mercredi, décembre 20

Pierre Lapointe, Botanique, 17 décembre 2006

(suite de ce billet)

Après 20 minutes d'entracte, les musiciens pénètrent sur scène. Un guitariste (Philippe Bergeron), une pianiste-accordéoniste-choriste (Josianne Hébert), un (contre)bassiste-sampliste (Philippe Brault), un violoniste-bidouilleur (Guido del Fabbro). Les musiciens commencent à jouer l'intro de Dans la forêt des mal-aimés tandis que les spectateurs cherchent en vain le chanteur des yeux. On commence à peine à connaître le nom de Pierre Lapointe en Europe et déjà il nous fait des entrées de stars ?! Ne se prendrait-il pas un peu trop au sérieux ? La question m'apparaît encore plus pertinente après avoir vu la manière dont son regard balaie le public lorsqu'il monte sur scène pour chanter la première phrase, comme en terrain conquis. Je ne connais de Pierre Lapointe que ses deux albums, pas de quoi donc me faire une opinion sur sa personnalité. Pourtant, ma première pensée en le voyant évoluer sur scène est qu'il n'a pas l'air de se prendre pour n'importe qui. Allait-ce être un de ces concerts où la beauté de la musique se retrouve ternie par l'antipathie que m'inspirent ses créateurs ? Heureusement non, car il a la suprême intelligence de désamorcer cette arrogance (réelle ou feinte) qui émane de son attitude sur scène en en faisant le moteur d'un effet comique. Ainsi, la plupart de ses interventions parlées entre les morceaux sont très écrites (je doute qu'elles changent d'un concert à l'autre) et ne servent qu'à renforcer cette impression de chanteur confit dans l'auto-satisfaction, parfois aux dépens de ses musiciens ou de son public.

Extraits choisis (je paraphrase) : "Calmez-vous les enfants. Je sais que mon charisme sexuel vous rend fous de désir mais, par pitié, tâchez de vous contrôler.", "Non content d'avoir révolutionné la chanson française, je suis également en train de révolutionner la mise en scène.", "Tiens d'ailleurs, pourquoi ne vous présenterais-je pas mes musiciens ? Mais d'un autre côté, pourquoi le ferais-je... De toutes façons, hypnotisés par ma présence magnétique, vous ne les voyez pas..." ou, en annonçant Au nom des cieux galvanisés "Moi depuis que je suis vedette, ça va bien merci mais vous, les célibataires du public, vous ne savez pas vraiment ce que c'est que d'être aimé et vous ne le saurez jamais.". Il joue en rappel son "tube" (ou, à tout le moins, la chanson par laquelle je l'ai découvert sur une compilation des Inrocks Deux par deux rassemblés) et exige de son public des cris d'adoration extatique qu'il accueille avec des poses très convaincantes de rock-star... Non, il n'y a pas à dire, il tient son personnage à la perfection. Alors, pure invention comique ou coup de génie marketing pour faire accepter au public une tendance naturelle à l'arrogance ? Je n'en sais rien et au fond, je m'en fous un peu. L'important est que cela fonctionne. Il s'agit sans doute du premier concert où j'ai failli m'étrangler de rire.

Il va de soi que ce personnage de scène ne peut tenir la route que si le concert est musicalement au-dessus de tout reproche. Heureusement, il l'est. Permettez-moi de renoncer à toute mesure mais, sur les seize morceaux du concert, je ne pense pas qu'un seul soit rien moins que formidable. Je ne connais ces chansons que depuis quelques semaines mais chaque intro provoquait pourtant déjà en moi le frisson de plaisir du fan qui, après des années d'attente, avait enfin le plaisir d'entendre sa chanson préférée en concert. D'où me vient cet enthousiasme débordant ? Est-ce le mélange Patrick-Wolfesque d'électronique et d'instruments classiques (violon et piano principalement) qui transforme par exemple la seconde moitié de L'endomètre rebelle en hymne techno ? Ou est-ce au contraire la beauté classique et rudimentaire de chansons comme Au 27-100 rue des partances qui rappelle le meilleur Romain Didier ? Ou bien la charge émotive des harmonies spectrales du Lion Imberbe ? Ou encore les nappes de claviers zébrées d'éclairs électriques qui assombrissent l'intro de certains morceaux ? A moins que ce ne soit la démesure orchestrale de Deux par deux rassemblés qui évoque irrésistiblement le Serge Gainsbourg d'Initials B.B. ? Plus sûrement sans doute, il s'agit du fait que tout cela coexiste à l'intérieur d'une même oeuvre, d'un même concert, sans que jamais une impression de trop-plein ne naisse.

Je pourrais encore multiplier les superlatifs pendant des paragraphes entiers mais je pense que la nature débordante de mon enthousiasme doit avoir déjà transparu à travers ce qui précède. Un des cinq concerts de ma vie ? Peut-être. J'en suis en tout cas ressorti avec des frissons de bonheur dans le dos qui ont continué jusqu'à mon arrivée à la gare. Cela ne m'était plus arrivé depuis mon premier concert des Nits à l'Ancienne Belgique et c'est précieux.

LIENS :
- La page Myspace (non-officielle mais avec des trucs à écouter et à voir)
- Le site officiel
- Le billet d'Indie-boy traqueur.

SETLIST :

- Dans la forêt des mal-aimés
- Debout sur ma tête
- Qu'en est-il de la chance ?
- Reine Emilie
- Vous
- Tel un seul homme
- L'endomètre rebelle
- Au nom des cieux galvanisés
- Hyacinthe la jolie
- Au 27-100 rue des partances
- De Glace
- Le lion Imberbe
- Nous n'irons pas
- Le colombarium
- Au pays des fleurs de la transe
-------
- Deux par deux rassemblés
- Tous les visages

VIDEO : - Une vidéo partielle du concert est disponible sur Youtube (merci momo1951), avec également de courts extraits des concerts de Arman Mélies et Renan Luce. Le son est médiocre mais on voit notamment de beaux exemples des poses de rock-stars dont je parle pendant Deux par deux rassemblés. Les fans de coiffure approximative seront aussi ravis d'apprendre que l'on me voit de dos durant toute la seconde moitié du clip. :p

9 commentaires:

indie-boy a dit…

Ah ben tu y es allé finalement! et tu l'regrettes pas! C'est drôle car j'ai l'impression d'assister au même concert (même si c'était pas vraiment un concert à la Défense, plutôt un mini-concert), les mêmes interventions parlées 'écrites' (Je sais que mon charisme sexuel vous rend fous de désir...) et la même arrogance (c vrai ça, ça m'avait pas frappé, mais en y repensant, il balayait aussi du regard le public) : "pure invention comique" ou "coup de génie marketing"? J'en sais rien, mais c'est à s'étrangler de rire comme tu le dis et l'essentiel reste la musique finalement : et apparemment ça a fonctionné pour toi (Un des cinq concerts de ma vie ? Sans doute...eh beh!). J'ai acheté le CD de Pierre Lapointe à ma soeur pour Noël, je crois que ça lui plaira, pas le CD de Renan Luce, j'ai hésité aussi à aller le voir toujours au Festival Chorus, mais s'il n'a que 3 bonnes chansons sur 45 minutes...

PS : je te l'ai pas dit, mais MERCI pour les 2 fois où tu as cité mon post sur Pierre Lapointe, j'ai vu dans mes Stats une dizaine d'internautes qui venaient de chez toi...@ +
Bonnes Fêtes à toi.

Anonyme a dit…

Une petite hornbyserie de Noël : mes 5 concerts préférés.

Cocteau Twins à L'Elysée montmartre en 1986 (mon tout premier)
Divine Comedy à la Cigale, Festival des Inrocks
Les Nits, à la Cigale, au Bataclan, au Trianon
The La's à Pontoise vers 1990 (un festival avec les VRP, la Mano Negra et I'am)
Jean-Louis Murat (ben oui moi aussi ça m'étonne) aux Francofollies de la Rochelle (tournée Mustang)

Pierre Lapointe n'est plus très loin. Il frappe à la porte.

Pierre a dit…

Certains amateurs de musique ne jurent que par le live et considèrent que, pour découvrir un groupe ou un artiste, rien ne vaut l'expérience du concert. J'ai plutôt tendance à considérer qu'un univers se découvre sur disque et que l'expérience du live vient après, comme une prise de contact direct avec les auteurs du disque. Les concerts que j'ai préférés sont donc presque toujours ceux où j'ai pu voir pour la première fois les auteurs d'albums dont j'étais raide dingue.

Ca donnerait donc sans doute pour moi.
- Nits, AB, 2003
- Dead Can Dance, Cirque Royal (1993 ?)
- Patrick Wolf, AB Club, 2003
- Radiohead (tente sur la plaine de Werchter, ?)
- Pet Shop Boys, Forest-National
- Pierre Lapointe, Botanique, 2006

Je répugne à classer ces concerts entre eux à dire vrai.

Pierre a dit…

Argh... J'ai oublié dans la liste le concert d'Elbow à l'AB lors de la tournée Cast of Thousands. Honte sur moi. Il a largement sa place ici.

indie-boy a dit…

@ davnat : Ah les La's à Pontoise! Mythique! avec les Frank & Walters! C'est là où j'ai pissé dans les toilettes à côté du chanteur des F&Waters, j'm'en souviens comme si c'était hier, c'est la 1ère fois que je côtoyais une star de si près! C'est drôle, tu y étais aussi, au concert des Nits au Trianon également : le monde est p'tit.

Anonyme a dit…

C'est drôle parce que dans mon Top5, j'avais failli mettre un concert des Frank and Walters au passage du Nord-Ouest (c'était quand-même pas le groupe du siècle les Frank and Walters !!!)

Anonyme a dit…

J'ai découvert Pierre Lapointe il y a seulement 2 jours, aux Francofolies de Spa, en Belgique,à peine est-il rentré sur scène, j'étais conquise, je n'ai jamais été aussi enthousiaste à la découverte d'un nouvel artiste, mais quel artiste!Je me suis déjà procurée ses deux albums, je les écoute en boucle, j'adore, je suis déjà fane, et je commence à faire des adeptes autour de moi. Ce charisme, cette arrogance... j'adore.... j'aime, je crois que je ne peux rien dire d'autre! Et je comprend le sentiment que vous essayez en vain de décrire!

Anonyme a dit…

4 octobre / Concert exclusif de Pierre Lapointe
À Montréal au Monument-National,
4 octobre 2007 à 20 h

Les billets sont 75$... il en reste encore quelques uns, ils sont vendus par le Réseau Admission et directement au monument National!

Anonyme a dit…

http://www.lesinrocks.com/musique/musique-article/t/1254995100/article/pierre-lapointe-session-live-et-interview/

il revient en mars et ça va être énormissime.... bravo pour ton article, j'avais été le voir aux deux dates et suis fan inconditionnelle...

Amicalement


Florence