mardi, août 28

Pukkelpop 2007 (ce que j'ai mieux vu)

(suite de ce billet)

- Gogol Bordello : Je m'étais dit en écoutant leur précédent album qu'ils devaient sans doute être très très bons sur scène. N'étant arrivé sur place que pour le dernier quart d'heure du concert, je me garderai bien d'être trop affirmatif mais j'ai été un peu déçu par ce que j'ai vu. Il manquait le petit grain de folie que j'espérais, même si Start Wearing Purple est toujours aussi hymnique. Cela dit, je compte bien aller les voir à l'Ancienne Belgique à l'automne. Une petite salle et un set plus long devraient a priori faire des merveilles.

- Liars : Je me rappelle avoir déjà vu Liars à l'époque de leur premier album et avoir trouvé cela assez insupportable (même si les circonstances y étaient sans doute pour beaucoup). Depuis, j'ai écouté et beaucoup aimé leur troisième album, qui me semblait d'ailleurs n'avoir que peu de rapports avec ce que le groupe faisait à ses débuts. J'étais donc curieux de voir si ce deuxième concert allait être plus à mon goût. Angus et sa bande ont joué trois petits quarts d'heure sur la petite scène du Chateau, en puisant abondamment dans ce fameux troisième album. Bien sûr, on ne retrouve pas en live les passages les plus calmes ou les plus complexes. Pourtant, même en ne jouant que ses morceaux les plus directs, le groupe est parvenu à me fasciner sur scène autant que sur disque. La gestuelle étrange et imprévisible d'Angus y est pour beaucoup. On ne sait jamais à quel moment il va arrêter de chanter et se mettre à courir en rond en agitant les bras comme une collégienne qui viendrait d'apprendre que sa copine Mélissa a reçu pour la Saint-Valentin un poème de Sylvain, le beau ténébreux de l'année du dessus. Je me rappelle avoir pensé sur le moment même que ce comportement relevait presque de la psychiatrie (cela dit, la dernière fois que j'ai pensé cela, c'était pour Bonnie 'prince' Billy; je suppose donc que cela peut aussi être pris comme un compliment).

- Devendra Banhart : Comme pour Badly Drawn Boy, je m'attendais à un concert folk acoustique et il m'a fallu quelques morceaux pour m'habituer à cette formation plus bêtement rock'n'roll (guitare, basse, batterie). Devendra passe de la samba à la country mais ne fera qu'un ou deux morceaux acoustiques seul à la guitare. Dommage, c'est clairement là qu'il est le meilleur. A la mi-concert, il a pour se faire pardonner fait monter sur scène un membre du public pour qu'il interprète une chanson de son cru. Nous eûmes donc droit à un grand gaillard chevelu à la voix frêle et à une chanson toute mignonne, qui m'a fait regretter encore plus que Devendra lui-même n'ait pas osé plus de dépouillement. Le concert nous a en tout cas réservé les plus belles barbes du weekend. Tous les musiciens se sont fait la tête des musiciens du Supertramp de la grande époque (surtout le guitariste de droite).
PS : Je pensais me rappeler de l'adresse de la page Myspace de l'invité-surprise (truegreatmusic ou un truc du genre) mais rien ne semble correspondre. Tant pis.

- Low : Low est un des trois groupes que j'ai le plus vus en concert (avec les Pet Shop Boys et les Tindersticks). La dernière fois que j'ai parlé du groupe ici, c'était pour dire que Alan Sparhawk faisait une dépression et qu'ils arrêtaient complètement la musique. Je pensais sincèrement ne plus jamais avoir l'occasion de les revoir et ce n'est pas sans une certaine émotion que j'ai vu monter sur scène Mimi, Alan (avec un sourire jusqu'aux oreilles) et leur nouveau bassiste. Dans un festival où les décibels s'accumulent souvent sans énormément de discernement, leur concert fut comme un oasis de calme dans un océan de bruit. Alors, bien sûr, un concert de Low réserve à peu près autant de surprise qu'un épisode de Columbo, mais bon, Silver Rider, Pissing, Sunflower, Canada sont autant de vieux amis que je suis content de réentendre. Mieux encore, je les ai enfin vus jouer leur grande oeuvre posse-troque Do Youy Know How To Waltz? et il est amusant de voir à quel point ce morceau instrumental modifie la dynamique du groupe sur scène.

- The View : Une édition du Pukkelpop ne peut pas être complete sans un concert NME-hypé de petits jeunes qui débutent. Ayant raté The Enemy, je me suis rabattu sur The View, présenté il y a six mois par l'hebdomadaire anglais comme les sauveurs de la musique et depuis, me semble-t-il, un peu oubliés. Les cris de la foule, "The View, The View Are On Fire", étaient d'ailleurs un peu clairsemés. Dommage, car le groupe s'en sort plutôt bien sur scène. Leur chanson à texte sur la pénurie de jeans propres fait bien bouger le public (pogo et crowd-surfing à gogo), tandis que Face For Radio leur permet de mettre en évidence leur facette acoustique (très important pour le segment de marché Q-Radio 2-over 35). Rien de révolutionnaire, rien non plus qui me donne envie d'acheter l'album mais un bon concert de festival. C'est ce que j'en attendais et c'est ce que j'en ai obtenu. Tout baigne donc. Comme Jamie T et son sac à dos, le chanteur a fait s'attendrir la foule en étant trop petit pour changer de guitare tout seul. C'était terriblement trognon.

- Henry Rollins : En entrant dans la tente du Chateau, j'ai pendznt une seconde eu l'impression que je venais de passer à travers une fenêtre spatio-temporelle, Stargate-style, et que je me retrouvais au Café de la Gare pour un spectacle de Jean-Marie Bigard à ses débuts. Même bête brosse, même visage anguleux, même rires dans la salle. Et en fait, non, c'était bien Henry Rollins qui venait faire son "one-man show" de "stand-up comedy". Pendant une heure et demie, Henry nous a raconté ses concerts de Nick Cave et ses voyages en Syrie, en Iran ou en Irak. Henry voulait juger par lui-même si les pays de l'"Axe du Mal" ou des "Postes Avancés de la Terreur" étaient vraiment aussi "evil" que le prétendait Dubya. Son passeport à la main, il est donc allé faire un peu de tourisme. Si on voulait être méchant, on pourrait lui reprocher un chouïa de naïveté dans sa manière de nous dire, "Les Syriens, ils sont tous gentils, la preuve j'ai mangé gratos chez l'un d'eux." (des journalistes français se sont foutus de la gueule de Régis Debray et de Bernard Henri-Lévy pour des raisons somme toute assez similaires). Cela dit, il est franchement drôle et plus je l'écoutais, plus j'étais fier de presque tout comprendre, ce qui fait que je suis resté sans regret jusqu'au bout.

- Patrick Wolf : Je ne sais vraiment plus que penser de l'évolution de la carrière de Patrick Wolf depuis un an ou deux. Après avoir entendu sa manager se plaindre du manque de moyens de la tournée précédente, je suppose que je ne peux qu'être content (pour Patrick) de voir que son contrat avec une major lui permet de faire des concerts avec quatre musiciens et des décors. Cela dit (autorisez-moi à dévoiler pendant quelques lignes mon côté Mireille Dumas de la pop), j'ai l'impression qu'il vit assez mal ce changement de statut. A ses débuts déjà, Patrick avouait candidement qu'il n'aimait guère la scène, la routine des tournées et avait du mal à être exubérant sur commande. Maintenant que son agenda de tournée s'est encore sensiblement rempli, il doit sans doute trouver cela encore plus difficile. Alors, certes, il porte toujours des vêtements invraisemblables (plus encore ici que pour les précédents concerts auxquels j'ai assisté, heureusement qu'il les a vite enlevés) et ses chansons sont toujours aussi formidables, mais je ne le sens pas vraiment investi dans ce qu'il chante. Je me surprends à regretter le caractère gauche et emprunté de ses débuts sur scène et ses "Thank you" murmurés yeux baissés, qui avaient au moins le mérite d'être sincères. Pour le dire autrement, Patrick Wolf est devenu un vrai professionnel de la musique et a décidé d'exploiter mercantilement son talent. Chez n'importe qui d'autre, ça ne m'aurait pas dérangé mais la contradiction entre sa carrière actuelle et ses déclarations passées me semble tellement évidente que je le soupçonne d'en souffrir. Cela dit, si un jour je le croise dans la rue et qu'il me dit : "Don't be silly, Pierre. I've never been happier.", je serai ravi de le croire. Et puis bon, il a chanté Bloodbeat et The Childcatcher, et pour ça je suis prêt à tout lui pardonner, même le fait d'être devenu un chanteur à midinettes (les premiers rangs étaient franchement Bruelliens, cris hystériques et chasse à la setlist compris).

- 120 days : Comme écrit précédemment, j'ai découvert ce groupe norvégien via Myspace il y a une dizaine de jours. J'avais été séduit par son mélange de guitares et d'électronique gentiment planouillant et le concert a été dans la lignée de ces trois morceaux, c'est-à-dire un savant mélange de Human League, Cure et Suicide. A certains moments, j'ai trouvé ça tout à fait formidable (une chanson sur le suicide notamment), à d'autres, un peu longuet. Si le concert avait duré une demi-heure, j'en serais ressorti enthousiaste, prêt à aller acheter leurs albums. Malheureusement, après quarante minutes, j'ai commncé à saturer légèrement. Cela dit, ils mériteraient que je leur donne une chance sur la longueur d'un album.

- Enter Shikari : Le groupe a obtenu le 'Fuck Me John Peel Innovation Award' aux derniers NME Awards (je pense ne pas écorner le nom exact de la récompense) pour avoir osé mêler le punk hardcore (on est sur la skate stage après tout) et les rythmiques techno-trance. J'étais a priori sceptique face à ce mélange mais je dois bien avouer qu'il fonctionne plutôt bien. Malheureusement, le vocaliste principal (je rechigne à utiliser le terme chanteur) crie beaucoup, avec une voix qui n'est pas loin d'être exaspérante, ce qui m'a empêché de rentrer complètement dans leur concert. J'aurais sans doute préféré qu'ils laissent plus souvent le micro au bassiste, mais bon, ce qu'on aurait gagné en mélodie aurait sans doute été reperdu en énergie pure. Cela dit, je crois que je vais tenter d'écouter leur album pour me faire une idée plus juste.

- ...And You Will Know Us By The Trail Of Dead : Enfin ! Après quatre lamentables échecs, je suis enfin parvenu à voir Trail Of Dead en concert, et n'ai pas été déçu. Le groupe ne ressemble pas du tout à l'image que je me faisais d'eux. Ce ne sont pas des grands maigres vaguement goths. Au contraire, les deux chanteurs sont bronzés, petits, râblés et débordent de muscles, ce qui leur donne un petit air de dindons aux hormones (y en a même un qui ressemble à Sean Astin). L'engagement physique et la puissance sonore qu'ils déploient sont inouïs (et si je n'avais pas eu mes bouchons profondément enfoncés dans les oreilles, nul doute que je serais à présent sourd et que tout me semblerait à jamais inouï). La partie la plus pop de leur répertoire est passée aux oubliettes et tous les morceaux sont joués à toute vitesse, souvent avec deux batteurs, ce qui ne laisse évidemment guère de place pour la délicatesse et les solos de violon. C'était un vrai concert de rock'n'roll qui sent la transpiration. Tiens, d'ailleurs, tant qu'on est dans le sujet, j'ai toujours trouvé un peu ridicule cette manie qu'ont les musiciens de démolir leurs instruments sur scène à la fin des concerts pour paraître plus roquaineraule mais un des deux chanteurs de ToD parvient l'impossible exploit de le faire sans tomber dans le grotesque. Peut-être parce qu'il commence son oeuvre de destruction après à peine vingt minutes du concert, au grand désespoir apparent des roadies, peut-être aussi parce qu'il ne se contente pas de détruire guitare et batterie, mais s'attaque aussi aux synthés (ce que la plupart des groupes n'osent pas faire, c'est que ça coûte, ces petites choses), peut-être aussi parce que, dès que les roadies ont fini de tout réinstaller, il recommence. Une autre explication serait que j'étais au troisième rang et qu'il est nettement plus difficile d'être cynique ou blasé quand des morceaux de guitare vous passent cinq centimètres au-dessus de la tête.

- Woven Hand : Malgré la relative déception qu'avait été mon concert de Woven Hand aux Ardentes le mois dernier, je suis allé le revoir samedi soir à minuit, au Chateau, à la toute fin du festival. Les mêmes causes donnant les mêmes effets, je suis à nouveau resté sur ma faim. David Eugene Edwards n'est pas un showman et sa voix, pour moi le meilleur atout de ses deux groupes, est moins mise en avant que sur disque. Il n'y a guère que lorsqu'il a chanté "Alle...allee...luiaaaa, alle...alle....luiaaaaa" que je n'ai pas regretté de ne pas être plutôt allé voir Tool, un groupe dont je ne sais pour ainsi dire rien mais qui a toujours aiguisé ma curiosité. Une occasion manquée.

4 commentaires:

Ellis a dit…

Merci pour ce compte-rendu.

Pierre a dit…

C'est bien la première fois que l'on commente juste pour dire merci. C'est vraiment adorable. Merci à toi. :)

Anonyme a dit…

Low est le groupe que j'ai le plus vu sur scène...
Pas trop surpris par la critique de 120days par contre j'aurais pensé que Woven Hand c'était meiux ( malhereusement je l'ai raté à Paris il y a quelques semaines... )

Anonyme a dit…

Etre obligé de mettre des bouchons dans les oreilles pour un concert, c'est un comble ! Je ne savais pas que Henry Rollins continuait à faire de la scène. Je me souviens que vers 17 ans et la sortie de "Liar", j'étais fascinée par ses tatouages.