vendredi, mai 28

Le soleil avait rendez-vous avec la lune

Hier, c'était le concert de Sun Kil Moon à la Rotonde, au Botanique. A ma grande surprise, le concert commence à 20h pile. A peine installé, ça démarre.

Première partie : Adem. Apparemment, il était dans Fridge avec Kieran Hebden, qui a d'ailleurs coproduit son album. Ce détail m'a donné envie de me pencher sur la carrière du groupe parce que je vois assez mal a priori comment le folk acoustique de Adem peut se mêler avec l'électro...euh.. acoustique de Four Tet.

Ils sont deux sur scène. Adem et un certain Mark. Le concert commence assez moyennement avec un morceau où, sur un tapis de quelques rares notes à la guitare, il murmure, comme à bout de souffle, quelques phrases qui semblent chercher durant quelques secondes une raison d'exister, avant d'y renoncer et de replonger dans le silence. Après cinq minutes de ce régime, j'ai eu assez peur de me retrouver devant un concert de lo-fi expérimentale à la Gentle Waves par exemple, où le minimalisme est supposé, à lui seul, susciter l'enthousiasme (ce qui, pour moi en tout cas, ne fonctionne jamais). Heureusement, cela s'améliore très vite, avec des morceaux de plus en plus épiques et denses, jusqu'à rappeler sur quelques titres les Kings of Convenience, avec une sorte de pop champêtre pleine d'harmonies vocales dont je suis a priori très client.

En milieu de concert, Adem a dit un truc du genre "As you can see, we don't have a full band tonight" avant de suggérer qu'ils avaient dû, durant l'après-midi mettre au point et répéter à leur hôtel des versions dépouillées des chansons de l'album pour pouvoir les jouer à deux. Bizarrement, ça ne sonne pas très différemment de ce qu'on entend sur disque. Je doute qu'ils soient tellement plus nombreux sur disque (des rumeurs me viennent d'ailleurs qu'il l'aurait enregistré seul). En tout cas, tout le concert (45' environ) est joué uniquement avec des cordes (guitares, banjo et une épinette qui aura son heure de gloire durant l'avant-dernier morceau, Pillows, où elle est quasiement seule en scène). Une très bonne surprise au final. J'ai d'ailleurs acheté l'album à la sortie.

A 21h30, après une longue pause que j'ai passé à discuter de Patrick Wolf et des mérites respectifs de Philip Glass et John Adams, arrive Mark Kozelek, entouré de ses 4 acolytes, deux violonistes à droite et deux guitaristes (dont un fait aussi quelques rares doublages de voix) à gauche. Tout ce petit monde s'assied sur des hauts tabourets blancs à l'avant-scène.

Ma principale motivation pour aller voir ce concert était de pouvoir enfin associer un visage à une voix mythique, sans doute une des voix que je préfère, tous genres confondus, une sorte de pendant masculin à celle de Lisa Gerrard. Ceci dit, j'avais confusément espéré pouvoir entendre sa voix pure, sans effets de filtre ou de réverbération. Ce ne fut pas possible. Son micro est apparemment équipé des gadgets qui vont bien pour reproduire l'effet cotonneux typiquement 4AD-esques des disques. Ceci dit, cette curiosité déçue est rapidement oubliée (mieux vaut après tout voir le film sans les bonus que le contraire). J'étais venu dans l'espoir de voir s'incarner sur scène la magie des disques, et
c'est ce que j'ai obtenu.

De plus, de le voir en concert, je pense avoir trouvé une des raisons pour lesquelles j'aime beaucoup certaines de ses chansons et beaucoup moins d'autres. En fait je n'aime pas son jeu de guitare électrique. Il me semble qu'il a tendance à plaquer ses accords un rien trop fort et d'ainsi constamment rompre la continuité des morceaux. Ca m'a vraiment frappé sur un des morceaux, et c'est d'autant plus étrange que, dès qu'il reprend sa guitare acoustique (ce qui est heureusement le cas de
la plus grande partie du concert), il retrouve un jeu élégant où chaque note est comme une perle délicatement posée dans un écrin cotonneux (oui, je sais, je m'emporte). Sur disque, en fait, c'est un peu pareil, ses albums les plus électriques (Old Ramon ou Ocean Beach par exemple) sont ceux que j'aime le moins. Trop lourds, trop denses, ils perdent le côté aérien de ses meilleures chansons.

A dire vrai, en y repensant, je me dis que, si je n'étais pas allé voir le concert avec l'impatience fébrile du fan conquis d'avance et ravi à l'idée de voir enfin sur scène un groupe chéri en aveugle depuis des années, j'aurais sans doute été un peu déçu. La présence scénique de Mark Kozelek est quasi-nulle. Il a une tête de vendeur d'aspirateurs et reste assis sans bouger sur son tabouret. Il boit beaucoup (d'eau) entre les chansons, mais parle peu et quand il parle, cela le rend rarement très
sympathique. Il explique notamment que, en général, il aime bien raconter des blagues pendant ses concerts, mais qu'il a arrêté de le faire à l'étranger parce qu'il n'est pas compris et que ça l'irrite (en gros, vous êtes trop bêtes pour que je vous parle, donc je ne le fais pas). Dans le même esprit, il s'en est pris au pauvre éclairagiste, qui avait eu le malheur de ne pas comprendre tout de suite ce qu'il lui demandait (en gros de changer l'éclairage plus souvent pour créer des atmsophères différentes selon les morceaux). L'apparence de la salle (qui lui a fait penser à Fight Club pour des raisons qui m'échappent) l'a aussi beaucoup perturbé apparemment, sans que je sache vraiment évaluer son degré de sérieux.

De plus, il faut reconnaître que bon nombre de ses chansons se ressemblent et qu'au final, le concert apparaît presque comme un seul long morceau de plus d'une heure. Cette impression vient sans doute en
partie du fait que j'ai du mal à faire la distinction entre les différentes périodes : Red House Painters, Sun Kil Moon ou en solo. Tout au plus puis-je dire qu'il interprète au moins une chanson des RHP, Mistress, qui conclut le set, après 70 minutes environ.

Le premier rappel de 10 minutes (deux titres) se fait sans les deux violonistes, libérés de leur corvée. Après deux nouvelles chansons, les deux guitaristes disparaissent à leur tour pour laisser Mark seul sur scène avec sa guitare pour deux titres. Ces quelques minutes me l'ont bizarrement fait paraître un peu moins arrogant, moins mauvais coucheurn et ce même si la seconde (et dernière) chanson de ce deuxième rappel est brutalement interrompue après 3-4 minutes par un 'Shit !' retentissant avant qu'il ne marmonne un truc du genre " I can't think of anything else to play" et disparaisse en coulisses. Il parait que ce genre d'incidents fait partie intégrante de ses concerts. D'ailleurs, il avait déjà passé au début du show une minute à grattouiller en marmonnant tout seul parce qu'il ne se rappelait plus exactement comment jouer une de ses chansons.

Une drôle de conclusion pour un concert étrange. La présence scénique du groupe est décevante, le chanteur donne de lui-même une image assez antipathique. Toutes les chansons sonnent un peu pareil. Normalement, ce concert devrait être une catastrophe, et pourtant, l'impression qui domine à la fin est indéniablement l'enthousiasme. Comme quoi, avoir une voix superbe, ça sert

2 commentaires:

KMS a dit…

Song for a blue guitar est quand même nettement plus électrique qu'Ocean Beach de mon point de vue. Mais bon je dis ça je dis rien comme on dit...

Pierre a dit…

C'est pas faux, mais j'ai occulté Songs for a blu guitar de ma mémoire. Mécanisme d'auto-protection bien compréhensible. En revanche, Old Ramon, d'être arrivé ainsi cinq ans aprs les autres, m'est resté en mémoire.