Je n'attendais a priori pas grand-chose du concert d'Elbow à l'AB il y a deux ans, juste de voir jouer sur scène des chansons que j'aimais bien. Pourtant, quelque chose qui dépassait le simple cadre de la musique m'avait transporté comme rarement un concert avait pu le faire. C'est donc avec une certaine impatience que j'attendais le retour en Belgique des Anglais. Le petit miracle de la tournée Cast of Thousands serait-il reproductible ? Après tout, leur dernier album, Leaders of the free world, est tout aussi bon que le précédent. Et pourtant non, le concert fut moins bon. J'ai en fait vécu cette année ce que je m'imaginais vivre il y a deux ans : simplement profiter du plaisir de voir sur scène un de mes groupes préférés interpréter ses chansons.
Mais commençons par le commencement, c'est-à-dire la première partie assurée par Diefenbach. Comme cela semble de plus en plus habituel à l'AB, le groupe monte sur scène à 20h précises et prend place sur un énorme tapis en faux-léopard : un bassiste-chanteur au centre, un guitariste-chanteur à droite, un guitariste-claviériste à gauche et un batteur au fond, tous avec des bonnes têtes de Danois blonds. Classer la musique du groupe n'est pas chose facile et je me souviens avoir assisté à une discussion animée à ce sujet. Cela reste dans l'ensemble très carré et le 4/4 règne en maître mais le groupe tente de dépasser un peu le genre "indie-rock" en y introduisant effets de synthé, dissonances et velléités post-rock. Comme souvent lorsqu'un groupe utilise un bassiste comme leader, les parties de basse, plus élaborées que la moyenne, assurent un minimum de swing aux morceaux. Je connais assez mal leur répertoire mais deux-trois chansons semblent sortir du lot et leur garantissent les applaudissements nourris du public. Pourtant, Diefenbach est typiquement le genre de groupe qui aurait beaucoup à gagner à se chercher un vrai chanteur. Le bassiste avait une furieuse tendance à chanter faux (involontairement à mon avis) et les parties vocales étaient parfois presque embarrassantes. Je ne comprendrai jamais pourquoi, de tous les instruments typiques du rock indé, la voix reste toujours le parent pauvre. A quelques rares exceptions près, tous les groupes qui percent ont des chanteurs compétents ou, à défaut, qui apportent une personnalité aux moreaux (la voix blanche de Pete Doherty par exemple).
Le cas d'Elbow est de ce point de vue particulièrment éclairant. Les musiciens (un bassiste, un guitariste, un claviériste et un guitariste) semblent n'être là que pour poser les imposantes fondations, à base de gros moellons grossièrement équarris, d'un édifice sonore dont la voix de Guy Garvey, quelque part entre Peter Gabriel et Nick Drake, servirait de toit (délicatement ouvragé et à base de matériaux légers et transparents). Peut-être est-ce là l'explication de l'impression indéfinissable que me laissait la musique d'Elbow et que j'avais eu tant de mal à décrire lors de mes précédents billets. Peut-être aussi est-ce parce que je suis ainsi parvenu à formuler en mots qui me conviennent cette impression que la "magie" (forcément liée à l'indicible ?) a légèrement disparu. A moins que, plus prosaïquement, le groupe ait simplement été dans un jour sans. Guy Garvey, particulièrement, a semblé très fatigué à certains spectateurs, en partie peut-être parce qu'il est arrivé sur scène, en s'aidant d'une canne.
Je pourrais énumérer toute une série de détails qui font que le concert de cette semaine m'a moins transporté que le précédent. Il était trop court (1h25) et ne contenait pas deux des chansons que je me réjouisssais le plus d'entendre (The Everthere et Any Day Now). Le public n'a pas voulu ou pu reprendre "We believe in love so fuck you" à la fin de Grace Under Pressure. Guy Garvey parlait peu entre les morceaux (tout au plus a-t-il dit que la Belgique semblait être une nation très "saine"). Il continuait cependant à se balancer d'avant en arrière en chantant, soit en tenant le haut du pied de son micro des deux mains, les yeux mi-clos, comme absent au monde, soit au contraire en regardant la salle, main droite levée vers l'avant, paume tournée vers l'intérieur, comme s'il faisait offrande de sa voix aux spectateurs. Peut-être est-ce cette générosité affichée qui fait tout le prix des concerts d'Elbow. A moins que le secret du plaisir que l'on y prend ne réside dans cette phrase que Guy Garvey a laissé echapper entre deux chansons : "Aucun membre de ce groupe n'a jamais réellement dû travailler pour gagner sa vie. Je ne vous demande pas d'être heureux pour nous (sous-entendu, vous avez le droit d'être jaloux) mais je dois dire que c'est vraiment le pied !" Finalement, Elbow ne serait-il qu'un groupe d'amis suffisamment doués pour pouvoir vivre de leur musique, parcourir le monde et chanter des chansons qu'ils aiment ? Ce serait déjà très bien.
SETLIST :
Station Approach
Fallen Angel
Red
Leaders of the free world
My very best
Great Expectations
Fugitive Motel
Mexican Standoff
The Good day
New Born
Switching Off
Grace Under Pressure
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Puncture repair
Powder Blue
Forget myself
2 commentaires:
"Finalement, Elbow ne serait-il qu'un groupe d'amis suffisamment doués pour pouvoir vivre de leur musique, parcourir le monde et chanter des chansons qu'ils aiment ?"
j'ai pu les rencontrer pour le dernier album. c'est EXACTEMENT l'impression qu'ils m'ont laissée.
en faisant pareille musique, je m'attendais à tomber sur des gars investis, voire tourmentés, et tous les clichés qui vont avec.
au final, j'ai eu à faire à des mecs complètement normaux, qui aiment bien boire des coups, sortir des vannes.
j'ai posé la question: que feraient-ils pour une bonne chanson? quel sacrifice? aucun qui ne puisse mettre en péril les liens d'amitié qui tissent le groupe, a répondu Garvey.
Ben si, les gens qui chantent faux, ça peut être charmant: Neil Young (Neil Young), Wayne Coyne (Flaming Lips), Stephen Malkmus (Pavement). Ca finit quelques fois par en devenir un cliché indé, "le gars qui chante faux pour nous toucher au plus prés de nos âmes", il faut juste bien savoir chanter faux :)
Sinon, je crois que si les premières parties commencent à 20h, c'est surtout parce que les concerts doivent être finis à 23h (J'ai vu Devendra Banhart se faire rabrouer pendant son concert pas top). Sûrement des problèmes de voisinage (quoique...sur le boulevard Anspach!)
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