mardi, août 31

C'est du lourd, du très lourd.

Je ne me rappelle plus quel était précisément le disque de Sunn O))) que j'avais écouté il y a quelques mois. En revanche, je me souviens très bien que, même à un volume raisonnable, il provoqua en moi un vague sentiment de nausée et fit trembler sur ses bases tout mon meuble hi-fi, à tel point que je devais sans cesse faire pause et diminuer le volume pour garantir son intégrité physique. J'avais donc rapidement rangé le groupe dans la catégorie "Musique à écouter lorsque l'on veut faire s'écrouler sa maison pour toucher l'assurance" et n'y avais plus guère pensé.

Lorsque leur nouvel album White 2 est sorti il y a quelques semaines, quelques échos favorables et deux bonnes chroniques dans la presse m'ont donné envie de m'y replonger et bien m'en prit puisque j'aime beaucoup. Comme pour Pan Sonic, je ne suis pas sûr de comprendre exactement pourquoi ces trois morceaux me plaisent, mais sans doute la raison est à trouver dans le ballet de goules et de momies pourrissantes qu'ils m'évoquent.

La première plage (Hell-0)))-Ween) est une lente suite d'accords graves, régulièrement répétés avec cet effet à la guitare (ou à la basse) qui fait que les notes durent des plombes*. On pense bizarrement un peu au début du premier mouvement de la 3ème Symphonie de Gorecki et à ces voix de contrebasses qui se répondent, mais on imagine surtout le groupe en train de jouer plongé dans un bain de mercure liquide. Chaque note semble enfantée dans le douleur, le fruit d'un effort contre-nature et on les écoute avec une fascination sadique et un peu morbide.

Dans le second (bassAliens), retentit à intervalles réguliers une note claire à la guitare, qui n'est pas sans évoquer le son du tocsin le jour du Jugement Dernier. Pour le reste, on retrouve les tremblements de basses qui avaient déjà causé tellement de torts à mes étagères, des parasites radio, quelques larsens parcimonieux et une bonne dose de bruits en -ments : deux-trois froissements indistincts, des sifflements, une poignée de crissements, des bruissements indéfinissables, des feulements étouffés.... Le tout pendant 20 minutes. La fin du morceau quant à elle n'évoque rien tant que le bruit que produirait un chat affamé enfermé après avoir reçu une injection de caféine dans une caisse opaque sur laquelle on aurait collé un micro.

Le troisième morceau (Decay2 Nihil's Maw) est essentiellement la bande-son d'un film d'horreur. Le vent souffle, de vagues mugissements évoquent des spectres décharnés vous fixant de leurs orbites désertes et agitant devant votre visage leurs doigts squelettiques et griffus. On croit au début deviner quelques hurlements étouffés extraits de gosiers que Lovecraft n'hésiterait sûrement pas à qualifier de sous-humains, mais peut-être s'agit-il d'hallucinations. Des bruits sourds de résonance métallique rappellent ceux accompagnant la téléportation dans les mauvais films de science-fiction. Vers le milieu du morceau apparaissent des voix indéniablement humaines, graves et détimbrées qui évoquent indifféremment les incantations psalmodiées lors des cultes sataniques dans les films de série Z et la scène de l'orgie dans Eyes Wide Shut (mais c'est un peu la même chose). Le NME, jamais avare d'informations, nous apprend qu'il s'agit de la voix de Attila Csihar, une légende du death-metal hongrois, chantant des textes en ancien Sanskrit, ce qui est tout de même plus rock'n'roll que la voix d'Adamo, le légendaire crooner belgo-italien, chantant Tombe la neige en japonais.

Un disque idéal pour les gueules de bois, en somme. Le terme proposé par allmusic pour définir leur musique est finalement assez juste (ambient doom drone). Leurs concerts ont tout l'air d'être apocalyptiques, et vraisemblablement criminels pour les tympans.

*J'ai voulu me renseigner pour trouver le terme technique qui correspond et ainsi passer pour un abonné à Guitar-Mag mais on m'a répondu que c'est un effet qui pouvait être obtenu par une basse avec de la grosse distorsion (fuzz), un compresseur réglé en mode sustainer ou un e-bow... J'ai renoncé.

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