lundi, juillet 25

Another day on Earth



Lorsque j'ai appris que Brian Eno allait sortir un nouvel album de chansons, le premier depuis la fin des années 70, je me suis tout de suite pris à rêver d'un nouveau Another Green World ou d'un retour à la pop flamboyante de Backwater. En y repensant après coup, je comprends qu'il était illusoire de demander à ce brave Brian de recouvrer son état d'esprit des années 70, alors qu'il venait de quitter Roxy Music, n'en était qu'aux débuts de sa fructueuse carrière de producteur et n'était pas encore devenu l'inventeur officiel de la musique ambient. La fraîcheur et la naïveté de ses oeuvres de jeunesse sont bien loin.

Pourtant, ce nouvel album est indéniablement le fruit d'un retour en arrière, mais de dimension plus modeste. Au lieu de puiser dans ses albums d'il y a trente ans, il s'est limité à revisiter son catalogue du début des années 90. On pense ainsi beaucoup à des albums comme Wrong way up (avec John Cale), Nerve Net ou encore The Drop, voire par moments à l'album des Passengers (sans les beuglements de l'épave à rôtis). En écoutant Another Day On Earth, les fans de 'Brain One' ne pourront ainsi pas manquer de reconnaître tel fragment de mélodie ou tel son et de le relier à telle oeuvre passée. La réputation de Brian comme un défricheur de nouveaux genres, un avant-gardiste forcené qui a tout inventé avant tout le monde ne grandira pas avec cet album qui est clairement l'oeuvre d'un musicien apaisé n'ayant plus rien à prouver à personne. Qui l'en blâmerait ? Pas moi en tout cas. Je suis bien trop content d'avoir onze nouvelles chansons à me mettre sous la dent pour regretter qu'elles m'en évoquent d'autres. De plus, le simple fait d'entendre de nouveau la voix blanche de Brian Eno habiller ses morceaux est pour moi un vrai plaisir après presque quinze ans de silence ou de travestissement sous des couches de vocoders.

L'ambiance dominante de l'album est résolument mid-tempo et les occasions de danser dans son salon sont rares. En ce sens, il s'agit d'un vrai disque de producteur (on pense parfois à son ami Daniel Lanois), et le son, les différentes couches sont en général beaucoup plus intéressantes que les chansons elles-mêmes (c'est-à-dire leur évolution temporelle, les mélodies, les successions entre les refrains et les couplets, etc.). On nage ici dans une pop atmosphérique de bon goût, toute en nappes de synthés, entrelacs de guitares, mélodies à combustion lente et choeurs diaphanes, une musique qui enrobe l'auditeur dans un cocon ouateux plein d'élégance, de nonchalance et de non-dits.

Le disque s'ouvre sur This, le morceau qui évoque le plus directement Wrong Way Up et le seul qui soit réellement chantonnable sous la douche (tiède). A moins d'une écoute attentive, il est en général difficile de séparer le reste de l'album en chansons. L'oreille est constamment attirée par tel ou tel détail sonore au milieu des morceaux (la voix grave de Passing Over, la guitare acoustique de How Many Worlds, la mélodie de Under qui rappelle Here des Pet Shop Boys, la voix très Laurie Andersonienne de Bonebomb, qui clôure l'album, etc.) mais les transitions entre morceaux passent souvent inaperçues. En conséquence, il s'agit d'un disque qui révèle à chaque écoute quelque chose de nouveau et se bonifie énormément avec le temps. C'est un disque qui m'accompagnera longtemps je pense.

EDIT : Une mini-interview consacrée à cet album se trouve ici.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'avoue n'avoir pas trop aimé "Wrong way up" (je l'ai trouvé un peu inconsistant et superficiel) mais tes mots enflammés et passionnés sur "Another day on earth" m'ont totalement conquis alors je vais me précipiter pour acheter ce dernier opus au plus tôt... ;)