été mises hors-service par le vent et l'eau ?

Une fois que nous fûmes sortis du site (il était un peu après 20h), la réalité de la situation est apparue beaucoup plus clairement. La route avait été barrée, la police était partout, à cheval, à pied, à moto ou en voiture, le ballet des ambulances incessant. La route était jonchée de branches d'arbres et tout le monde se regardait d'un air un peu hagard et les rares qui étaient en train de rire ou de s'amuser étaient foudroyés du regard par les autres, sans que cela ne les affecte aucunement d'ailleurs.

Après quelques heures d'hésitation, le festival a été officiellement annulé, l'annonce en a été faite vers 6h ce matin. Pourtant, hier soir, une annonce avait été postée sur le site du festival comme quoi tout serait prêt pour une reprise du festival aujourd'hui à 11h. Je suppose que ce temps a été nécessaire pour se rendre compte que trois scènes sur huit étaient officiellement impraticable, que des arbres ou des branches menaçaient de tomber un peu partout et que des réparations étaient inenvisageables dans un délai si court. C'est aussi me semble-t-il la solution la plus sage d'un point de vue pratique et la moins indéfendable d'un point de vue éthique.

Et bien que personne n'osera aborder le sujet avec les organisateurs avant quelques jours, va se poser la question du remboursement, complet ou partiel, des places. Les conditions de vente du billet sont relativement obscures à ce sujet. J'aime beaucoup Explosions in the sky (groupe au nom prophétique qui est le seul que j'aie pu voir cette année), mais pas au point de payer 155€ pour un concert de 40 minutes. Cela étant dit, les organisateurs pourraient-ils se relever de la perte sèche qu'un remboursement quasi-complet entraînerait ? Pas sûr, même si le festival est lié au moins en partie à Livenation. Nous verrons bien. Plaie d'argent n'est pas mortelle.

Liens :
Un compte-rendu assez réaliste dans le Soir
Des témoignages dans Le Monde
Quelques images
Vue d'une autre scène :

Et sous un autre angle :

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