Ce compte-rendu fait terriblement souvenir d'ancien combattant. J'en suis le premier consterné.
Etant entièrement dépendant des horaires de train pour mes concerts bruxellois, je me retrouve souvent à la salle quarante bonnes minutes avant le début supposé du concert (et souvent plus d'une heure avant le début effectif), c'est pourtant la première fois que je suis entré dans une salle complètement vide, embarrassante expérience que je ne suis pas sûr d'avoir envie de renouveler. Heureusement, dix minutes plus tard, quelques jeunes anglais (vivant en Belgique mais bon, ils étaient plus vrais que nature), sapés pour l'occasion en costume-cravate ironique ("It looks like you're going to a cricket match.") est venu mettre un peu d'animation. De toutes façons, l'attente n'est pas très longue puisque le concert commence pile à 20h00 avec l'entrée sur scène des Irlandais de The Chalets : trois types en jeans et tee-shirts rouges (guitare, basse et batterie) et deux chanteuses, en hauts talons, jupes à gros carreaux blancs, rouges et noirs. Le groupe remet au goût du jour la formule éprouvée des deux frontwomen chantant le plus souvent à l'unison, esquissant quelques petites chorégraphies élémentaires (férocement ironiques) et jouant à deux doigts sur des petits synthétiseurs qu'elles avaient dû recevoir pour leur douzième anniversaire. Leur manière d'introduire les morceaux révèle un côté bricolo-second-degré assez savoureux. "This song is called Two Chord Song cause it only has two chords.... We're geniuses." ou "This is the song we usually say was N°1 in Belgium..... You don't know it? Really? Come on ! It was HUGE !!" (je paraphrase). Les morceaux en eux-mêmes sont une sorte de mélange entre les passages les plus pop de Le Tigre... et Stereo Total disons. Une très bonne surprise donc et un groupe idéal de première partie, ne serait-ce que parce qu'on ne les imagine pas être un jour en tête d'affiche. LIENS : un morceau à écouter ici et site officiel là.
A 9 heure pile, les musiciens (une bassiste, deux guitaristes et un batteur) montent sur scène et un guitariste arborant une coupe Chris Kavanagh qui semble tout droit issue de Spinal Tap (ou des Towers of London, ce qui revient au même) monte sur scène et joue le riff de Back in Black d'AC/DC. Comme, de plus, je ne reconnais aucun des musiciens que j'avais entr'aperçus au Pukkelpop il y a quelques semaines, je me dis qu'une deuxième première partie a dû être ajoutée au programme. Et bien pas du tout. Eddie Argos entre en scène, enlève ses chaussures, pend son chapeau au pied du micro tandis que la musique se fond dans le riff qui introduit Formed a band. Pas de doute, il s'agit bien d'Art Brut et le guitariste à tête de prof de maths que j'avais vu au Pukkelpop a soit changé de look, soit quitté le groupe pour potasser ses développements de Taylor. (EDIT : La deuxième option serait la bonne.)
Il faut croire que je n'ai pas retenu ma leçon après le concert de Hard-Fi il y a quinze jours parce que, bien que légèrement excentré, je me suis encore retrouvé pile en face de l'endroit où Eddie Argos venait au bord de la scène haranguer la foule de ses adorateurs. Ce ne serait pas si grave (après tout, les nombrils de rock-stars, c'est passionnant) s'il n'avait pas la fâcheuse habitude de ponctuer ses phrases par un grand jeté de jambe en avant qui, configuration de la salle aidant, me faisait toujours craindre pour ma virilité. J'ai d'ailleurs eu droit en cours de concert à une petite tape sur l'épaule et à un "XXXXXX, pal !" du chanteur. Le mot XXXXXX couvert par le bruit ambiant était peut-être "Thanks" mais il est tout aussi probable que c'était le moins sympathique "Move". Je n'en saurai jamais rien. C'est en tout cas la première fois que je me fais directement interpeller depuis la scène et ça m'a mis étrangement mal à l'aise.
Cela dit, je n'allais pas rester très longtemps immobile à cette place. Bien que je n'aurais pas spontanément placé Art Brut dans la catégorie "groupe à pogo", le public s'est rapidement échauffé et dès le deuxième morceau, My little brother, le public s'est déchaîné sur ma gauche et dans mon dos. J'ai cru quelques minutes que je pourrais rester impassible en périphérie de la tourmente mais, la scène m'arrivant aux genoux et les violentes poussées dans le dos se multipliant, je me suis dit qu'il serait finalement moins dangereux et plus amusant de joindre le mouvement (quitte à le faire sans trop y croire ou en se trouvant légèrement hors-sujet). Ca faisait plusieurs années que je ne m'étais plus laissé aller comme ça, depuis le concert de Placebo au Botanique à l'époque du second album en fait (putain, sept ans.... Ca paraît long comme ça mais essayez de pogoter sur Elbow, les Nits ou Patrick Wolf pour voir). Force est de constater que, finalement, le pogo, c'est un peu comme le vélo, ça ne s'oublie pas (et je le dis d'autant plus volontiers que je ne sais plus rouler à vélo). Il faut juste sauter en rythme, alternativement suivre et contrer les mouvements de ceux qui vous entourent et ne pas perdre l'équilibre. Ce n'est franchement pas compliqué. La preuve, les fans de Korn y arrivent très bien. De plus, un pogo "ironique" (le mot de la soirée, indubitablement) convient parfaitement aux textes d'Art Brut, qui se veulent entre autres choses un commentaire cynique sur la rock'n'roll attitude. Particulièrement savoureuse est la présentation des musiciens qui termine le concert. Le chanteur les cite à tour de rôle et chacun se lance à l'énoncé de son nom dans un "solo" tellement court et basique que ça ne peut qu'être voulu, sans doute en guise d'éclatant pied de nez à ceux qui croient toujours que le rock est affaire de technique.
Eddie Argos est indéniablement le centre de toutes les regards. Il a d'ailleurs la curieuse habitude de s'adresser à ses musiciens en les appelant Art Brut, comme si le groupe s'appelait en fait Eddie Argos and the Arts Bruts. "Come On, Art Brut, let's play My Little Brother". Il saute dans tous les sens, descend se mêler à la foule et parle longuement entre les morceaux. Ses commentaires ressemblaient d'ailleurs beaucoup à ceux que j'avais entendus au Pukkelpop (notamment l'injonction que chaque membre du public aille former un groupe en quittant la salle) mais atteignaient indéniablement mieux leur cible ici devant 150 personnes que devant un parterre de fans de Marilyn Manson à moitié endormis.
Il est dommage que sa voix ait été systématiquement sous-mixée (au moins pour les spectateurs proches de la scène) car ce que j'aime le plus dans la musique du groupe est justement le fait que la voix y est prédominante, mais cela n'avait finalement guère d'importance. L'enthousiasme communicatif du chanteur et l'ambiance mise par les spectateurs suffisent largement à faire de ce concert un des plus jouissifs de l'année. D'ailleurs, j'ai acheté un tee-shirt. Si ça, ce n'est pas une preuve.
Sinon, ça n'a rien à voir mais je n'ai su que penser du fait que le concert de Vincent Venet qui avait lieu le même jour dans la grande salle de l'Ancienne Belgique était parrainé par... Bel RTL.
1 commentaire:
les inrocks précisent que les art bruts, encouragent non seulement chaque spectateur à former un groupe, mais aussi que ces groupes s'appellent art brut 2, art brut 33, etc... paraitrait qu'on en recense déjà un certain nombre...
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