vendredi, septembre 17

Avez-vous déjà fait ce cauchemar ?

Vous êtes tranquillement installé chez vous. Vous sirotez une boisson alcoolisée (ou non, selon votre bon plaisir) en feuilletant un exemplaire du catalogue Ikea. Un bonheur domestique pur, sans soucis, avec juste ce qu'il faut de perspective d'avenir pour ne pas étouffer sur place. Soudain, le téléphone sonne :

"Bonjour, je suis bien chez Monsieur ou Madame Trucmuche ? Oui ? C'est Europe 7 qui vous appelle pour le grand jeu de la Malette. La malette contient aujourd'hui 657 574 euros. Cette somme est à vous si vous pouvez me répondre à cette question. Vous avez cinq secondes. Citez le nom du groupe ayant enregistré récemment un formidable disque qui mêle à la fois une voix nonchalante mi-chantée, mi-parlée qui évoque Leonard Cohen, les rythmiques et les voix féminines de Broadcast et l'excès d'émotion du fado, le tout dans une langue qui a tout l'air d'être slave, mais pourrait tout aussi bien être scandinave. Top chrono."

Un. Tic tac. Deux. Tac toc. Trois. Toc Tuc. Quatre. Tuc tec. Cinq. Tec Tic.

"Vous ne voyez pas ? Quel dommage... Mais vous qui êtes à l'écoute, réjouissez-vous. Cela signifie que nous remettrons cette somme en jeu demain lors d'une nouvelle édition de la Malette.. En attendant, voici une nouveauté qui rappelle le premier single des Sugababes. C'est the 411, avec Dumb. Restez branchés sur Europe 7."

Puis il raccroche, sans que vous ayez pu proférer le moindre son.

C'est là que vous vous réveillez en sueur, terrifié à l'idée que ce rêve puisse être prémonitoire et que cette somme d'argent va réellement vous passer sous le nez pendant la journée.

Et bien, ne paniquez plus. Si par extraordinaire votre téléphone devait sonner, vous saurez quoi répondre. Cet album improbable, qui est à la musique ce que l'archéoptéryx est au monde animal (une aberration), a été enregistré par Post Industrial Boys. Je ne sais strictement rien d'eux, et Google n'est pas très coopératif pour le coup. Espérons donc qu'il n'y ait pas de questions subsidiaires du genre : "D'où viennent-ils ? Combien sont-ils ? Est-ce qu'ils aiment la mousse au chocolat ?". Sinon, vos projets de vacances à Tahiti pourraient bien quand même tomber à l'eau, ce qui serait dommage.

2 commentaires:

Rom a dit…

Franchement, ça me fait du mal de les citer... :

Post Industrial Boys
sortie août 2004 (Max-Ernst / La Baleine)

Ces "garçons postindustriels" ne viennent pas de Géorgie en Amérique mais bien d’ex-URSS - une splendide faucille/marteau est placardée au dos du disque, sur fond rose tout de même. Ces "garçons" sont d’ailleurs en majorité des filles, cinq au total, conduites par un certain George Dzodzuashvili, alias Gogi.ge.org, activiste de Tbilissi. Signé sur le label de l’Allemand Thomas Brinkmann, ce premier album démarre par la chanson que Kraftwerk nous doit depuis vingt ans : une litanie désabusée sur ces "post industrial boys" qui "s’abonnent au Village Voice, jouent avec des jouets colorés et font des bruits affreux". En anglais, ça rime et c’est magnifique, bouleversant comme aucune musique ne le sera cette année de ce côté-ci de l’Europe. Comme si l’electro-pop de 80 n’avait jamais existé, qu’elle se réinventait sous nos yeux.

Le timbre de voix du dénommé Gogi ressemble vaguement à celui de Lee Hazlewood, mais il lui arrive aussi de chanter comme un ado ébahi. Le reste du disque, inventif et truffé de petites astuces discrètes et délicates, est toutefois moins saisissant. Les filles qui se succèdent au micro chantent un peu comme des Astrud Gilberto qui n’auraient jamais connu de température au dessus de – 3°C, et c’est particulièrement adorable sur Eyelids, un peu redondant aussi parfois. Il y a même un morceau où un certain Irakli Kakabadze lit des miettes du Festin nu de Burroughs sur un vague ondoiement de drum’n’bass périmé, traversé d’un violoncelle menaçant, lui-même désamorcé par des éclats de rire. Il fallait bien lancer ses filets aussi loin en territoire inconnu pour capturer le disque le plus désarmant du moment.

Christophe Conte
18 août 2004

Pierre a dit…

Ca me fait du mal de l'avouer, mais c'est un peu à cause d'"eux" que j'ai écouté le disque et, pour le coup, je ne regrette pas. Rares sont les critiques qu'"ils" publient et qui me donnent envie de découvrir un groupe, mais c'en était une. Je ne me souvenais plus qu'ils donnaient tant de détails biographiques ceci dit. J'aurais dû vérifier. Malheureusement, pas un mot sur leurs goûts en matière de mousse au chocolat, donc on n'est pas encore tout à fait à l'abri d'une déconvenue.