Justin Timberlake - FutureSex/LoveSounds (Jive)
S'il existe dans nos sociétés modernes et désenchantées une histoire qui ressemble vaguement à un conte de fées, c'est sans doute du côté de la carrière de Justin Timberlake qu'il convient de la chercher. Normalement, un chanteur révélé par le Mickey Mouse Club, ancien joli-coeur de boyband et ex-fiancé de la pop-star la plus brillamment superficielle de son époque doit finir sa carrière à 25 ans en has-been total, juste bon à courir les plateaux télé et les émissions de télé-réalité, comme un junkie à la recherche d'un dernier fix de visibilité médiatique. Qui aurait pu croire qu'il rebondirait, entamerait une fructueuse carrière solo, entouré des producteurs les plus en vue de son époque (Timbaland, The Neptunes, Rick Rubin, ...), qu'il rencontrerait gloire et crédibilité, amassant Grammy Awards et reconnaissance de ses pairs pour finir par se retrouver quasi-fiancé avec une star de cinéma ? Je reparlerai sans doute un jour plus longuement du personnage (dont je suis attentivement la carrière depuis 1999... quel visionnaire je fais tout de même) mais, en attendant, revenons à ce deuxième album solo, attendu avec d'autant plus d'impatience que Mr T avait plutôt mal négocié le virage de l'après-Justified (un partenariat publicitaire avec McDonald's, un single inepte et des rôles au cinéma qui n'ont convaincu personne). Cet album est produit en grande partie par Timbaland, qu'un chroniqueur des Inrocks présentait il y a quelques mois à peine comme un producteur ringard et qui a pourtant, avec cet album et l'omniprésent Maneater de Nelly Furtado, incarné, plus que tout autre, le son de la pop de 2006. La première moitié de l'album est franchement impressionnante. Que ce soit avec l'électro martiale de SexyBack, les hypnotiques vocalises tournoyantes de What Goes Around ou l'étourdissant riff de synthés de My Love, les deux "Timba" semblent n'en faire qu'à leur tête (des morceaux de 7 minutes, des interludes, des chansons sans refrain,...), sans jamais faire de mauvais choix. Mieux, la cinquième plage de l'album, LoveStoned, recèle sans doute la plus belle minute de musique de l'année (ça commence à 4:40). Dommage que, comme souvent, les choses se gâtent vers la fin de l'album, où la plupart des ballades sont concentrées. Parce que, s'il y a une chose qui n'a pas changé depuis l'ère Nsync, c'est que Justin Timberlake n'est pas un crooner. Ses vocalises interminables en falsetto deviennent même assez rapidement pénibles et l'arrivée d'un improbable choeur gospel à la fin de Losing My Way n'est pas de trop pour ranimer mon attention avant le duo avec Snoop Dogg. Cela dit, sur deux bons tiers de cet album, Justin Timberlake se rapproche très près des artistes dont il se réclame depuis toujours (de Prince à Michael Jackson).
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- A écouter : Lovestoned (mp3)
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Film School - s/t (Beggars Banquet)
C'est étrange la mémoire. J'avais de ce disque le souvenir d'un clône de My Bloody Valentine ou, en tout cas, du vague souvenir que j'en ai (je connais mal le groupe) : un mur impénétrable de guitares tourbillonnantes duquel la voix peine à émerger. Pourtant, en le réécoutant, je le trouve très pop, et à tout prendre bien plus proche des ambiances sombres et pesantes qui ont récemment fait les belles heures d'un groupe comme Interpol. Malheureusement, il s'agit ici d'un Interpol sans tubes. He's a DeepDeep Lake fait bien illusion durant l'intro et le refrain mais se perd dans un couplet insignifiant. Tous les morceaux du disque sont à l'avenant, prometteurs mais toujours légèrement en-deçà de ce qu'ils pourraient être. Certains diront qu'il s'agit d'un disque modeste, qui s'apprécie sur la durée, pour son homogénéité et son sens des atmosphères. D'autres diront qu'il n'est juste pas très bon. Je me trouve un peu entre les deux.
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- A écouter : He's a DeepDeep Lake (mp3)
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Calexico - Garden Ruin (City Slang)
Parfois, les triomphes passés d'un groupe peuvent devenir un handicap presque insurmontable. Lorsque, à la fin des années 90, ils ont mis au point la formule hispanisante "cuivres et mariachis" en grande partie responsable de leur succès public et critique, ils ne pensaient sans doute pas qu'ils auraient autant de mal à s'en défaire. Tout ce qu'ils ont fait depuis a en effet été jugé à l'aune (par exemple) de leurs épiques versions live de The Crystal Frontier. De peur sans doute de s'enferrer dans un carcan contraignant, le Calexico nouveau a presque entièrement tourné le dos aux sonorités hispanisantes et l'ambiance générale de ce nouvel album est nettement plus introspective que festive. Joey Burns et John Convertino vont ici plutôt creuser du côté de la pop à l'ancienne (difficile par exemple de ne pas voir dans les choeurs de Letter to Bowie Knife une forme de pastiche des Beatles), de la country et de l'americana, tous points de référence qui ont toujours existé dans la musique de Calexico mais ont été un temps occultés par les trompettes et les chapeaux mexicains. En conséquence, c'est un album moins euphorisant que The Black Light. Il donne moins envie de frapper dans les mains en souriant, debout dans la fosse en regardant le trompettiste sous son grand chapeau, que de battre la pulsation avec sa cheville en sirotant un verre de porto, assis dans un canapé après une journée de travail . La musique de Calexico a toujours été d'un goût exquis, avec des arrangements élégants et sans aucun tape-à-l'oeil. Cette élégance innée leur permet à présent de vieillir avec dignité, en produisant une musique qui correspond à leur âge, et à l'âge moyen de leur public (la bonne trentaine si j'en crois le dernier concert auquel j'ai assisté). Cette option "musique pour adultes" les éloigne sans doute de ma bien-aimée "pop music" mais cela ne veut pas dire que l'album est ennuyeux. Il recèle même au moins trois grands morceaux. Le sus-nommé Letter to Bowie Knife, le vaguement flamenco Roka et surtout Nom de Plume, où Joey Burns chante en français une sombre histoire de corbeau tueur et qui me rappelle, sans que je sache trop pourquoi, la version du Chant du Partisan par 16-Horsepower et Bertrand Cantat. (en fait, en y repensant, j'ai aimé un nombre effarant d'albums pour vieux cette année.... ça fait peur.. Vite, un Lil' Chris !)
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