Comme il s'agissait de mon premier concert au Beursschouwburg, je voulais juste dire, en guise de prambule, que la beauté du bâtiment (même si la salle de concert proprement dite est assez quelconque) m'a plongé dans une réelle perplexité face à l'avenir institutionnel de la Belgique.
Des deux musiciens à l'affiche du concert, je ne connaissais que le premier, Ryan Teague, dont j'ai dit beaucoup de bien du EP Six Preludes il y a un an et dont j'ai par ailleurs évoqué le nouvel album il y a à peine une semaine. J'étais curieux de voir comment la musique très écrite du bonhomme allait pouvoir être rendue live et j'avais à dire vrai un peu peur de voir arriver sur scène un type tout seul avec un laptop qui se serait contenté de remixer en direct les différents morceaux de l'album. J'avais tort d'être inquiet car ce sont quatre personnes qui, peu après 20h30, monte sur scène. Il apparaît assez vite que les trois instrumentistes présents sur scène ont tous reçu une solide formation classique (ils ont d'ailleurs tous une partition devant les yeux). Le percussioniste joue d'un xylophone d'orchestre avec quatre maïoches (là où la plupart des amateurs n'en utilisent que deux) et la harpiste tire tous les partis de sa harpe à pédales, ce qui permet notamment au spectateur de déduire des changements constants d'altération des notes que la musique écrite par Ryan Teague est harmoniquement assez complexe. A côté de ces deux beaux instruments d'orchestre, la monstruosité électrico-design utilisée par la violoncelliste fait un peu désordre (j'ai toujours trouvé que le violon(celle) électrique, avec ses formes futuristes, était un instrument grotesque). A gauche de la scène, Ryan Teague, un vague air de Jarvis Cocker malgré une frange trop longue, joue les chefs d'orchestre derrière son laptop.
Musicalement, le concert est nettement plus proche de son premier EP que du récent album. Tous les morceaux (sauf un) sont construits de la même manière : les instruments y brodent autour des rythmiques du laptop des enluminures qui apparaissent d'emblée assez complexes. En effet, la musique de Ryan Teague n'est jamais évidente, souvent inattendue et demande une attention soutenue de l'auditeur car les voix de chaque instrument y sont d'importance égale. On n'y trouve pas, comme dans 95% des musiques dont je parle ici, de soliste que les autres musiciens se contenteraient d'accompagner discrètement. Non, je dirais même que ça contrepointe allègrement dans tous les sens. Bien que la plupart des morceaux ont une fâcheuse tendance à se ressembler, cette complexité de bon aloi et l'incongruité de cet assemblage disparate d'instruments (harpe, violoncelle et xylophone, ça ne s'entend quand même pas tous les jours, surtout dans une salle de concert rock) intriguent et les spectateurs, debouts ou assis par terre, ont écouté dans un silence quasi-religieux la cinquantaine de minutes du concert. Bizarrement, le morceau le plus applaudi est celui où Ryan Teague va faire un tour en coulisses, tandis que les trois musiciens se lancent dans un morceau de 6-7 minutes dont les sonorités médiévales sont assez bluffantes.
Je pressentais déjà en écoutant ses disques que Ryan Teague était une personnalité à suivre. Cette soirée me l'a confirmé. Dommage que je ne sois pas équipé pour enregistrer les concerts auxquels j'assiste car, contrairement à la plupart des concerts que j'ai vus depuis un an, j'aurais été curieux de réécouter celui-ci à tête reposée.
Après une petite demi-heure de pause, le Mexicain Murcof fait son apparition. La scène étant surélevée, le public, en majorité assis ou couché, le voit avec un curieux effet de contre-plongée. Etant donné que son visage est éclairé du dessous par l'écran de son laptop et qu'en plus les fumigènes qui envahissent la scène reflètent les éclairages bleus et rouges des projecteurs comme du brouillard, le concert prend parfois des allures d'apparition satanique. Le bouc et la calvitie de Murcof n'arrangent rien. Je ne connaissais absolument rien de sa musique avant de le voir ce samedi mais il semblerait finalement que ce ne soit pas très grave car ceux qui connaissent ses travaux précédents étaient tous d'accord pour dire que ce qu'il nous a livré durant une petite heure n'avait que peu de rapports avec ses oeuvres précédentes. Tout ce que je peux dire, à titre personnel, c'est que j'ai beaucoup aimé. L'utilisation de samples d'instruments traditionnels (de l'orgue notamment) apportait une véritable dimension dramatique à son mélange de techno minimale (les rythmiques utilisées, souvent très discrètes, m'ont fait penser aux premiers travaux de Pan Sonic) et d'ambient-drone. Passant sans heurts d'une atmosphère contemplative à des passages presque dansants, il a livré un set qui me donne très envie d'en savoir un peu plus sur son oeuvre, et surtout sur l'album qui est censé sortir dans quelques semaines (sur Leaf, si j'ai tout bien compris).
Excellente soirée donc, même si pas assez bonne pour me donner le courage de revenir au même endroit le lendemain pour les concerts de Plaid et Ratatat.
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