mercredi, janvier 4

Les faux albums de 2005 (I)

Comme c'est le plus facile, je commence par mentionner les albums qui n'en sont pas vraiment. Entendez par là les live, les compilations, les rééditions et les musiques de film non imputables à un seul artiste, soit tout ce que j'exclus traditionnellement des classements de fin d'année.

Bonnie 'prince' Billy - Summer in the Southeast (Sea Note)
J'avais été amèrement déçu par la petite demi-heure du concert de Bonnie 'prince' Billy à laquelle j'avais assisté au Pukkelpop mais au moins on pouvait passer le temps en regardant les gestes plein de lascivitié incongrue de Will Oldham. Ce disque ne permet rien de tel et me laisse donc seul face à mon incompréhension. Pourquoi ces interprétations hypertrophiées ? Pourquoi Will Oldham force-t-il en permanence sa voix et injecte-t-il des stéroïdes électriques dans ses chansons ? Peut-être se rêve-t-il rock-star. En tout cas, dix minutes de cette bouillie sonore suffisent pour que mon seuil de saturation soit atteint et je doute de réécouter ce live dans un avenir proche. Je le mettrais illico sur ma pile à revendre si le démon de la collection ne m'en dissuadait. En attendant, mieux vaut réécouter les versions studio. Will Oldham y chante vraiment.

Dead Can Dance - Live in Brussels : 17th of March 2005 (www.DcDdiscs.com)
Comme cela se fait de plus en plus, tous les concerts de la tournée printanière de Dead Can Dance ont été intégralement enregistrés et un nombre limité de CD live ont été proposés le soir même à la vente. L'investissement n'est pas négligeable (30€ de mémoire) mais est amplement repayé. La qualité de l'enregistrement est parfaite, le visuel du boîtier est 4ADesque en diable et l'écoute des deux CD permet de faire resurgir presque intactes les émotions ressenties durant le concert, notamment quand Brendan Perry s'emmêle les pinceaux dans ses paroles.

Eminem - Curtain Call - The Hits (Interscope)
Je suis à peu près aussi qualifié que le goître de Balladur pour juger du crédit et de l'importance que conserve Eminem en 2006 dans le monde du hip-hop mais le fait est qu'il a régné en maître sur le petit monde de la pop (ou devrais-je dire variété ?) américaine de ce début de siècle. De Lose Yourself à Like Toy Soldiers et de Stan à The Way I am, le parcours est impressionnant (mais pas sans fautes... Mockingbird aurait pour moi mieux fait de rester confiné entre les quatre murs de la chambre de sa fille) et presque toutes ses étapes sont reprises ici. Dommage pourtant que cette compilation ait été compilée de manière si paresseuse. Pourquoi inclure l'interprétation de Stan en duo avec Elton John aux Grammy Awards (plus intéressante sur le papier que dans sa concrétisation musicale) et pas Mosh ? Pourquoi un CD bonus aussi court ? Pourquoi avoir décidé de sortir en single le plus faible des trois nouveaux morceaux inclus ici ? On sent en fait le produit commercial sorti à la va-vite pour les fêtes. La compilation qui permettra de rendre justice à la place qu'a occupée Eminem dans le paysage culturel de ces dernières années est encore à venir (et quand elle viendra, je veux y voir How Come de D-12).

V/A - Help! A day in the life (Independiente - Warchild)
10 ans après le premier 'Help', le petit monde de la brit-pop se retrouve pour venir en aide aux "enfants affectés par la guerre partout dans le monde". Pour qui suit semaine après semaine le petit monde des hypes orchestrées par le NME, la liste des groupes présents ici donne le tournis. Ils sont venus, ils sont tous là, des meilleurs (Elbow, Hard-Fi, The Coral, Radiohead, Bloc Party) aux moins bons (Maximo Park, Babyshambles, Razorlight) et des plus connus (Coldplay, Gorillaz) aux un peu moins connus (Damien Rice, Faultline,...). Parmi les 20 morceaux que comprend le disque, les bonnes surprises abondent. Que ce soit la jolie reprise de Goodbye Yellow Brick Road par Keane et Faultine, les inédits de Gorillaz (qui propose un morceau à mon avis meilleur que tous ceux de Demon Days), de The Coral, de Elbow, de Hard-Fi ou de The Go! Team). Une bonne cause, un bon disque... Tout ce que le Band Aid 20 ne fut pas.

Brian Eno - More music for films (Virgin)
La campagne de réédition des disques de Brian Eno qui a débuté l'année dernière trouve ici toute sa justification avec la sortie de ce qui était un des Graals de l'enologue patenté (par le p2p) : Music for films, Volume 2 (sorti en 1983 si j'en crois mes informations) et qui était devenu rigoureusement introuvable. Le CD propose donc une heure de musique en grande partie inédite (pour moi) venant en droite ligne de la meilleure période du Eno ambient. A priori, ça en devrait être que du bonheur. Pourtant, en écoutant l'album, on comprend assez bien pourquoi ces morceaux n'ont pas été réédités plus vite. La plupart ne sont que des ébauches (leur durée moyenne est d'environ deux minutes) et beaucoup sont des variations autour de thèmes connus (Dark Waters et Reactor rappellent ainsi furieusement des morceaux issus de l'album Another Green World). Cela dit, je ne boude pas mon plaisir puisque cette sortie me permet enfin d'avoir sur CD une poignée de morceaux qui n'était jusqu'ici disponible que sur le coffret Instrumental (lui-même introuvalble depuis longtemps).

Lisa Gerrard et Jeff Rona - A thousand roads OST (Wide Blue Sky)
L'espoir suscité par la contribution de Lisa Gerrard à la bande originale de Salem's Lot en 2004 disparaît ici dans une purée de synthés et de marmonnements inintelligibles mais tout cela n'est pas grave puisque la possibilité de voir apparaître l'année prochaine un nouvel album de Dead Can Dance semble, si on doit en croire les rumeurs, de moins en moins hypothétique.

Kraftwerk - Minimum-Maximum (EMI)
Rétrospectivement, je me dis que j'aurais sans doute été mieux inspiré d'acheter directement le DVD pour bénéficier de l'image et surtout des projections rétro-futuristes (l'esthétique Minitel première génération, à gros pixels), qui sont au coeur du dispositif scénique de Kraftwerk. Pourtant, même ainsi limités à leur aspect purement musical, les concerts du groupe parviennent à générer des émotions étonnamment fortes, surtout pour moi qui n'ai qu'une connaissance assez superficielle de leur répertoire. Des morceaux comme Autobahn ou Radioactivity, avec leur rythmique implacable et leur construction toute germanique, trouvent dans un envronnement live une résonance particulière avec l'humanité du spectateur, sans doute à cause de la voix peu assurée de Ralf Hutter, qui semble presque incongrue au milieu de toutes ces machines, et parce qu'assister à un concert est avant tout une expérience collective (comme le prouvent ici les applaudissements et des cris du public).

Mogwai - Government Commissions, BBC Sessions 1996-2003
Cette compilation sans surprise des sessions radios de Mogwai est sortie quelques semaines après la mort de John Peel. Est-ce pour cela qu'elle est si sinistre ? Je ne la réécoute en tout cas pour ainsi dire jamais. J'irais même jusqu'à dire qu'elle est un peu ennuyeuse. Heureusement, le (bon) prochain album du groupe sort dans quelques semaines.

Suite et fin demain.

3 commentaires:

L'Anonyme de Chateau Rouge a dit…

Pour la compile "Eminem" et l'oubli de "Mosh" il me semble assez simple. C'est une supposition mais il faut reconnaitre qu'Eminem n'a pas forcement envie de revenir sur un echec. ( la chanson devait encourager les jeunes à voter, et voter contre Bush....Toute ressemblance à des evenements vu en France n'est que pure coïncidence... ). Quant à la maison de disque je ne suis pas sur qu'elle est eu envie d'éditer une chanson clairement antibush....
Il est donc normal que Mosh ne soit pas dans la compilation, bien qu'elle soit un moment important de la carriere d'Eminem. Mais bon en même temps ce n'est pas non plus la meilleure, même si j'aime beaucoup son état d'esprit: militantisme néandertalien.

Pierre a dit…

J'aurais du mal à dire s'il s'agit ou non de sa meilleure chanson (c'est au moins une des bonnes) mais elle aurait à mon avis amplement mérité de se trouver sur une rétrospective. De plus, la maison de disques avait déjà sorti la chanson sur le dernier album, je vois mal pourquoi elle aurait peur de le faire sur une compilation deux ans plus tard.

J'ai parlé plus longuement de Mosh ici.

L'Anonyme de Chateau Rouge a dit…

Ok, pas mieux. Ta chronique sur Mosh est tres bien. ça me redonne envie de l'écouter tiens !