mardi, mars 29

Henk

Mon premier concert des Nits, en 2003, avait été un véritable enchantement et c'est donc en confiance que j'ai acheté ma place pour le concert solo de Henk Hofstede, leur chanteur, même si son disque solo, Het Draagbare huis, me faisait soupçonner que ce serait un spectacle en néérlandais et que j'allais donc en perdre la moitié. Depuis les débuts des Nits à la fin des années 70, Henk est un peu l'âme du groupe auquel il prête sa voix et ses chansons. Je me disais donc que si ce concert solo pouvait me permettre de retrouver ne serait-ce que 30% de ce que j'ai ressenti en voyant les Nits, ce serait déjà immanquable. De plus, j'aimais l'idée d'aller assister au concert d'un chanteur dont je connais par coeur le timbre de la voix et de n'avoir cependant pas la moindre idée de ce que j'y entendrai.

Je pensais ne pas être le seul à faire ce raisonnement. Pourtant, alors que le concert des Nits avait rassemblé environ 1000 personnes, nous n'étions jeudi qu'une cinquantaine, dont une poignée seulement de francophones. L'AB Club, qui n'est déjà pas bien grand, avait été garni de tables et des chaises, ce qui lui donnait un agréable côté cabaret. Je me demandais néanmoins comment Henk allait réagir face à ce public extrêmement réduit. Sa bonne humeur allait-elle être aussi communicative pour un concert seul en scène devant un auditoire qui me semblait aussi tristement clairsemé ? Avec le recul, cette interrogation semble presque absurde car elle sous-entendait que la joie de jouer qui m'avait émerveillé il y a un an aurait été une façade cynique prête à se fissurer à la moindre contrariété. Or, cette hypothèse tient difficilement la route quand on connaît un peu le groupe et effectivement, bien que seul en scène, Henk est parvenu, pendant deux heures, à recréer cet étrange mélange de poésie décalée et d'humour qui caractérise les Nits tout en interprétant des chansons, le plus souvent splendides.

Sur scène, on peut apercevoir un piano à queue, deux guitares et un synthé. J'ai donc un instant pensé que le concert ne serait peut-être pas si solo que ça. Pourtant, à 20h15, il est bien seul à monter sur scène. Il commence par allumer un petit combi CD-radio (de ceux que l'on peut recevoir comme cadeau pour son douzième anniversaire). S'en échappe alors ce qui sonne comme des chants folkloriques d'origine indistincte qu'il accompagne à la guitare pendant une vingtaine de secondes avant de tout arrêter net. Entrée en matière déconcertante pour un concert qui va rapidement retrouver un déroulement plus conventionnel lorsque Henk s'installe au piano, chausse ses lunettes à grosse monture et entame un morceau piano+voix. Ce sera d'ailleurs le format d'une bonne moitié du concert et il y fait preuve d'une assurance face au clavier que je ne soupçonnais pas (j'ai pensé à William Sheller). J'avais toujours cru que Robert Jan Stips était seul responsable des claviers chez les Nits. Apparemment non. Pour certains morceaux, il passe à la guitare sèche ou (sur deux titres) électrique. La setlist alterne entre chansons des Nits et chansons en néérlandais. Ces dernières sont pour la plupart tirées de son album et ont réussi à me faire apprécier la beauté des consonances gutturales du néérlandais, une langue dont Camus disait pourtant qu'elle n'était pas 'civilisée'. Ce concert m'a en outre permis de prendre conscience que deux des albums des Nits que j'aime le moins (dA dA dA et Alankomaat) contiennent des morceaux qui n'ont pas à rougir d'être présentés à côté des autres. J'eus notamment la surprise de voir que Mourir avant quinze ans, une chanson dont je ne pensais pas grand-chose jusqu'ici, pouvait me mettre au bord des larmes.

Si le concert n'avait été qu'un simple récital, il serait déjà superbe, mais il fut plus que ça, grâce d'abord à la bonne humeur communicative de Henk (ses 'Dank u wel' sont particulièrement réussis) et à la relation de complicité qu'il est capable d'instaurer avec le public, par exemple en introduisant chaque chanson par un petit texte humoristique qui apportait une vraie valeur ajoutée (même si je n'y ai pas compris grand-chose*) ou en demandant, pour Val, à un spectateur de monter sur scène pour présenter au public quelques pancartes sur lesquelles il avait écrit des mots que le public devait reprendre en choeur 'Invik en Olle....Pori en Svante', un peu à la manière du clip de Bob Dylan (ou d'Alain Chamfort).

Un autre point fort fut les mini-projections (dont on peut voir quelques extraits ici). qui occupaient le fond de la salle sur quatre petits écrans. Le sommet de l'interaction image-son sera atteint avec Inkman, une chanson dans laquelle une fillette (sa fille sans doute) apparaît sur l'écran de droite et répond aux phrases chantées sur scène. Dit comme cela, ça n'a l'air de rien mais le concert m'avait mis dans un tel état de réceptivité que j'ai trouvé ce moment quasiment bouleversant.

Le meilleur moment du concert fut sans doute cet improbable pastiche où, sur des beats dance particulièrement retors, il assène quelques phrases d'un manuel de conversation suédois en se contorsionnant comme un quarantenaire qui essaye désespérément avoir l'air jeune dans un club techno. Cinq minutes de délire absurde tout à fait jubilatoire(on n'est pas très loin de La Cantatrice Chauve).

J'arrête là ma description du concert. J'aime bien l'idée que ces comptes-rendus puissent un jour me servir de "Madeleine de Proust" et faire renaître en moi les sensations et l'enthousiasme qui fut le mien durant cette soirée, j'ai donc multiplié les détails qui n'on sans doute qu'un intérêt limité pour vous qui lisez ceci sans avoir vu le concert. J'en suis désolé. En revanche, je peux vous dire que j'ai effectué tout le trajet du retour vers Liège en ayant l'impression de flotter, dans un état de douce euphorie. Comprenez que l'envie de pouvoir revivre ces moments soit tentante.

SETLIST incomplète et dans le désordre pour deux heures de concert (de 20h15 à 22h45 avec un entracte d'une bonne vingtaine de minutes au milieu)

Des chansons des Nits :
- Day and the night (dA dA dA)
- Mourir avant quinze ans (dA dA dA)
- Three Sisters (Alankomaat)
- Night OWl (Giant Normal Dwarf)
- J.O.S Days (sur des paroles en néérlandais qui ne me semblaient pas être une simple traduction)
- Hollandse bergen (traduction en néérlandais de In the Dutch Mountains, où le public avait du mal à comprendre qu'il devait reprendre le 'Bergen')
- Adieu Sweet Bahnhof (Adieu Sweet Bahnhof)
- Two Skaters (In the Dutch Mountains)
- Shadow of doubt (Omsk)
- Cars and cars (Ting) (sur la demande d'un membre du public mais il ne connaissait visiblement pas la partition pour piano en général réservée à Robert Jan Stips, et la tentative fut vite avortée)

Une petite dizaine de chansons en néérlandais. Connaissant mal son album solo, j'ai seulement reconnu à coup sûr :
- Inktman
- Val
- Het Hele en het Lava
- Spiegel

Des reprises de Leonard Cohen :
- Who by fire?
- Famous Blue Raincoat

Une reprise de Imagine de John Lennon (en dernier rappel parce qu'il ne savait vraiment plus quoi jouer)

*Sa seule intervention en anglais fut pour demander aux non-néerlandophones de lever la main et leur proposer de venir dans sa loge après le concert pour demander des explications, ce que je ne fis pas.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Pas d'excuse pour les détails,ils font tout le sel de ce billet et me font vivre ce concert auquel je n'étais pas : merci ! Les Nits passent à Paris dans cinq jours... Youpi ! (je suis parisien...)