Il est peu de choses plus désagréables que d'avoir une air en tête et de ne plus pouvoir lui associer un titre ou un interprète. Je me rappelle avoir passé, durant mon adolescence, des heures entières à me creuser les méninges et à chantonner sans relâche des lambeaux de mélodies en espérant qu'un jour, ma mémoire se débloque et me permette d'enchaîner sur la suite du morceau. Une autre solution était de tanner sans relâche mes proches pour qu'ils me délivrent de mon tourment. Ca donnait quelque chose du genre (imaginez une voix geignarde d'enfant boudeur) : "Mais si ! Une chanson qui fait 'Over and over again', assez lent et dramatique, puis une dernière phrase plus rapide qui finit par 'you' et après il y avait un solo de guitare. C'est une femme qui chante. J'suis sûûûûr que vous connaisseeez..." Vous imaginez le calvaire que ma famille a dû subir. Et encore, le multimédia en étant toujours, quoi qu'on en dise, à ses balbutiements, vous échappez ici à mes tentatives de reproduire la mélodie. La frustration était évidemment d'autant plus grande que j'étais persuadé que tout le monde connaissait cette chanson par coeur et qu'on me laissait mariner dans mon ignorance par pure méchanceté, comme pour dire "Tu chantes tellement faux. Comment veux-tu que l'on reconnaisse ?"
Cette question m'a obsédé pendant plusieurs mois jusqu'à ce qu'un jour, je réentende la chanson à la radio. Louée soit Chérie FM (quoiqu'elle n'a sans doute fait là que réparer le préjudice qu'elle m'avait d'abord fait subir en me fourrant la chanson en tête)*.
Jusqu'au milieu des années 90 et la généralisation d'Internet, même la connaissance partielle des paroles était souvent insuffisante pour retrouver l'interprète. C'est ainsi qu'une autre de ces chansons insaisissables qui ont pourri mon adolescence répondait en gros à ce signalement : "Oooh oooh ooh *bang* Oooh oooh ooh *bang* Ooooh oooh oooh oooh oooh oooh You take my self control... In the night...Ooooh ooh ooh *bang*" Ce n'est donc que quelques années plus tard qu'Internet me permit de retrouver le sommeil et de mettre un nom sur la chanson : Laura Branigan - Self Control.
Vous comprendrez qu'après tant de mois et d'années à conserver ce fragment de mélodie en moi, précieusement de peur qu'il ne s'efface avant d'avoir livré ses secrets, à le contempler sous toutes ces facettes comme un diamant rare, j'aie développé une relation un peu privilégiée avec le morceau, qui n'est pourtant pas ce que les années 80 ont livré de plus excitant. C'est donc avec une certaine tristesse que j'ai appris que Laura Branigan était morte il y a quelques jours d'une rupture d'anévrisme. Elle avait 47 ans. Par pudeur, je ne commenterai pas le caractère déplacé du petit drapeau américain que l'on trouve sur son site, et méditerai à la place ceci.
Merci au forum Popjustice pour l'info et le titre du billet.
* Si ça vous intéresse, la chanson en question était Woman in love de Barbra Streisand. Oui, je sais....
4 commentaires:
Minuscule rectificatif : c'est Barbra Streisand..
Très bon blog!
Cc
Ah ben ça ! Barbra. Il y en a d'autres, des Barbra, ou bien c'est la seule ? Je savais que Barbara se prononçait à peu près Barbra en anglais, mais je ne pensais pas qu'ils en avaient extrapolé un nouveau prénom.
Merci pour l'info et les encouragements. Je vais corriger de ce pas.
En fait c'est Streisand elle-même qui a décidé de changer son prénom à ses débuts.
Quant aux autres Barbras? A mon avis, filles de fans...
Cc
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