mercredi, juillet 26

Fundamental

Le précédent album des Pet Shop Boys, Release, était une expérience acoustique qui, malgré trois ou quatre chansons sublimes, avait laissé sceptiques la plupart des fans du groupe (et des journalistes), décontenancés par l'absence de sonorités électroniques. Le message fut apparemment parfaitement reçu puisque Neil Tennant et Chris Lowe ont alors enchaîné les projets très électro : Disco 3 (mini-album contenant nouvelles chansons et remixes sortis en 2002), PopArt (un best-of contenant deux nouvelles chansons électro-pop flamboyantes, 2003), un album Back to Mine oscillant entre l'italo-disco et l'electronica ambient (2005) et une bande originale pour le Cuirassé Potemkine qui évoquait tout à la fois Bernard Herrmann et le new-age synthétique de Tangerine Dream. La parenthèse folk était bel et bien refermée et le nouvel album semblait devoir être conçu dans le même esprit.

Pourtant, si on en croit les bribes d'information qui ont filtré depuis 2002, l'accouchement n'a pas été sans mal. En effet, Neil Tennant avait mentionné (en 2004?) qu'il était en train d'écouter le nouvel album sur son ipod et qu'il le trouvait plutôt bon, ce qui laissait entendre que, à tout le moins, l'écriture des démos était terminée. Pourtant, quelques semaines plus tard, on apprenait que le groupe était reparti en Italie (de mémoire) pour composer. Alors, cette première version de l'album a-t-elle été jugée invendable par la maison de disques ? Neil et Chris lui ont-ils soudain trouvé des défauts rédhibitoires ? Nous ne le saurons sans doute jamais mais, à en juger par les démos assez moyennes qui avaient fait surface à cette époque (Only Love, Motoring), on ne peut sans doute que se réjouir de ces deux années de travail supplémentaires.

Pour la première fois depuis Very, le groupe a fait appel à un producteur extérieur unique pour enregistrer l'album. Trevor Horn avait déjà collaboré avec les Pet Shop Boys à l'époque de Introspective, principalement sur leur grand-oeuvre Left to my own devices. Pour moi, Trevor Horn est un peu aux années 80 ce que Phil Spector fut aux années 60 et l'expression "Wall of Sound" est une description parfaitement valable des chansons qu'il a pu produire pour Frankie goes to Hollywood, ABC et Propaganda ou écrire pour les Buggles et the Art of Noise. A l'époque, on reconnaissait sa patte dans un usage de l'orchestre parfois à la limite du pompiérisme et dans un empilement de couches de synthés qui finissaient par former un mur sonore (hé hé) infranchissable. Pour beaucoup, il représente l'exemple parfait de ce que fut la pop britannique lors de l'âge d'or des années 80 (jusqu'à 1987 en tout cas, lorsque l'écurie Stock-Aitken-Waterman viendra faire table rase du passé en imposant Kylie Minogue, Jason Donovan, Mel & Kim et leurs multitudes de clones interchangeables... mais c'est un autre débat). Il se fit plus calme pendant les années 90 (je sais juste qu'il a produit une face de l'album The Tenement Symphony de Marc Almond et quelques chansons pour Seal) avant de revenir au premier plan en produisant le premier album de t.A.T.u puis, dans un autre genre, l'avant-dernier album de Belle and Sebastian. Son apport sur Fundamental ne pourrait pas à mon avis être surestimé. Bien qu'il ne soit jamais explicitement crédité comme compositeur, toutes les chansons portent sa griffe. Du coup, Fundamental est l'album des Pet Shop Boys qui sonne le plus "plein", le plus "ample". Engager Trevor Horn était sans doute le meilleur moyen pour remédier au principal défaut de Release, c'est-à-dire une production qui, à part sur Birthday Boy, tombait à plat. De plus, le fait que tout l'album ait été confié au même producteur permet d'obtenir un disque au son nettement plus homogène, ce qui change agréablement du caractère disparate des morceaux que l'on trouvait sur Bilingual ou Nightlife.

1. Psychological (7)
Dès les premières secondes, le riff de synthés qui soutient toute la chanson est installé, distillant une ambiance sombre et gentiment claustrophobique qui n'évoluera plus guère. Neil Tennant utilise pour chanter un registre assez grave, laissant de côté le falsetto dont il avait tendance à abuser ces dernières années. Ce parti-pris vaut également pour la plupart des chansons de l'album, à ma grande joie.
Psychological fonctionne à vrai dire mieux comme une déclaration d'intention, comme un prélude à l'album que comme une chanson à proprement parler. Les paroles très disjointes semblent énumérer des pensées, des images obsédantes dont on ne peut ni saisir le sens ni se défaire, entre rêve et réalité. On peut aussi sans doute y voir une description de l'univers mental qui a présidé à l'élaboration de l'album. Ca n'avait pas l'air de rigoler beaucoup.

2. The Sodom and Gomorrah Show(9)
Cela faisait longtemps que les Pet Shop Boys n'avaient plus réussi à écrire un tube, un morceau qui donne envie de sauter sur place en levant les mains et de chanter à tue-tête en se dandinant. Fundamental en contient pourtant deux, dont voici le premier. Introduit comme un numéro de music-hall par un Mr Loyal que l'on imagine en veste rouge à boutons dorés, il mêle arpèges de synthés et guitares qui tachent pour former un couplet étonnamment accrocheur et un refrain qu'il suffit d'entendre trois fois pour retenir à jamais. Les paroles contiennent ce qui est sans doute le slogan politique ultime "Sun, sex, sin, death and destruction". Toutes les grandes chansons pop ont en commun une capacité à emporter pour quelques minutes l'auditeur dans une bulle où la vie réelle disparaît et où n'existe plus que la joie autarcique de réentendre encore et toujours les 12 mêmes mesures, réminiscence de l'époque où, enfants, nous voulions qu'on nous raconte encore et toujours la même histoire. The Sodom & Gomorrah Show remplit parfaitement ce cahier des charges. Difficile, en revanche, de savoir exactement de quoi ça cause. Neil Tennant aurait dit que la chanson n'a pas de connotation ouvertement sexuelle et, à en juger par les costumes utilisés lors de la tournée actuelle, il semblerait qu'il faille plutôt y voir une parabole sur les élites décadentes, sur comment le pouvoir aveugle ceux qui le possèdent, les isole du reste du monde et les encourage à rechercher avant tout leur plaisir personnel. A moins que ce ne soit tout autre chose.

3. I made my excuses and left (6)
S'il existait une médaille d'or de la plus longue introduction, nul doute que IMMEAL serait bien placé pour la recevoir. Première chanson de l'album à faire un usage intensif de l'orchestre, elle ne commence en effet réellement qu'après 1m49s de tapis de cordes et de voix spectrales (censément une mélodie enregistrée par Chris Lowe sur son téléphone portable un soir de pluie). Lorsque la chanson proprement dite commence, après un claquement de porte, on se retrouve en terrain plus balisé. Des percussions synthétiques rythment une sucession de quatrains narratifs insipides, sans refrain, qui ne semblent mener nulle part. En fait, toute la chanson tend vers la modulation qui acompagne l'arrivée du titre à 3m15s et introduit un dernier couplet un peu plus lyrique. Cela dit, c'est sans doute une chanson trop désincarnée pour parler vraiment aux tripes et si je peux, à tête reposée, lui trouver quelques qualités, je n'éprouve pas grand-chose en l'écoutant. Peut-être parce que cette histoire d'adultère inopinément découvert ne me parle guère. Je ne suis par ailleurs pas très sûr de comprendre ce qu'est cette chose qu'il "hadn't heard". Je suis ouvert à toutes les suggestions.

4. Minimal (8.5)
On devrait donner cette chanson en exemple à tous ceux qui mettent le "songwriting" au premier plan et doutent de l'importance de la production. Sur papier, les couplets et le refrain ne paraissent pas particulièrement brillants : beaucoup de répétition, des lignes mélodiques que l'on oublie très vite. Pourtant, lorsqu'on écoute le produit final, ces couplets et ce refrain a priori banals semblent baigner dans une sorte d'évidence éthérée qui colle parfaitement au propos. Pour moi, les paroles décrivent une certaine forme dépouillée de l'art contemporain (lumières froides, espaces vides et blancs, transparences, etc., soit en fait tout ce que l'on retrouve dans la scénographie de la tournée actuelle ou encore dans l'accompagnement visuel de l'album). Minimal réussit l'exploit de ne rien dire, mais de le faire avec une sophistication délicieusement prétentieuse. En écoutant Neil chanter "Light and shade, time and space", je me plais à imaginer que sur la feuille où il a noté les paroles, il a placé des majuscules devant chacun de ces mots, pour bien montrer qu'ils ne désignent pas seulement des réalités physiques terre-à-terre mais aussi les concepts artistiques, voire philosophiques, sous-jacents. Je serais incapable d'expliquer comment la production parvient à transcender la chanson mais je trouve le dernier tiers quasi-parfait avec sa ligne de basse new-order-esque (interprétée par Trevor Horn) et son final orchestral très Herrmannien. Ce dernier a malheureusement été odieusement coupé dans la version single, en vertu la sacro-sainte loi tacite qui veut que les radios ne diffusent aucun morceau qui dure plus de 3 minutes 30. Pffff.
(la vidéo est visible sur le site officiel, section product)

5. Numb (7.5)
Pour je crois la première fois de leur carrière, les Pet Shop Boys ont délégué l'écriture d'une de leurs chansons. Comme ils aiment surprendre, ils ont fait appel pour cela à une compositrice qui se trouve a priori aux antipodes de leur style : Diane Warren, la reine américaine de ce que les anglo-saxons appellent la "power ballad" (If I Turn Back Time de Cher par exemple). Selon certaines sources, elle serait l'auteur-compositeur qui aurait vendu le plus de singles au monde, même si je ne peux en citer qu'une dizaine, dont le niveau me semble osciller entre le 'juste passable' (Sugababes) et le 'franchement terrifiant' (les ballades d'Aerosmith qui ont pourri mon milieu des années 90). C'est un peu comme si Cliff Richard avait composé une chanson pour The Cramps ou si Boulez avait composé un lied pour Britney Spears. En vrais pervers de la pop, les Pet Shop Boys tirent d'ailleurs un réel plaisir du fait que Numb a d'abord été proposé à Aerosmith, qui n'en a pas voulu. Ce que d'autres considèreraient peut-être comme un motif de légère honte ("Bon, OK, on avoue que c'est un peu pathétique de fouiller ainsi les poubelles d'Aerosmith."), ils en font un motif de fierté. Je suppose que, Aerosmith représentant une forme de rock FM américain dont ils ont horreur, en prendre le contre-pied leur paraît être une bonne idée. C'est en tout cas assez troublant d'entendre Neil Tennant interpréter une chanson aussi étrangère à l'univers du groupe. Les paroles semblent tout droit tirées d'une B-side de Linkin Park ou de Limp Bizkit ("Rhaa, j'ai mal. Vivre me tue. Je voudrais m'échapper de cette chape de plomb qui m'oppresse, échapper à la douleur pour quelques instants d'inconscience blah blah blah") et les mélodies suivent des méandres compliqués que l'on n'a pas l'habitude d'entendre dans les chansons des PSB. Pourtant, la production imposante de Trevor Horn et la voix de Neil Tennant transforment immédiatement Numb en une chanson des Pet Shop Boys et lui permettent de s'intercaler naturellement dans leur répertoire.
La BBC a donné une visibilité médiatique énorme à cette chanson en l'utilisant pour illustrer l'élimination de l'Angleterre en quart de finale de la Coupe du Monde. Je me demande si EMI a été/est/va être tenté d'en faire un single. Un succès massif serait en effet une bien mauvaise blague pour l'ego des compositeurs Neil Tennant et Chris Lowe, obligés d'admettre qu'il ne sont plus capables de rencontrer le grand public qu'en chantant les chansons des autres (voir aussi Go West). En tout cas, je ne peux plus écouter la chanson sans voir Michael Owen se bousiller le genou au ralenti ou entendre les déclarations optimistes de Sven-Goran Eriksson et David Beckham à l'entrée du second tour.

6. God Willing (5)
Intermède quasi-instrumental où Neil Tennant se laisse juste aller à quelques "lalala lalala" discrets. Sa présence au milieu de l'album est sans doute un moyen de rappeller la séparation des anciens 33 tours en deux faces distinctes (on y avait même vu à une époque la preuve que Fundamental serait un album concept sur la guerre en Irak). A chaque fois que le morceau se termine, j'ai envie d'enchaîner avec Never Can Say Goodbye des Communards, dont l'intro doit sans doute être basé sur les mêmes harmonies.

7. Luna Park (10)
Les chansons des Pet Shop Boys que je préfère sont souvent des ballades, et Luna Park est pour moi clairement la meilleure ballade de l'album, et sans doute une de leurs meilleures chansons (quoique le temps la fera peut-être rentrer dans le rang). La production peut sembler au premier abord un peu cheap. Les percussions floues qui apparaissent après une intro d'arpèges DeadCanDanciens rappellent ainsi les moins bonnes de leurs B-sides récentes (ou encore leur reprise de Philadelphia de Neil Young). Le reproche paraît cependant presque mesquin au vu de ce morceau miraculeux où mélodies, textes et production agissent en parfaite symbiose. Il paraît assez clair après lecture des textes que Neil y décrit les Etats-Unis (et plus généralement le monde occidental) comme une sorte d'immense parc d'attractions où tout est fait pour rassurer, pour distraire. Guerre, terrorisme, catastrophes naturelles. Notre mode de vie est voué à disparaître ("A storm will come one day, to blow us all away, like dust on the moon") mais n'y pensons pas trop et prenons du plaisir. Il n'y a de toutes façons rien que nous puissions faire. L'analogie n'est pas neuve. On a notamment beaucoup lu après le 11 septembre 2001 que les Etats-Unis étaient devenus un immense Disneyland reclus sur lui-même et indifférent au monde extérieur. Il me semble pourtant que c'est la première fois que l'image est utilisée comme source d'empathie plutôt que de moquerie, ce qui en fait à mon avis une des chansons les plus émouvantes jamais écrites par le groupe. On y trouve aussi un bel exemple de comment un détail de production peut transcender une chanson. Les grondements sourds que l'on entend à 2m36s et 2m48s peuvent évoquer indifféremment des bombardements lointains, des coups de canon ou des explosions nucléaires. Leur présence est pour beaucoup dans l'impression de désespoir qui émane du morceau.

8. I'm with stupid (7.5)
L'utilisation de cette chanson comme single éclaireur de Fundamental était sans doute légèrement trompeuse en ce qu'une écoute distraite pouvait laisser présager un album gentiment ironique, plutôt léger dans sa thématique et dont les sonorités résolument eighties allaient ressuciter les souvenirs de Propaganda et de Frankie Goes To Hollywood (ou, et ce n'est pas forcément contradictoire, la production luxuriante de Can You Forgive Her?). Trevor Horn semble en effet y pasticher le style qui fit sa gloire, avec notamment cette avalanche de percussions que l'on retrouve après chaque couplet. Le reste de l'album s'est finalement révélé être assez différent.
De même, il suffit de deux ou trois écoutes pour se rendre compte que le caractère gentiment crétin du titre dissimule en fait une satire politique assez vacharde. La "special relationship" des paroles désigne en effet le lien qui unit depuis plus d'un siècle les Etats-Unis à la Grande-Bretagne et la chanson est donc une allusion assez claire à la relation privilégiée existant entre Tony Blair et George Bush. Ce n'est pas forcément très fin (ni très original, I Get Along parlait déjà des rapports entre Tony Blair et Peter Mandelson) mais c'est indéniablement efficace, au moins pendant les 20 premières écoutes. Après, l'indigence du refrain commence à devenir problématique.

9. Casanova in hell (8)
Neil Tennant a toujours eu une légère propension au snobisme culturel, que ce soit dans sa manière de reprendre du Kurt Weill, de chanter les affres idéologiques de Chostakovich ou, ici, de documenter la manière dont un amant vieillissant trouve le salut dans la littérature et la retranscription par écrit de ses exploits passés. Il aime à répéter en interview que les Pet Shop Boys sont le seul groupe pop au monde à pouvoir écrire des chansons sur ces sujets et il n'a sans doute pas tort. Une fois encore, la production fait preuve d'une totale adéquation avec le sujet et la dynamique du morceau épouse parfaitement l'évolution des sentiments décrits dans les textes : le son de synthé funèbre du début, l'apparition d'un contre-thème ironique dans le deuxième couplet, le léger glissando descendant après "He couldn't get an erection" (dont je vous laisse juge du bon goût) et l'apothéose extatique du couplet final, renforcé par des choeurs féminins et une diction plus féroce. La chanson a été interprétée lors du concert de la BBC par Rufus Wainwright, qui a réussi à la faire sonner comme une de ses propres compositions. C'est la première fois que je prends conscience de la parenté qui peut exister entre leurs deux univers.

10. Twentieth Century (8.5)
De tous les morceaux de l'album, c'est sans doute celui qui plaira le plus aux fondus d'électronique. Tout, de la basse rebondie aux nappes de synthés sombres, rappellent les morceaux de Relentless ou Time on my hands (sur Disco 3). A l'exception de deux courtes apparitions de la guitare, le morceau est d'ailleurs entièrement synthétique. Il s'agit sans doute aussi des paroles les plus explicitement politiques de l'album et la seconde Guerre du Golfe y est implicitement mentionnée (via les statues déboulonnées). La thèse défendue "Sometimes the solution is worse than the problem", peut sans doute paraître simpliste mais elle colle bien à l'état d'esprit d'un Neil Tennant qui, après que l'euphorie de la chute de Saddam Hussein se fut dissipée, est en quelques semaines passé du camp des "pro-war" au camp des "anti-war". Une phrase comme "Everyone came to destroy what was rotten but they killed off what was good as well." résume assez bien la situation délicate dans laquelle se retrouvent les Etats-Unis en Irak, même si elle ne devrait pas valoir à Neil Tennant une place de rédacteur en chef au Monde Diplomatique. Cela dit, la musique pop n'est sans doute pas la mieux adaptée aux analyses géopolitiques fines. Comme pour Eminem avec Mosh, elle doit au contraire se saisir d'idées simples, puis les transcender par la musique de sorte qu'elles s'imposent à l'auditeur. Twentieth Century n'y parvient à mon avis qu'imparfaitement, même s'il s'agit sans doute de la chanson de l'album qui gagne le plus à être écoutée souvent. Elle ne paie guère de mine au départ mais devient de plus en plus irrésistible au fur et à mesure des écoutes.

11. Indefinite leave to remain (6)
Le problème des réfugés avait déjà inspiré une chanson de Release (London), dont l'impact se trouvait malheureusement amoindri par une mélodie filandreuse, dont je suis d'ailleurs incapable de me souvenir aujourd'hui. Indefinite Leave To Remain, malgré une splendide intro de cuivres façon "sonnerie aux morts", souffre un peu du même problème. J'ai beau l'écouter, je ne parviens pas à en retenir le moindre fragment de mélodie. C'est typiquement le genre de chansons qui rentre par une oreille et ressort immédiatement par l'autre. Dommage car le texte, supplique d'un réfugié espérant obtenir un permis de séjour permanent (dont la dénomination officielle en Grande-Bretagne est justement "Indefinite Leave to Remain"), méritait mieux.

12. Integral (10)
Il est des chansons qui ne dévoilent leurs charmes que petit à petit (Luna Park, Twentieth Century). Il en est d'autres qui, dès les premières secondes, sortent le grand jeu. Integral fait clairement partie de cette seconde catégorie. Le refrain, irrésistible (notamment à cause du glissando montant à la fin de chaque phrase), est asséné dès le début, suivi par des percussions martiales et un riff de synthé dont on ne peut se défaire. C'est bien simple, ce n'est plus une chanson, c'est un rouleau compresseur. Foin de subtilité et de sous-entendus, fi des clins d'oeil et des allusions, l'heure n'est plus au rire mais à la résistance. Neil Tennant s'oppose farouchement à l'introduction en Grande-Bretagne d'une carte d'identité obligatoire, projetée par le gouvernement de Tony Blair. Sa voix semble d'ailleurs ne contenir qu'à grand peine sa colère (surtout dans le premier couplet) lorsqu'il évoque la manière dont des élites politiques sûres de leur bon droit font lentement dériver son pays vers un fascisme à la Orwell ("Sterile, Immaculate, Rational, Perfect" semble être un slogan de 1984). La chanson a été écrite dans le seul but de transmettre cette colère, par tous les moyens, et ne laisse l'auditeur respirer que pendant un petit pont désuet de vingt secondes à 2m25s, brefs instants de répit avant que le refrain ne revienne asséner son propos avec toute la subtilité d'une séance d'électro-chocs. Ayant reçu ma première carte d'identité à 10 ans et n'ayant jamais eu l'impression que cela portait atteinte à mes libertés fondamentales, je ne suis pas sûr de bien comprendre exactement pourquoi un petit bout de plastique les met dans un tel état (quoique), mais Dieu que c'est bon. Rarement contestation politique a été aussi irrésistible.
PS : Je suis sidéré par la manière dont Neil Tennant prononce "threat" dans le refrain.

Voilà. Comme d'habitude, c'est trop long (et encore j'ai coupé) et habité d'un esprit de sérieux un peu agaçant.. mais bon, ça n'arrive qu'une fois tous les quatre ans.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Complètement d'acord avec votre belle analyse de l'album. Luna Park est une chanson bouleversante et le refrain de Twentieth century est particulièrement entêtant. Après une écoute au saut du lit, il est pratiquement impossible de s'en défaire de la journée. La chanson Casanova in Hell est fort joliment écrite mais la version "désincarnée " de Neil Tennant est moins bonne que celle "habitée" de Rufus Wainright lors du concert de la BBC. Rufus Wainright chante avec un lyrisme crépusculaire, comme s'il évoquait une dernière fois la vigueur dyonisiaque de ces jeunes années. Une vraie splendeur.

Anonyme a dit…

Bonjour je viens de découvrir votre blog. D'abord je me dis: "enfin des propos interressants et recherchés sur ce groupe hors du commun" qui n'est pas si facile d'accès, les petshopboys, qui à mon sens ont été sous-estimés à tort, chaques chansons regorge de véritables ressources encyclopédiques, mélangé à des mélodies "millefeuilles eurosyntdiscopop" mutante d'année en année. Pour votre critique de Fundamental,
je trouve que ILTR est une chanson d'amour bouleversante sur le droit d'asile, ainsi que IMMEAL qui après la première tirade, m'a arraché des larmes, pour devenir réconfortante au final. Vous dîtes aussi que sur certains morceaux vous trouvez parfois l'arrangement "cheap", alors que moi je n'y "entends" que leurs manières à eux d'être simplement les petshopboys. En tout cas bravo pour ce Blog.

Röze