lundi, octobre 18

Un peu de douceur dans ce monde de brutes ne peut faire de mal.

En cette époque où les artistes semblent tétanisés par la peur de ne pas en faire assez et en rajoutent toujours plus pour être sûrs de faire passer clairement leurs intentions, il est rassurant de voir débarquer sur sa platine un disque pour lequel les mots légèreté, délicatesse et suggestion ont gardé tous leur sens.

L'album commence par la chanson qui lui donne son titre, "Voyage voyage" (je traduis), et ce disque est effectivement une invitation à l'errance sans but, à la contemplation flemmarde de ce qui nous entoure ou de ce qui, au contraire, se trouve là-bas, dans des contrées plus ou moins lointaines. Le petit solo d'accordéon malingre qui conclut cette première plage plante ainsi un état d'esprit qui ne variera plus tout au long des onze vignettes qui constituent cet album, même si la langue utilisée et les lieux évoqués varient au gré des chansons, passant par exemple de Moscou à l'Amérique, via le Tibet.

N'en déduisez pas qu'il s'agit d'un de ces disques gentiment chiants, où une joliesse foutraque ne parvient que rarement à excuser le caractère inabouti des mélodies. L'album est beaucoup plus ambitieux et fait preuve d'une large palette de rythmes et d'atmosphères et de tempos. Des chansons lentes (dont le bouleversant 'Amour') côtoie ainsi des morceaux plus rapides. Il est aussi étonnamment divers dans son instrumentation : choeurs célestes, orchestres à cordes, guitares, harmonica, piano, accordéon et percussions se relaient pour tresser une tapisserie sonore particulièrement riche. De plus, le disque ne manque pas d'humour et, par des citations tous azimuts, s'inscrit sans avoir l'air d'y toucher dans son époque. Le Dalaï-Lama, auquel une chanson est consacrée, est ainsi évoqué par quelques notes rêveuses au piano, et Moscou par un pastiche de Tatu qui réjouira ceux qui, comme moi, n'ont pu ou voulu résister à 'All the things she said' ou 'Not gonna get us'.

Comme on le voit, le disque ne se contente donc pas de décliner son parti-pris déambulatoire comme un écrivain à la mode étire péniblement la demi-idée de son nouveau best-seller sur des centaines de pages. Toute sa richesse provient au contraire de son inventivité permanente, de la multitude de points de vue et de genres qu'il convoque. Pourtant, si certains morceaux bifurquent parfois vers un incongru boogie-rock à l'ancienne, d'autres vers de la musique de danse ou encore un sorte de rock pesant, ils restent fidèles au projet global du disque : la découverte du monde et l'évocation de sa diversité.

La chanson consacrée à l'Amérique est particulièrement emblématique de ce qu'est ce disque. Elle commence par une mélodie a cappella qui n'est pas sans rappeler les Beatles dans leur veine la plus sautillante ou encore un James Brown tardif. Vient ensuite un long récitatif où le chanteur décrit ce que lui évoque l'Amérique, de manière apparemment assez critique (le propos du disque est de ce point de vue ancré dans son époque, pour le meilleur et pour le pire). De manière quasiment impressionniste, il égrène ainsi quelques mots qui en sont venus à représenter l'Amérique dans le monde (Coca-Cola, Mickey Mouse, Wonderbra même). Le morceau bifurque ensuite vers une amusante citation du 'This is not a love song' de Public Image Limited, avec un petit solo hardeux incongru. Sans jamais verser dans la caricature grossière que ce sujet aurait de nos jours tendance à inspirer, le tout reflète à merveille l'ambivalence de l'Amérique et celle du monde envers elle.

Rarement album aura aussi bien porté son titre. Des voyages comme ceux-là, on en redemande. Merci Messieurs Rammstein.

La vidéo de Amerika est visible ici.

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