Une drôle d'ambiance règne sur Bruxelles depuis deux jours et les 10 minutes de marche entre la Gare du Nord et l'Ancienne Belgique ont été en partie effectuées le long de barrières de fils de fers barbelés pour cause de visite de Bush à Bruxelles. Les voitures de police étaient omniprésentes aux alentours du Sheraton où la délégation américaine est censée résider et je me suis même surpris à zyeuter d'un air curieux les toits aux alentours pour tenter de débusquer des tireurs d'élite.
Qu'allaient faire les Mormons de Low de cette visite ? L'ignorer ou la commenter ? Pouvait-on naïvement penser qu'ils seraient aussi farouchement anti-Bush que la plupart de leurs fans européens ou bien allaient-ils se révéler pro-républicains ? Ces questions furent âprement débattues avant le concert et, malheureusement, le groupe n'y apportera guère de réponses, si ce n'est une étonnante fixation sur Bruxelles qu'Alan présentera à trois reprises comme "a very powerful city" (sans doute après avoir appris qu'elle est à la fois le siège de l'Union Européenne et de l'OTAN) et un curieux conseil : "Hide your comic books before Bush steal them all. We don't have those in the USA."
Un mot tout d'abord sur la première partie : Kid Dakota, groupe formé de deux amis de Low et venant aussi du Minnesota : un chanteur-guitariste (très propre sur lui avec une tête d'étudiant en sciences sociales) et un batteur (veston et cheveux mi-longs). Le principal attrait de leur set était sans doute ce dernier qui, bien que parfaitement en rythme et dans l'esprit des chansons, donnait par sa gestuelle l'impression de faire n'importe quoi (la bouteille de vin qu'il a descendue en deux gorgées sur scène y a sans doute contribué). Son insistance à changer de cymbales entre chaque morceau a aussi beaucoup fait rire. Sinon, musicalement, il n'y a malheureusement pas grand-chose à dire. Le chanteur a une de ces voix peu assurées qui sont le triste lot de tant de groupes indés. Les mélodies sont aussi trop génériques pour convaincre complètement, mais comme ça n'a duré que 40 minutes, on ne va pas les accabler, d'autant que Zak et Alan sont venus donner un petit coup de main sur le dernier morceau et ainsi extraire le groupe du minimalisme mal assumé du reste du set.
Après un court entracte, Low monte sur scène, au sens littéral du terme puisque, après les avoir vus deux (ou trois) fois sur une scène de plain-pied, j'ai dû me résoudre pour la première fois à lever les yeux pour les apercevoir. Je suppose que c'est une étape obligée pour tous les groupes dont le public ne cesse de croître et Alan lui-même s'en amuse puisqu'il dira pour rompre le silence pendant qu'il réaccorde sa guitare : "Pretty soon we'll have people tuning our guitars you know."
Cette course effrénée vers la gloire et le gigantisme des stades a connu cette année une nouvelle étape avec la sortie de The Great Destroyer, produit par Dave Fridmann. Certains y voient leur meilleur album, d'autres au contraire crient presque à la trahison (comme Libération par exemple) et ajoutent, le coeur lourd, un nouveau nom à la liste des groupes indés vidés de leur substance par la production clinquante de Dave Fridmann (Mercury Rev, The Flaming Lips, Mogwai et, maintenant, Low). Personnellement, chaque nouvel album depuis Things we lost in fire m'apparaît durant les premières semaines comme le meilleur du groupe et celui-ci ne fait pas exception. Peut-être est-ce l'effet Fridmann mais je ne pense pas que Low ait jamais enregistré une chanson aussi rapide, et par conséquent aussi évidemment pop, que Monkey. On frôle les 110 bpm et la tachycardie guette. Certes, bien du chemin avait déjà été accompli entre le minimalisme léthargique de leur premier album I could live in hope et Trust, leur avant-dernier album en date, notamment en introduisant une production de plus en plus lourde et des guitares de plus en plus saturées, mais jamais ils n'avaient enregistré une chanson aussi accrocheuse que Monkey avec cette phrase 'Tonight the monkey dies' que l'on se surprend à chantonner des heures après l'avoir entendue.
Alors, trahison ou pas ? Peu importe. Le groupe a peut-être (ce n'est même pas sûr) perdu une partie de son originalité mais il l'a amplement compensée en efficacité (qui est, je le concède, un vilain mot pour certains). Je crois néanmoins que l'argument qui devrait primer sur tous les autres est la joie que le groupe semble prendre à jouer ses nouveaux morceaux sur scène. Bien que rien n'a fondamentalement changé dans la scénographie, il m'a semblé percevoir un état d'esprit nouveau. Alan n'a jamais aussi bien chanté, avec autant d'assurance, et jamais autant communiqué avec le public, avec notamment quelques louables tentatives en français ("Merci.", "L'acoustique, c'est fini."). Mieux, Zac a presque toujours fait face au public, sans lui tourner le dos de manière trop ostentatoire. Des trois musiciens, Mimi est sans doute celle qui est restée, dans l'esprit, la plus proche de son jeu de scène 'historique'. Elle est toujours debout, derrière ses deux tambours et ses deux cymbales qu'elle tapote légèrement au fouet ou avec des mailloches douces sans jamais remuer les coudes. Elle continue à chanter d'une voix frêle en se cachant derrière ses cheveux longs. Pourtant, même elle a laissé échapper quelques sourires, notamment quand Alan l'a présentée comme "my beautiful wife for 15 years". Loin de moi l'idée de dire que les précédents concerts de Low étaient tristes mais je ne crois pas les avoir jamais vus aussi radieux sur scène. Ca fait plaisir et tant pis si, pour cela, ils ont dû un peu modifier leur son. Peut-on honnêtement se dire fan d'un groupe si on ne souhaite pas que ses membres soient heureux de jouer leurs chansons ?
En résumé, un très bon concert d'un très bon groupe que je suis depuis 10 ans. Une confirmation bienvenue donc, mais pas franchement un scoop. La vraie révélation de la soirée fut le concert de Faun Fables qui suivit au Club. Je vous en recause demain.
Setlist :
?
Monkey
California
(That's how you sing) Amazing grace
Shame
Just stand back
Death of a salesman
Dragonflies (un inédit apparemment, voir le premier lien vidéo ci-dessous)
Walk into the sea
Pissing (dont le petit côté Avalyn ne m'avait pas autant frappé sur disque)
Everybody's song
Silver Rider
Laser Beam
Cue the strings
Sunflower
Violence
When I go deaf
Liens :
- Deux reportages vidéo sur Low, avec de larges extraits de concerts récents qui vous donneront une très bonne idée de ce que j'ai vu hier soir (ici et là)
- Le site officiel de Low
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