Woven Hand - Mosaic (Glitterhouse)
J'aime beaucoup Sixteen-Horsepower et Woven Hand, en grande partie à cause de la voix de prêcheur exalté de David Eugene Edwards. Pourtant, si on excepte For Heaven's Sake (sur le deuxième album de 16HP, si je ne m'abuse), je serais incapable de vous citer de mémoire le moindre titre de chansons ou de vous chantonner la moindre de leurs mélodies. Je prends en effet leurs albums non pas comme des collections de chansons mais comme un moyen de me plonger dans un univers où rock mystique, country crépusculaire et folk gothique dansent le sabbat au clair de lune de Salem (ooh le joli cliché). C'est devenu un cliché (bah, tant que je m'en rends compte...) mais la musique de David Eugene Edwards est réellement hantée par quelque chose qui semble le dépasser. S'il était né dans l'Antiquité, il serait sans doute parvenu à fidéliser des disciples et à créer une religion. Etant un musicien rock né au XXème siècle, ses disciples sont des fans devant lesquels il se contente de chanter, ce qui est sans doute sur le long terme moins dangereux. Cela faisait en tout cas longtemps qu'un disque de DEE ne m'avait pas autant touché. Aux habituels guitares, banjo et percussion, s'ajoute ici un orgue particulièrement inspiré et qui apporte un supplément de gravité à une musique qui était pourtant déjà au départ assez peu guillerette. De nouveau, il m'est difficile de mettre en exergue un morceau plutôt qu'un autre. Les "Alleluia" dévastateurs de Winter Shaker, le minimalisme oppressant de Elktooth et Dirty Blue sont d'évidents sommets mais ils ne prennent tout leur sens qu'intégrés dans l'ensemble de l'album.
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- A écouter : Winter Shaker (mp3)
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Micah P. Hinson - Micah P. Hinson and the Opera Circuit (Sketchbook)
Il n'a pas manqué grand chose au premier album du Texan, Micah P. Hinson and The Gospel of Progress, pour se retrouver en tête de mon classement de 2004 : sortir quelques mois plus tard aurait sans doute suffi. Comme souvent, ce qui m'avait tout d'abord attiré était sa voix, à la fois rauque et timbrée, qui ne ressemblait à rien de ce que j'avais pu entendre auparavant (et, en y réfléchissant, à rien de ce que j'ai entendu depuis). Le premier album bénéficiait en plus d'une impressionnante collection de chansons où la subtilité des arrangements n'empêchait pas les mélodies de s'incruster durablement dans l'esprit. Pour un premier album, il s'agissait indéniablement pour moi d'un coup de maître. Depuis, Micah P. Hinson s'était fait discret, se contentant de sortir l'année dernière un plaisant EP intitulé The Baby and the Satellite. J'attendais ce deuxième véritable album avec impatience et ai été un peu déçu. La voix est toujours aussi belle, les arrangements toujours aussi luxuriants (d'autant que Micah P. Hinson s'entoure ici de 13 musiciens) mais les chansons sont à mon avis plus quelconques. L'album distille une country-folk acoustique élégante mais n'agrippe jamais vraiment l'attention de l'auditeur, bercé par une succession de chansons sans surprises. Même les instants de rage qui surgissent une fois ou deux sur l'album (You're only lonely par exemple) semblent être dans l'ordre des choses et font à peine dresser l'oreille. Si je veux pouvoir apprécier ses chansons, j'ai donc besoin de les écouter individuellement, en-dehors du contexte de l'album. She Don't Own Me ou Little Boys Dream, par exemple, font indéniablement leur petit effet si un shuffle malicieux les place entre deux morceaux d'electro-pop, de rock ou de death-metal mais redeviennent malheureusement assez quelconques une fois que la surprise du contraste disparaît et qu'on les replace au coeur de l'album. C'est un bel exemple de ce que j'appelle le songwriting "filandreux". Bien que ce soit un terme que j'emploie régulièrement, je n'ai jamais très bien su expliciter ce qu'il signifiait pour moi. Si je devais m'y risquer, je dirais qu'elle m'évoque une soupe au potiron chaude à laquelle on a ajouté de l'emmenthal rapé, qui a fondu. Les amateurs de soupe au potiron (ou à l'oignon) savent sans doute que l'on peut alors se retrouver à enrouler autour de sa fourchette d'interminables fils de fromage, de plus en plus fins qui semblent ne jamais devoir épuiser la masse gélatineuse de fromage fondu qui flotte au milieu de l'assiette. Une musique filandreuse, c'est pour moi un peu la même chose : une musique sans structure, qui dure mais ne donne jamais l'impression de progresser vers quoi que ce soit. Cela dit, je reste confiant pour l'avenir de la carrière de Micah P. Hinson et son concert de la semaine dernière au Botanique semble me donner raison.
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- A écouter : She don't own me (mp3)
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Mates of State - Bring it back (Barsuk Records)
Même si je n'ai pas la moindre idée de la note que Pitchfork a donné à cet album (après vérification, ce serait un 7.8), les relais qui ont porté le nom de ce groupe à mes oreilles sont en gros les mêmes que ceux qui m'ont fait prendre conscience de Arcade Fire, Clap Your Hands Say Yeah!, Love Is All et les autres. Je m'attendais donc à une sorte d'indie-pop vaguement prétentieuse et inutilement compliquée. J'avais tout faux. Il s'agit d'un des disques les plus immédiatement accrocheurs de l'année (et, après avoir écrit plus de la moitié de mes chroniques de l'année, je dois bien me rendre compte que c'est essentiellement ce que je recherchais en 2006, sans doute plus encore que les autres années). Le premier nom qui me vient en tête en écoutant ce disque est celui des Catchers. La manière dont les voix de Kori Gardner et Jason Hammel se croisent et se répondent me rappellent les meilleurs moments de Mute. C'est particulièrement flagrant sur Think Long, Nature in the wreck et So Many Ways. Si elle est indéniablement pop (deux écoutes de l'album et vous vous retrouverez à en chantonner des mélodies sous votre douche), la musique de Mates of State n'est pas lisse ou cliniquement produite. Les instrumentations sont le plus souvent assez simples et le son parfois presque crade (sur For The Actor par exemple). C'est sans doute cette indécision, cet entre-deux qui fait que le disque peut plaire aussi bien aux fans de pop commerciale qu'à ceux d'indie-rock Pitchforkesque, même si sans doute pas aux plus jusqu'au-boutistes de ces deux catégories. Cela dit, n'ayant jamais bien compris les critères d'appréciation des ayatollahs de l'indie-police, je peux aussi tout à fait me tromper. C'est toute la beauté de l'exercice de la chronique subjective. Chacun déblatère des kilomètres de bêtises sur ce qu'il ressent. Toutes les bêtises ainsi déblatérées se contredisent et expriment des opinions irréconciliables. Pourtant, il semblerait que de plus en plus de gens en lisent et en écrivent, espérant confusément, contre toute raison, dénicher une vérité absolue qui s'importait à tous (mais non, je ne suis pas terrassé par l'inanité de mon entreprise... ou si peu !)
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- A écouter : So Many Ways (mp3)
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3 commentaires:
C'est vrai que le titre Micah P est discret, qu'il exige qu'on tende un peu l'oreille mais je trouve que ce morceau que je connaissais pas est vraiment juste et profond. Micah ne triche pas et ça s'entend immédiatement. Ce type a le "duende".
Il faut que j'en écoute d'autres...
Si tu as la possibilité, commence plutôt par le premier album. Il est, de l'avis général, assez nettement meilleur.
Je vais suivre ton conseil, même si j'ignore encore comment je vais me procurer ce disque.
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