Vendredi soir, à l'Ancienne Belgique, la première partie du concert de Sunn 0))) (dont je reparle très bientôt) était assurée par un américain, John Wiese. Petit compte-rendu.
Bien sûr, intellectuellement parlant, je savais que ce genre de musique ("harsh, ear-shredding noise most human beings will recoil at" selon Allmusic) existait et que, parmi la multitude d'êtres humains qui peuplent cette Terre, on en trouve qui aiment faire du bruit avec des machines. Je savais même que certains pouvaient prendre du plaisir à écouter le résultat. Mieux, j'en connaissais quelques-uns. Je pourrais ainsi citer les noms d'au moins trois fans de Merzbow. (Bizarrement, aucun n'est sourd et plus de la moitié peuvent être qualifiés de raisonnablement équilibrés). Donc, je savais plus ou moins où je mettais les oreilles et n'ai pas été particulièrement surpris par ce que j'ai entendu durant le set. Pourtant, vu que c'était la première fois que j'étais directement confronté à ce genre de sons dans la durée, j'ai pu me rendre compte par moi-même de quoi il retournait et dépasser mes a priori.
Comment décrire en quelques mots ces 30 minutes de concert ? Imaginez un chimpanzé enfermé dans une pièce vide et à qui on ne donne pour jouer qu'un gros bouton coloré à tourner. Imaginez ensuite que ce bouton commande un tuner en ondes moyennes qui est relié à une sono surpuissante dans une autre pièce.... et que vous êtes enfermé dans l'autre pièce. Rajoutez ensuite des bruits d'avions au décollage, de marteaux-piqueurs et quelques larsens. Imaginez enfin que, presque inaudibles dans le vacarme ambiant, des basses surpuissantes déferlent comme une averse de grêle que votre thorax encaisse comme autant de coups de poing. Voilà. En gros, c'était ça. En moins mélodique. Pour vous donner une idée, le site de John Wiese propose des mp3 ici. Tacks est sans doute ce qui ressemble le plus à ce que j'ai entendu vendredi.
Le terme "coups de poing" est à peine une exagération. En effet, le fait le plus marquant de la soirée fut sans doute un volume sonore complètement démentiel (ce fut encore pire pour Sunn 0))). Pour tout dire, armé de mes bouchons comme d'un bouclier, je me sentais l'âme d'un aventurier à qui les progrès de la science ont permis d'explorer un milieu hostile jusque là inaccessible (le fond de la Fosse des Mariannes, le cratère d'un volcan en éruption, le centre de la Terre ou le coeur d'un réacteur nucléaire...ce genre de choses). Au premier rang, impassible face aux impitoyables assauts sonores venant des amplis qui me faisaient face, je contemplais avec amusement le grand ordonnateur de ce chaos absurde : malingre, une parfaite tête de nerd, barbe blonde fournie et de grandes lunettes. A le regarder ainsi tenter d'assommer les spectateurs à coups de décibels. Je me demandais quel traumatisme d'enfance avait bien pu pousser ce qui était sans doute une adorable bambin rieur à créer une musique aussi inhumaine. Aurait-il été humilié à l'école primaire par ses condisciples parce qu'il ne parvenait pas à chanter l'hymne national dans le ton ? Son père aurait-il abandonné sa mère à 5 ans pour refaire sa vie avec une prof de piano classique ? Qui sait.
A le voir pourtant, une chose est sûre. Il n'est pas là pour rigoler et tous ses gestes, quelque aléatoires qu'ils semblent être, sont effectués avec un sérieux papal. Debout derrière une table couverte de fils, de boîtiers colorés et d'un iMac, il tourne des boutons, joue avec sa souris et brandit devant son visage un fil électrique, tentant de dénicher l'interférence la plus destructrice ou le son le plus cataclysmique, comme un entomologiste chasse l'Apollon ou le Grand-Nacré avec un filet.
Tout tend vers un seul but : déstabiliser le spectateur en permanence et donner l'illusion que l'aléatoire règne en maître. Toute tentative de construction dans la durée serait en effet perçue comme une honteuse capitulation face aux diktats des musiques faciles, de celles qui trompent l'auditeur en le baignant dans un confort factice....et John ne mange pas de ce pain-là. De ce point de vue, je pense qu'il peut être satisfait de son concert. Sa réputation est sauve. A aucun moment, je n'ai eu l'impression d'assister à un DJ-set de David Guetta.
Cela dit, trente minutes de concert, ce n'est pas trop long et cela permet de se faire une assez bonne idée de ce que John Wiese tente de créer. D'ailleurs, je ne me suis pas ennuyé. Bien que je continue à penser que tout cela n'a pas grand intérêt, je suis finalement plutôt content d'avoir assisté à ce concert. Il faut vivre d'expériences et j'ai toujours eu envie de me frotter au moins une fois à tous les genres. D'ailleurs, peut-être irai-je un jour voir Cradle of Filth, Lorie ou André Rieu si l'occasion se présente.
1 commentaire:
ouh la. en effet, c'est du lourd. impressionnant.
ps: "Voilà. En gros, c'était ça. En moins mélodique."!!!
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