mercredi, janvier 11

Les albums de 2005 (I)

C'est parti ! L'exercice est pour moi un peu ingrat car je m'y force à parler de disques pour lesquels je n'ai pas forcément beaucoup à dire. Du coup, il est sans doute aussi ingrat pour le lecteur, qui se retrouve face à des pages de textes parfois un peu creux mais bon, ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Si on s'encourage mutuellement, on devrait en voir le bout. :)

Antony and the Johnsons - I am a bird now (Secretly Canadian)
Quand on parle d'Antony, tout le monde s'accorde en général pour vanter sa voix : son caractère androgyne, sa fragilité et la manière dont elle transforme chaque phrase en une confession au bord des larmes. J'ai dès lors un peu de mal à comprendre pourquoi il cherche, sur une bonne moitié des chansons, à contredire le climat que sa voix installe naturellement par des orchestrations lourdingues. Les fins de For Today I am a boy et Fistfull of love me semblent par exemple complètement loupées. En revanche, les quelques titres où il ose le dépouillement piano-voix (avec quelques touches de cordes) sont pour moi clairement les meilleurs, comme par exemple Hope There's Someone (et son étourdissante montée finale) ou Bird Gehrl. Les duos avec Rufus Wainwright et, surtout, Boy George me semblent également très réussis mais je reste néanmoins sur un sentiment de semi-déception, d'abord à cause de la surproduction de certains titres et ensuite parce que, indépendamment de cela, aucune des chansons présentes ici ne me semble être aussi forte que Cripple and a starfish (sur le premier album). Cela dit, on ne peut que se réjouir de l'étonnant succès rencontré par Antony en 2005 (sa victoire au Mercury Music Prize comprise).

Daniel Lanois - Belladonna (Anti)
Je connais surtout Daniel Lanois en tant que producteur de U2, pour ses collaborations avec Brian Eno (Apollo) et pour son très bon premier album solo, Acadie, qui proposait un étrange mélange de chansons populaires québecoises et d'expérimentations sonores. Ce troisième album est entièrement instrumental et Lanois y sillonne les mêmes eaux ambient que le Eno de la seconde moitié des années 70. Or, l'ambient tel que défini par Eno, est un genre assez difficile à apprécier car il revendique, dans une certaine mesure, un droit à l'insipidité et à l'insignifiance (de la musique à "entendre" plutôt qu'à écouter). Pourtant, mes oeuvres préférées dans le genre sont celles qui fonctionnent également à l'écoute, qui parviennent à accrocher l'oreille et à relancer sans cesse l'attention de l'auditeur (comme The Plateaux of Mirror par exemple). En conséquence, le manque d'aspérités de Belladonna me déçoit un peu. Tout y est toujours d'un goût exquis (Brad Meldhau vient d'aileurs donner un petit coup de main) mais désincarné. La slide-guitar gémit comme il faut et l'arythmie cotonneuse de la plupart des morceaux a de réelles vertus apaisantes mais lorsque la dernière plage s'achève, on a un peu l'impression de ne rien avoir entendu, à part peut-être Frozen, un peu plus enlevé que le reste.

Ladytron - Witching Hour (Island)
L'électro-pop glacée et atmosphérique de Ladytron a a priori tout pour me plaire : sons de synthés qui semblent tout droit sortis des années 80 et mélodies imparables chantées avec l'ennui et le détachement qui seyait aux meilleurs groupes de l'époque. Pourtant, je n'avais pas été totalement convaincu par les deux premiers albums du groupe qui, entre deux tubes, me semblaient contenir pas mal de chansons médiocres. Ce n'est plus le cas ici. La première moitié de l'album est même quasiment parfaite, avec par exemple le single Destroy Everything You Touch ou International Dateline. La seconde moitié de l'album est sans doute un rien plus faible mais ne devient jamais fastidieuse grâce à un savant dosage des atmosphères. Le minimalisme glacé de Beauty*2 peut par exemple précéder Whitelightgenerator (que l'on pourrait décrire comme le fruit des amours contre-nature de Propaganda et du premier album des Catchers) et succéder aux riffs frénétiques de Weekend, chanson dans laquelle, par ailleurs, je crois à chaque fois entendre la voix de Sandra (je précise que cette impression n'a qu'un rapport très lointain avec ma première phrase). C'est vraiment de la belle ouvrage et, comme je ne m'y attendais pas, une de meilleures surprises de l'année.

Richard Gotainer - La goutte au Pépère (Gatkess)
Ce nouveau CD reprend des extraits de la bande originale du dernier spectacle musical de Gotainer et, avec à peine plus de 22 minutes, laisse en bouche un net goût de trop peu. Bien que les chansons présentes ici n'auraient pas à rougir d'être comparées avec celles de la grande époque de Gotainer (de 78 à 87 disons), elles n'apportent pas grand-chose de neuf. A la campagne, on s'parle est essentiellement une variation sur le thème des Trois Vieux Papis tandis que C'est bio, la vie sonne comme une pub pour du yaourt. Cela dit, j'aurais bien tort de bouder mon plaisir. Des chansons comme Les mots font du chahut ou La complainte des misérables sont même tellement enthousiasmantes que j'en oublierais presque la tonalité gentiment réactionnaire de l'ensemble.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

j'apprécie la distinction entre écouter et entendre de l'ambient. De manière générale, c'est une disctinction qui est plutôt importante en musique - comme auditeur ou comme musicient d'ailleurs..
sébastien

L'Anonyme de Chateau Rouge a dit…

Bin tiens justement en parlant d'orchestration lourdingue, l'utilisation du saxo à la fin de "Cripple and a starfish" est un morceau d'anthologie du revival Jean-Jacques Bennex/Tony Scott. Et pourtant j'adore Antony & The Johnson et son premier album est sans doute plus merveilleux que le second, mais sans le second je n'aurais pas découvert le premier alors bon je suis pas sur d'être tres clair.

Pierre a dit…

Tu as tout à fait raison et j'espérais bien que personne ne relèverait la contraidction. Disons que je fais comme si la chanson s'arrêtait avant la fin. Ca marche pas mal. D'ailleurs, je conseille à ceux qui peuvent de tenter d'écouter la White Session d'Antony chez Bernard Lenoir. Il est tout seul au piano et c'est formidable.

L'Anonyme de Chateau Rouge a dit…

C'est un peu grace à la white session que je suis tombé fou amoureux d'Antony ( ma copine étant tout aussi folle de lui, y a pas de jaloux ).

Plouf a dit…

Rhalala, je l'adore la fin de "Fistfull of love". Mais c'est sans doute parce que j'aime les trucs pompiers. Tiens personne dans mon bureau, j'en profite pour le réécouter...

J'avais écouté le premier album de Ladytron, et j'ai pensé la même chose que toi. Vais jeter une oreille sur ce nouveau disque.

BobbyO2000 a dit…

Moi non plus elle ne me pose aucun problème la fin de "Fistfull of love", au contraire même. Ca fait plutot très soul en fait. Une fin qui décolle en roue libre (dans le bon sens du terme). Et puis quand même, si vous trouvez ce saxo pompier, vous devez avoir un serieux problème, il y a quand largement plus bavard dans le genre.