(le compte-rendu du premier jour est ici)
20h00 : Our brother the native
Je ne crois pas m'avancer en disant que les trois membres d'Our Brother the Native sont les benjamins du festival. Leur set donne d'ailleurs parfois une impression d'amateurisme, comme s'ils n'avaient pas encore formellement décidé comment devait sonner leur musique. Ils amorcent certains gestes puis se ravisent, se lançant souvent des regards perplexes, comme s'ils cherchaient à établir en direct une stratégie commune pour la suite de leur set. Bien que la musique de la plupart des groupes du festival semble laisser une large place à l'improvisation, c'est le seul concert au cours duquel cela semble se traduire par des hésitations, des interrogations. Certains y verront peut-être un défaut mais je crois que cette impression de recherche en direct explique au contraire que, de tous les concerts du festival, ce soit celui auquel je repense le plus souvent. A moins que ce ne soit à cause des vocalises effarouchées dont l'un des membres du groupe (Josh je suppose) parsème les morceaux, précieux fragments d'humanité qui évoque vaguement Cocorosie. Durant tout le concert, leur musique refuse soigneusement de choisir son camp entre l'electro-noise et une forme de post-rock à la guitare acoustique (post-folk ?). Sur le CD-r en vente après le concert, c'est pourtant clairement cette dernière tendance qui l'emporte. Je serais très curieux d'entendre à quoi ressemblera leur album, qui sortira dans les prochains mois sur Fat Cat. (images du concert et morceaux à écouter sur leur page Myspace)
20h50 : Max Richter
De même que je n'achète pour ainsi dire jamais un disque dont je ne sais rien sur la simple foi d'une pochette attractive ou d'un conseil amical, je n'ai pas pour habitude d'aller voir un festival dont l'affiche ne m'évoque absolument rien. J'ai besoin d'au moins un nom connu, comme appât. Ce concert de Max Richter était donc la principale raison de ma présence au festival. J'ai déjà parlé ici de son album The Blue Notebooks et je ne devrais a priori pas avoir grand-chose à ajouter vu que le concert m'a semblé n'être qu'une reconstitution consciencieuse de l'album. Le set durant 50 minutes et l'album à peine 40, on aurait légitimement pu espérer l'un ou l'autre inédit mais non, Max Richter a préféré consacrer les 10 minutes supplémentaires à la répétition de quelques thèmes clés. Ce ne serait pas gênant si ces redites, ainsi que le sérieux papal avec lequel les musiciens (une violoniste, un violoncelliste et MR au piano, synthés et laptop) jouent, n'avaient fini par ternir mon souvenir du disque. La musique de Max Richter, qui m'avait sur disque semblé ambitieuse et parfaitement maîtrisée, m'est ici apparue un peu simpliste, incorporant notamment des plagiats manifestes à Philip Glass (les passages au piano et à l'orgue évoquent respectivement Piano Solo et Koyaanisqatsi) et n'invoquant que des émotions superficielles. La violoniste abuse des longs coups d'archet pleins de pathos, qui ne mènent à rien, sinon au plaisir de voir une phrase musicale se déployer dans l'espace avant d'aussitôt se dissiper dans le silence, émotion éphémère qui finit, après une petite demi-heure de concert, par révéler son intrinsèque vacuité. (ndlr : fichtre !)
21h45 : Radian
Cela fait plusieurs années que je croise régulièrement le nom de Radian et l'idée que je me faisais de leur musique (une forme d'electro minimaliste aux accents post-rock) n'était finalement pas très éloignée de la réalité. Sur scène, le groupe comprend un bassiste, dont le jeu essentiellement rythmique se contente le plus souvent de donner la pulsation, avec quelques rares éléments syncopés, un batteur dont le jeu au fouet donne au set un petit côté vaguement jazzy, et un bidouilleur derrière ses machines. Le set correspondant parfaitement à ce que j'imaginerais en lisant "forme d'electro minimaliste aux accents post-rock", je ne sais pas trop quoi ajouter, si ce n'est peut-être que j'ai plutôt bien aimé et que le dernier morceau était même franchement enthousiasmant, les cellules rythmiques de la batterie et de la basse se combinant parfaitement. Je vais tenter de trouver l'un ou l'autre de leurs albums.
22h35 : AMM
Si Our Brother The Native étaient les benjamins du festival, les deux musiciens de présentant sous le nom de AMM sont clairement les aînés (la soixantaine à vue de nez). Un ami bien informé (toujours le même) m'a dit qu'ils se produisaient souvent en trio et que le troisième larron, absent aujourd'hui, était le plus connu. Ils sont les seuls au cours du festival à oser un set entièrement acoustique (le seul objet sur scène nécessitant de l'électricité est un ventilateur, j'y reviens dans un instant). Le côté gauche de la scène est occupé par un imposant piano à queue, le droit par un grand gong, une caisse claire, une cymbale et un instrument à cordes pincées indéfinissable dont l'imposante caisse de résonance ressemble à un tambour oriental. Selon les moments, le pianiste improvise quelques notes éparses, accords ou arpèges dissonants entrecoupés par de longues plages de silence, ou enfonce violemment les touches de ses deux bras dans des clusters bruitistes. Parfois aussi, il va pincer directement les cordes dans la table de résonance. Tous les clichés du piano contemporain sont ainsi égrénés avec application mais sans génie particulier. Ayant appris adolescent le piano dans un milieu ouvert à la musique contemporaine, j'ai pratiqué à l'envi toutes ces techniques et je me suis à plusieurs reprises dit que je pourrais sans problèmes prendre la place du pianiste. Je n'en dirais pas autant du percussionniste qui parvient à tirer de son gong et de sa cymbale des miaulements déchirants qui pourraient rappeler le crissement des ongles sur un tableau noir (essentiellement en faisant vibrer la cymbale avec un archet puis en mettant sa tranche en contact avec le gong). Dans ma mémoire, aucun des sons produits ne relève stricto sensu de la percussion, au sens mécanique du terme : pas de grands coups de gong à la "MB présente", pas de roulements de tambour, etc.... A dire vrai, je ne suis même pas sûr qu'il ait des mailloches à portée de main. Il emploie en revanche un petit ventilateur aux pales duquel il a sans doute accroché de courtes lamelles de caoutchouc qui, en tournant, vont heurter la périphérie du gong et ainsi produire un rapide martèlement métallique. Après l'ambiance enfumée et le volume sonore déraisonnable des précédents concerts, cet intermède acoustique aux ambiances constantes, est un répit bienvenu (d'autant que les sièges sont confortables), et je suis donc resté jusqu'au bout. Je regrette un peu cependant que les deux musiciens aient chacun fait leur truc dans leur coin, sans jamais (apparemment) chercher à interagir. Lorsque après trois quarts d'heure, les instruments se sont tus, le public n'a pas osé applaudir et une bonne minute de silence total a envahi la salle. Etait-ce la fin ou bien seulement une pause plus longue que les autres ? La peur d'apparaître aux yeux et aux oreilles de toute l'assemblée comme le philistin qui ne comprend rien à la démarche de AMM était palpable et il a fallu que les deux musiciens se lèvent de leur siège pour que le public soit enfin convaincu que le concert était fini et qu'il pouvait sans risque applaudir et aller écouter le set de Vibracathedral déjà commencé depuis 20 minutes dans une autre salle.
23h10 : Vibracathedral Orchestra
Outre un hypothétique trompettiste dont je n'ai aucun souuvenir, le groupe se compose d'un guitariste (déroule un tapis de notes rapides sans repères harmoniques assez déroutant pour l'oreille), d'une violoniste (scie son violon sur une note unique pour créer de la résonance), d'un claviériste-guitariste et d'un batteur-chanteur, exhibant fièrement sa panse de buveur de bière (pratique un jeu destructuré, rapide et virtuose et laisse échapper quelques onomatopées étranges qui rappellent les cris que pousserait un lapin apeuré si les lapins apeurés poussaient des cris). Le tout, accompagné de quelques effets électr(on)iques de bon aloi, évoque une sorte de doom-drone cérébral qui n'a nulle peine à maintenir l'attention des spectateurs, pour la plupart assis ou couchés, dans des états d'épuisement plus ou moins avancés. Si je n'avais peur qu'une telle comparaison ne soit compréhensible que par moi-même, je dirais volontiers que Vibracathedral Orchestra est un peu à Sunn O))) ce que Do Make Say Think est à Godspeed You Black Emperor. Pour me faire mieux comprendre, je pourrais peut-être dire que, pour moi, leur musique est le fruit d'une démarche assez semblable mais se présente sous une forme plus complexe (surtout rythmiquement) et se révèle donc moins prenante, sans doute parce qu'elle ne peut plus être ressentie de manière élémentaire.
(à partir d'ici, plus de notes prises en direct, donc mes souvenirs se font plus vagues)
23h30 : Com.A
Com.A est japonais et fait ce qu'on pourrait appeler de la drum'n'bass. Il porte un tee-shirt noir de hardeur et une casquette Suicidal Tendencies assortie. Le premier morceau (que j'ai vu) est très noisy mais le set devient au fil du temps de plus en plus dansant. Les gesticulations incessantes de Com.A derrière ses deux laptops sont épuisantes à regarder, surtout au regard de ma propre fatigue. Toujours à sautiller, à se balancer d'avant en arrière et à remuer la tête, les deux mains toujours en mouvement. J'ai d'ailleurs eu la curiosité de monter sur la balcon qui surplombe la salle, car j'y avais une vue plongeante sur ses deux laptops. Le but était double, d'abord voir à quoi ressemblent les claviers de laptops japonais (échec cuisant, il faisait trop sombre pour lire ce qui était écrit sur les touches), ensuite juger de ce qui est pré-enregistré et de ce qui est effectivement joué en direct (semi-réussite, le plus gros semble être pré-enregistré et seuls des points de détails -distorsion, modulation, etc..- sont gérés en direct). En définitive, j'ai plutôt bien aimé ce que j'ai entendu, mais nettement moins que deux des membres de Our Brother The Native qui, au premier rang ont dansé sans s'arrêter pendant quarante minutes, possiblement sous l'emprise de substances ecstasiantes.
23h55 : Vibracathedral Orchestra+Antenna Farm+Tujiko Noriko
00h15 : Yellow Swans + Food for Animals + Com. A
01h00 : Mum + Kemialliset Ystävät
La soirée se termine par des collaborations entre les divers artistes du festival. La première m'a été décrite comme du Vibracathedral Orchestra sur lequel Tujiko Nuriko fait 'Ooh Aaah Aaah', la deuxième comme un grand n'importe quoi insupportable. J'ai bien dû me résoudre à prendre ces descriptions comme argent comptant vu que j'étais entré en mode "zombie" et n'ai donc aucun souvenir de ces deux sets. Du set de la dream-team scandinave, je ne peux juste dire que l'apport de Mum n'avait pas l'air énorme.
Finalement, si on excepte ces collaborations, la deuxième journée était plutôt moins dépaysante que la première pour mon âme de poppeux. J'y ai même découvert un groupe dont je pourrais un jour acheter l'album. Une réussite totale donc.
(un autre compte-rendu, assez différent, se trouve ici)
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