mercredi, octobre 27

John Peel est mort....

...à 65 ans durant ses vacances au Pérou, après presque 40 ans de bons et loyaux services sur la BBC. Durant cette période, sa place de présentateur sur Radio 1 n'avait jamais vraiment été remise en question, malgré les tentatives nombreuses et répétées de la maison-mère de rajeunir l'audience de la station. Son émission passait toujours trois fois par semaine à 23h.



Je n'ai malheureusement pas souvent eu l'occasion de l'écouter. Elle évoque donc surtout pour moi les vacances dans le Nord de la France, là où les ondes de BBC Radio 1 parviennent encore (on la capte très bien à Wissant par exemple). J'aurais certes pu m'astreindre à l'écouter via le Web lorsque ses émissions sont devenues écoutables à la demande il y a quatre ou cinq ans mais je n'avais en général pas le temps, ni la patience, de passer deux heures d'affilée inconfortablement assis devant mon ordi. Je me prenais à rêver qu'une station radio d'ici décide de retransmettre son émission, comme ce fut le cas dans un pays scandinave pendant quelques temps.

N'ayant pas dû écouter en tout plus d'une cinquantaine d'émissions de John Peel, ma connaissance du personnage est surtout constituée de ouï-dire. En conséquence, je suis assez mal placé pour dresser son portrait. Je pourrais au mieux compiler rapidement des choses lues ou entendues par ailleurs et ça n'aurait aucun intérêt. Le mieux est sans doute d'aller sur le site de son émission, et de consulter les play-lists, ou encore de lire l'hommage qui lui est consacré sur le site de la BBC.

En fait, pour ceux qui n'ont pas eu la chance de vivre dans un endroit où Radio 1 pouvait être captée, John Peel était surtout un nom, presque un talisman que l'on chérissait lorsque, adolescent, on se lançait, à corps perdus (tout dans l'adolescence se fait à corps perdus), à la conquête des musiques différentes (et contrairement à ce que mon blog pourrait laisser croire, je suis également passé par là, sans jamais en sortir complètement). L'omniprésence de ce personnage mystérieux était encore accentuée par le fait que la discographie, officielle ou non, de tous les groupes possibles et imaginables semblaient contenir l'une ou l'autre Peel Session, de Dead Can Dance aux Cocteau Twins, de Trail of Dead à Godspeed You Black Emperor, de Belle and Sebastian à Arab Strap, d'Interpol aux Yeah Yeah Yeahs, de Boards of Canada à Autechre, de Marc Almond à The Human League, en passant même (ils sont partout) par les Pet Shop Boys.

Ce qui me frappait toujours lorsque j'avais la possibilité d'écouter ses émissions était l'incroyable diversité des musiques qu'il diffusait. Il pouvait passer sans transition d'un disque de zouk à un disque de death-metal (comme seuls les norvégiens peuvent en faire, selon ses propres termes que je n'ai pas oubliés), et alterner rap, rock, pop, world-music, techno et post-rock sans jamais se soucier de dérouter ou de perdre son public. Peel était un modèle pour tous ceux qui envisagent la musique sous le signe de l'éclectisme et pour lesquels l'exigence artistique n'est pas synonyme d'étroitesse d'esprit. Certes, à force de passer tout ce qui lui plaisait dans tous les genres, sans se soucier de ce que la mode de l'époque dictait, il a parfois laissé ses auditeurs quelque peu pantois (voir l'épisode récent des Cuban Boys), mais ça lui a surtout valu d'accompagner la naissance de toutes les grandes révolutions musicales, que ce soit le punk, la drum&bass ou la techno. Cette curiosité de tous les instants ne s'est jamais estompée. Là où de grandes figures de la radio (notamment française) ou de la presse musicale sont pour toujours associées à une période ou à un genre donné et ont continué à exercer leur métier au ralenti, en misant sur leur réputation passée, John Peel semble avoir tout vu, tout prévu, tout entendu pendant plus de 40 ans.

Mark E. Smith est en deuil. Les Undertones sont en deuil. Pulp est en deuil. Thom Yorke est en deuil. Mêmes les hamsters sont en deuil. Plus généralement, tout qui possède une paire d'oreilles et n'a pas peur de les utiliser est en deuil aujourd'hui. C'est étonnant quand on y pense que la mort d'un animateur radio que j'ai finalement très peu écouté puisse m'émouvoir à ce point. Sans doute est-ce que, avec la mort de John Peel, c'est tout un pan de la musique, et de mon rapport avec elle, qui semble basculer dans le passé.

Ne soyons pas trop tristes cependant. Des milliers de Peel Sessions survivront à la mort de leur instigateur, ainsi que, espérons-le, sa manière d'envisager la musique comme un grand tout en constante ébullition. Le conseil d'administration de Radio 1 a intérêt a bien choisir son remplaçant car, à voir le nombre hallucinant de groupes qui, depuis quelques heures, rendent spontanément hommage à l'influence de John Peel sur leur décision de faire de la musique, on peut se demander si l'extraordinaire richesse et créativité de la musique britannique ne pourrait pas s'expliquer en grande partie par son influence.

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