mercredi, janvier 31

Les albums de 2006 (XI)

Sans doute les notules les plus "nudge nudge wink wink" de la série.. désolé.

Espers - Espers II (Wichita)
Quel étrange disque. Il débute par Dead Queen, qui paraît de prime abord être un sublime morceau de folk contemplatif. La voix y fait furieusement penser à l'Elizabeth Fraser de Milk & Kisses (pas la meilleure période, mais bon...et oui, je sais que je compare un disque sur deux aux Cocteau Twins). Cruel Storm est une autre chanson folk de la même veine, quoique je pense plus en l'écoutant à Marissa Nadler (dont le prochain album est d'ailleurs produit par Greg Weeks, lui-même chanteur, et producteur de cet album...tout est dans tout, c'est formidable quand on y pense... quasi cosmique même). Pourtant, il ne s'agit clairement pas d'un disque folk classique, ne serait-ce que parce que la durée moyenne des morceaux est de plus de sept minutes. Il s'agirait en fait plutôt d'une sorte de post-folk (au sens de ce que le post-rock est au rock), à moins que ce ne soit du post-prog (au sens de ce que le... blah blah blah). Pour être plus explicite (parce que bon, les étiquettes, c'est joli, surtout sur les pots de confiture, mais il faut bien reconnaître que, si on exclut les encres phosphorescentes, ça n'est pas forcément très éclairant), cela signifie que, dans presque chaque morceau, passé la barre des 4-5 minutes, le chant disparaît et les motifs de violon ou de guitare commencent à être noyés dans d'inquiétants drones dissonants. En auditeur de mon époque, où le recyclage et l'hybridation sont devenus les symptômes d'un post-modernisme triomphant, je n'ai rien contre le mélange des genres mais, sur ce cas précis, je ne suis pas sûr d'y trouver mon compte. Si les chansons avaient été plus courtes, plus resserrées sur la voix de la chanteuse, les mélodies bucoliques et tout l'attirail néo-country-folk de Marissa, Paula et les autres, j'aurais sans doute eu là un de mes (mini-)albums de l'année. En l'état, j'ai l'impression que le disque est le compte-rendu de la bataille sans vainqueur qu'ont livrée en studio les deux facettes d'un groupe schizophrène. A entendre les interminables et assez pénibles fins de Dead King et Children of stone, je dois pourtant bien avouer que j'aurais sans doute préféré que le Dr Jekyll de la folk bucolique ait forcé le Mr Hyde du post-rock dissonant à rendre les armes.
- Liens : Site officiel
- A écouter : Dead Queen (mp3)
- Acheter

Jamelia - Walk With Me (Parlophone)
La caractéristique du r'n'b américain qui me rebute le plus est sans aucun doute l'omniprésence de ces vocalises interminables qui brisent les lignes mélodiques, diluent le discours et semblent n'être là que pour impressionner les électeurs de l'académie des Grammies. Beyoncé, Mariah Carey, Usher, Boyz II Men, Whitney Houston, etc.. Peu de grandes stars du genre échappe à cette malédiction (Mary G. Blige peut-être, ou en tout cas le peu que j'en connais). C'est pourquoi, quitte à mettre une nouvelle fois en évidence le caractère pathologique de mon anglophilie, la musique de Jamelia me convient parfaitement. Bien que comportant d'indéniables accents r'n'b, elle ne sacrifie jamais la mélodie, la limpidité des compositions à des exhibitions gratuites de technique vocale. Cela étant dit, il ne s'agit pas d'un album parfait. Ainsi, je n'ai jamais vraiment pu réellement apprécier un morceau trop ouvertement construit autour d'un sample connu. No More par exemple, parvient à totalement annihiler la légèreté syncopée de l'intro au clavecin de Golden Brown (The Stranglers) sous un empilement de choeurs qui devient rapidement assez crispant. Beware of the dog, qui reprend le riff de guitare de Personal Jesus (Depeche Mode), me semble nettement plus réussi, sans doute parce que la chanson construite sur les fondations de Martin Gore est d'un genre assez proche à l'original. Les deux autres chansons de l'album que j'aime particulièrement sont le premier single Something About You et Do Me Right dont les sonorités indiennes sont dans la droite lignée de Truth Hurts par exemple. Pour le reste, il s'agit d'un solide album de pop-soul, qui correspond assez précisément à ce que je recherche dans le genre et dans lequel aucune chanson (à part No More peut-être) ne me semble ratée. C'est déjà pas mal.
- Liens : Site officiel
- A écouter : Do Me Right (mp3), Something About You (video), Beware of the Dog (video)
- Acheter

The Knife - Silent Shout (Rabid Records/Cooperative)
Il existe pour moi un petit mystère autour de ce disque. Pourquoi a-t-il reçu ces critiques élogieuses un peu partout, et surtout dans des médias a priori peu friands d'electro-pop de dancefloor ? Ca a commencé par une critique dithyrambique dans les Inrocks qui disait en gros que Silent Shout était un grand disque parce qu'il était plus sombre et moins "bêtement pop" que le précédent (en grande partie sans doute à cause de la couleur de la pochette..les couleurs vives de Deep Cuts ne devaient pas faire assez sérieux). A mes oreilles, le disque était plutôt une déception et cet enthousiasme semblait n'être qu'une tentative de rattrapage, une envie de faire rentrer (un album trop tard) The Knife dans le giron des groupes "révélés en France par les Inrocks". Cette explication m'aurait parfaitement convaincu si le disque n'était pas également devenu la coqueluche des mp3-blogs américains, allant jusqu'à être sacré album de l'année par les grands Mandaroms de Pitchfork. Ne comprenant pas cet enthousiasme excessif et ayant toujours eu une fâcheuse tendance à ramer à contre-courant, je me sentais investi du devoir de ramener cet album à sa juste place (un honnête disque d'électro-pop biscornue, qui se laisse régulièrement tenter par les sonorités tubesques de la trance pouet-pouet). J'ai pourtant changé d'avis en lisant sur un célèbre audioblog francophone que ce disque n'était qu'un "sympathique album de remixes de Kate Bush par Jean-Michel Jarre" et qu'il symbolisait à lui seul l'indigence de la musique sortie en 2006. Le statut de l'électro-pop en France est en fin de compte encore fragile et peut-être devrais-je finalement arrêter de me focaliser sur le fait que cet album est moins bon que le précédent et me réjouir de voir Olof et Karin récolter le succès qu'ils mériaitent il y a deux ans. Après tout, si des gens veulent voir dans un album moins varié un album plus homogène ou dans des chansons moins brillantes la marque d'une sensibilité plus sombre et adulte, qui suis-je pour les en dissuader ? Et puis, il faut bien reconnaître que Marble House (avec la voix de Jay-Jay Johanson) est assez épatant.
- Liens : Site officiel
- A écouter : Marble House (mp3), Silent Shout (video)
- Acheter

3 commentaires:

Anonyme a dit…

...Il me semble avoir été plus nuancé dans mon propos. D'ailleurs ni l'adjectif "sympathique" ni la référence à Kate Bush n'étaient pour moi péjoratives.

Anonyme a dit…

tu n'es jamais fatigué toi... je t'admire... quelle discipline... agréable a lire.
jerome
http://vox.skynetblogs.be

Pierre a dit…

Allons, bon, si j'avais su que tu me lisais en détail, j'aurais été encore plus oblique dans ma description. :) En fait, je voulais dire ceci. Si Pitchfork avait mis en numéro 1 un disque de folk ou d'indie rock, il me semble que tu n'aurais pas eu la même réaction, même si c'était un album que tu trouvais médiocre.

(cela dit, je me trompe peut-être complètement. Si c'est le cas, je m'en excuse)

Sinon, je suis surpris de voir, Jérôme, que tu me lis toujours, j'étais persuadé que tu avais arrêté. :)

Quant à l'auto-discipline, c'est vrai qu'il y a un peu de ça, mais j'aime bien me forcer à réécouter tous mes albums de l'année avec quelques mois de recul, histoire d'être sûr de ne pas être passé à côté d'un disque trop vite rangé et que je pourrais pourtant finir par adorer. L'écriture de chroniques est juste le prétexte.