Je parlais il y a peu de ces groupes qui viennent brouiller la ligne de démarcation imaginaire que je trace entre les groupes anglais et les groupes américains. Et bien, un nouveau nom est venu faire bien plus que simplement l'envelopper d'un brouillard indistinct, il l'a annihilée, en a rendu le concept même aussi vide de sens que des textes de Duran Duran. Et oui ! A l'encontre de toutes les lois régissant l'univers, les Sparks, les auteurs de "When do I get to sing My Way?" sont américains. Certes, à leurs débuts, leur glam-prog-pop (This town ain't big enough...) était moins situable géographiquement, mais leur virage pop synthétique dans les années 90 les avaient pour moi rendus aussi anglais que les trains en retard, le boeuf bouilli à la menthe et le porridge à la marmite. Et bien non, ils sont Californiens.. comme les Red Hot. Dingue. J'en suis encore tout ruisselant de stupéfaction (quoique la chaleur n'y est peut-être pas pour rien).
L'occasion de cette révélation fut leur dernier album, Lil' Beethoven (2002), dont j'avais déjà entendu quelques bribes par des moyens que l'amoral approuve, mais que je n'ai écouté en entier que hier. Tellement enthousiasmé je fus que toute la soirée en boucle il tourna. Si l'expression n'était pas une terme déposé, je dirais qu'il s'agit du disque le plus vavavoum qu'il m'ait été donné d'entendre. Il en devient même difficile à décrire. Il est finalement assez court, une quarantaine de minutes, mais tellement immense dans son ambition qu'il parait en fait beaucoup plus long. Les morceaux sont complexes et se déploient progressivement jusqu'à exploser dans un maelstrom étourdissant de choeurs qui se répondent et de mélodies qui s'emboîtent. Pourtant, à aucun moment on a l'impression qu'ils en font trop. Ca ne vire jamais dans le symphonique prétentieux, sans doute parce que le tout sonne incroyablement ludique. Dans les titres des morceaux ("How do I get to Carnegie Hall?", "Your call is very important to us. Please hold.", "Ugly guys with beautiful girls" ou le formidable "What are all those bands so angry about?"). Dans les textes ensuite qui, bien que tous basés sur la répétition de quelques phrases, sont consciencieusement retranscrits dans le livret.
Je défie quiconque d'écouter "Ugly guys with beautiful girls" sans sauter tout partout comme un chimpanzé sous acide en arborant le sourire béat du pyromane en villégiature estivale dans le Var. Quand je pense que certains se sont excités comme des malades sur des groupes qui tentaient, à peu près en même temps, d'atteindre le même résultat sans y parvenir (Electric Six par exemple), je me gondole comme un store vénitien.
En tout état de cause, j'ai un nouveau groupe culte. Et bonheur ultime, un vieux groupe culte. J'ai toujours été assez content de ne pas être un adepte du vieux rock qui tache, pourtant il y a un truc que je leur ai toujours envié. Lorsqu'ils découvrent un nouveau groupe, il peuvent parfois se retrouver face à 15 albums inconnus, à chercher dans les brocantes ou sur le Net. A chaque nouvelle révélation, une oeuvre complètement formée, toute auréolée de son caractère définitif, s'ouvre à eux, continent mystérieux à explorer. Sauf exception, le genre de musiques que j'aime ne me procure pas ces joies. Ici, trente ans de musique s'offrent à moi. Je pense que je vais commencer par le plus récent et leur période : "Et si on faisait du Pet Shop Boys". Ca me parait être un bon début.
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