mercredi, novembre 17

Boy-band d'opérette

On entend souvent dire que ce qui rend l'époque à laquelle nous vivons si riche musicalement parlant est la porosité nouvelle des frontières entre les différents genres. Tous se marie avec n'importe quoi pour générer de passionnants hybrides que les journalistes s'empressent d'étiqueter en inventant des noms qui contiennent en général plein de traits d'union : trip-hop, funk-jazz, trash-polka, country-rock-soul, folktronica, ska-punk,... Cette grande famille des nouveaux genres comporte depuis peu un nouveau nom, le popera, qui, comme son nom l'indique, est le produit du croisement entre la pop et l'opéra.

La tentation de mélanger la musique classique et la musique pop existe depuis longtemps. Citons, pour le meilleur, Gainsbourg s'inspirant de Dvorak, Chopin ou Brahms pour composer ses chansons et, pour le pire, toute la clique des Rondo Veneziano, Bond, Vanessa Mae, Helmut Lotti, André Rieu ou Sarah Brightman qui refourguent sans vergogne une pâle muzak sans âme dans un emballage clinquant et tentent de faire croire que ce serait, pour quelque obscure raison (souvent liée à la présence de violons), de la musique noble. Le pire étant sans doute qu'ils y arrivent. Quand je parcours les rayons d'un disquaire et vois un présentoir classique ne comportant que de tels disques, il me vient en général une grande lassitude.

Malheureusement, il semblerait qu'on puisse toujours faire pire puisqu'un pas de plus vers l'ignominie a été franchi par le redoutable Simon Cowell, qui vient de lancer sur le marché anglais Il Divo, le premier boy-band opéra. On peut accéder au site du groupe ici, et notamment voir la vidéo de leur single (cliquez sur music). Je l'ai regardée. Je le regrette. C'est tout ce que je hais dans la culture pop enveloppé dans un petit paquet doré : une absence de talent patente qu'ils tentent de faire oublier en prétendant ne pas être des artistes 'pop' (comme si c'était honteux), mais des musiciens 'classiques' avec tout le prestige qui est encore attaché à ce terme. En fait, il n'en est évidemment rien. Ce qu'ils font, c'est et ça restera toujours du Westlife en smoking et avec des vibratos (et donc, forcément, en encore moins bien), et ce n'est pas la liste, complaisamment énumérée sur le site, des Conservatoires qu'ils ont fréquentés qui y changera quoi que ce soit.

C'est aussi, accessoirement, une des meilleures ventes d'albums de l'année en Angleterre.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bon... Je vais faire office du rôle du mijauré de service mais voilà : j'aime Rondo' Veneziano. C'est dit et pire : j'assume ! Aussi je me permets quelques précisions pour ceux qui ne sont pas trop fermés et qui accepteront de lire; merci d'avance ;-)
RV est une création d'un compositeur italien, Reverberi, qui a étudié le classique (diplômé du conservatoire de Gênes en tant que pianiste, compositeur et direction d'orchestre). Il a été amené à travailler pour la variété italienne des années '50 : son frère possédait un studio d'enregistrement à Milan. Reverberi a ainsi travaillé avec de grands artistes italiens dont Fabrizio De André (le Brassens trans-alpin) mais aussi des groupes de rock progressifs. A la fin des années '70 il décide de revenir au classique et de se consacrer à la diffusion du baraoque italien, encore réservé en majorité à un petit cercle d'initiés il faut dire. Au même moment quelques amis musiciens auraient souhaité faire quelque chose de plus original. A l'ensemble baroque formé par Reverberi, il est imaginé par une maison de disque de Milan d'adjoindre deux éléments rythmiques (batterie et basse électrique). Cependant, pour ne pas trahir les auteurs classiques, Reverberi décide que le groupe ainsi constitué ne jouera que des compositions inédites. Un premier album sort en 1980 ; un peu expérimental, un peu artisanal... Et contre toute attente le succès est au rendez-vous. On connaît la suite : le groupe (ultra discret en France...) connaît outre-Rhin et depuis peu aux USA un certain succès.
D'accord : il y a un très gros emballage marketing mais il reste un répertoire de plus de 200 titres à (re)découvrir. Rondo' Veneziano est un divertissement et ne prétend pas être du classique. Issu d'un milieu où l'on n'écoute pas du tout de classique j'ai découvert par hasard ce groupe, qui m'a donné envie d'en savoir un peu plus ; j'ai commencé par Vivaldi, puis d'autres baroques et, tout en restant fan de RV et grâce à eux, je me suis ouvert à tout un tas d'autres musiques. Quel dommage que ce procès qu'on leur fait si régulièrement !
Je terminerai en citant une interview de Reverberi : "Je ne prétends pas faire de la musique dite 'culturelle' : Je prends du plaisir à composer pour ce groupe, les musiciens en prennent à interpréter et j'espère que le public en prends à l'écouter."