lundi, août 29

Pukkelpop Samedi

(suite de ce billet)

La programmation du samedi est traditionnellement celle qui m'intéresse le moins. Entre Patrick Wolf (14h30) et Nick Cave (23h30), il n'y a pas grand-chose rien qui m'emballait a priori. Je me préparais donc à passer une journée sous le signe de la découverte et de l'intérêt poli, et c'est en moyenne ce à quoi j'ai eu droit.

La journée commence, après une grasse matinée bienvenue, par l'ami Patrick Wolf. C'est la troisième fois que j'ai l'occasion de le voir sur scène, mais la première fois en festival. En conséquence, le piano à queue des précédents concerts est ici remplacé par un orgue électrique tout rikiki, posé sur une chaise et qui lui arrive au bas des genoux quand il s'assied pour en jouer. Il faut sans doute porter à son crédit que, malgré ces conditions difficiles, le concert soit si proche de celui de l'Ancienne Belgique il y a quelques mois : même gilet troué de serveur de restaurant devenu clochard, même air gêné quand il regarde les spectateurs mais même capacité à retenir leur attention, même accompagnement par un batteur et setlist analogue, principalement tirée de son excellent deuxième album Wind in the wires. La seule vraie surprise du concert fut sa reprise du Running up that hill de Kate Bush, qu'il interprète comme une de ses chansons, c'est-à-dire avec un sens du pathos (placements de voix, rallentendos,...) qui ravit certains spectateurs et en irrite d'autres. C'est sans doute en écoutant cette reprise que je comprends le mieux les reproches que l'on peut faire à sa musique : maniérée, inutilement emphatique, etc.. Ce qui fonctionne parfaitement dans ses propres compositions a tendance à paraître naïf et forcé lorsque transposé aux chansons des autres mais bon, ceci est un reproche mineur. Un très bon concert, donc, malgré quelques fausses notes et un brouhaha constant, inévitable au Château. Je suis personnellement tout prêt à voir un concert de Patrick Wolf tous les six mois pour entretenir ma fan-attitude et celui-ci convenait parfaitement. A l'année prochaine donc, si tout va bien.

J'enchaîne avec le concert de Boom Bip. Le programme du festival le définit comme un 'human beatbox', d'autres le décrivent comme d'abord et avant tout un rappeur tandis que se musique évoque à certains de l'électronica post-rock disco. En fait, la musique de Boom Bip se situe exactement à mi-chemin entre le (post-)rock et l'électronica, une sorte d'hybride parfait qui refuse jusqu'au bout de choisir son camp. Ils sont quatre sur scène, la tonalité générale est plutôt gentiment mid-tempo et le tout fait un concert parfait pour le milieu d'après-midi de ce dernier jour, alors que la fatigue accumulée les jours précédents commence à se faire sérieusement sentir. Sons and daughters vont ensuite gentiment réinsuffler un peu de tonus dans les esprits. Tous habillés de noir, les quatre membres du groupe (deux hommes, deux femmes) font une musique qui évoque tout à la fois le blues crade des White Stripes (ou des Kills) et le rock'n'folk hanté de Sixteen-Horsepower. Je suis complètement rentré dedans malgré une chanteuse qui se laissait parfois un peu emporter par son envie de hurler à la mort. Je suppute néanmoins que, sur disque, ce problème ne se pose pas et que le groupe pourrait donc vite devenir un substitut adéquat des White Stripes pour ceux (dont moi) qui considèrent que le succès a rendu Jack White rédhibitoirement tête à claques.

Nous enchaînons par un petit quart d'heure nourriture et rafraîchissements en écoutant de loin les Dropkick Murphys, un groupe dont je ne connaissais même pas le nom et avait les honneurs de la grande scène. Je suppose qu'on peut décrire leur musique comme du punk hardcore avec des gros bouts de cornemuse dedans, ce qui est un créneau assez peu fréquenté. Il fallait bien qu'un groupe se dévoue pour l'occuper. Ils se sont proposés. Bravo à eux. Nous passons ensuite jeter un oeil sur Riton, groupe dont j'avais vaguement écouté l'album il y a un an, sur la foi d'une chronique du NME et d'une reprise de Killing an arab. Le groupe se comporte d'un chanteur, d'un guitariste et d'un bidouilleur et crée une musique que je serais bien en peine de définir, quelque part entre la house poisseuse, le funk lubrique (il y a des intonations de Prince dans la voix) et le post-punk salace. Pendant vingt minutes, je me suis cru téléporté dans une discothèque louche des fins fonds du New York des années 70. Des beats robotiques et des riffs de guitare soutiennent un chanteur qui harangue les spectateurs, non sans un soupçon de vulgarité. Drôle d'expérience, d'autant que le Chateau était étouffant de chaleur à ce moment. J'en suis sorti avec un début de mal de crâne. On ne m'y reprendra plus.

Le programme présente les Towers of London en citant Motley Crüe et les Sex Pistols. On ne pourrait mieux dire : les cheveux de Motley Crue et les tee-shirts des Sex Pistols, les solos de guitare de Motley Crue dans des morceaux à la manière des Sex Pistols. L'interaction du groupe avec le public est également un étrange mariage de l'attitude antagoniste des Sex Pistols (le chanteur hurlant "Come on. Move, you paltry cunts.") et des poses de guitar-hero du pire hair-metal des années 80. Le tout est très drôle mais à oublier très vite sous peine de graves séquelles psychiatriques. Le contraste avec le trip-pop de Ozark Henry sur la grande scène n'aurait pas pu être plus grand. Certains n'ont retenu du concert que la verrue de la chanteuse sur les écrans géants. N'ayant pas eu la curiosité de regarder les écrans géants, je n'en ai rien retenu du tout, bien que j'aime plutôt bien ce que je connais des albums du groupe.

La fatigue accumulée m'a rendu assez paresseux en ce dernier jour de festival. En conséquence, je ne me décide que très tard à aller faire un tour au dance-hall pour voir T. Raumschmiere. A ma grande surprise, le chapiteau est bourré à craquer de clubbers rendus fous par une sorte de dance bourrine à base de percussions et de riffs de guitare. Ca m'évoque en fait beaucoup le morceau I'm so crazy de Part-T-One vs INXS sorti il y a quelques années. Trente secondes à peine après notre arrivée, un nouveau morceau commence, accueilli par des milliers de hurlements de joie et de sauts en l'air. Devant cet enthousiasme unanime de la foule (j'ai rarement vu une telle clameur au début d'un morceau, tous concerts confondus), je me demande un instant si Mr T aurait écrit un tube planétaire sans que je ne m'en rende compte, mais non. La mélodie reprise en choeur par des milliers de gosiers extatiques ne m'évoque strictement rien. La comparaison la plus proche que je puisse faire est le Satisfaction de Benny Benassi. C'est une expérience troublante de se retrouver ainsi perdu au milieu d'une foule réagissant comme un seul homme à des stimuli que l'on ne comprend pas. Si l'un de vous peut me dire comment s'appelle le tube ultime de ce monsieur, ça m'intéresse. Je serais curieux d'entendre à quoi ressemble la version studio.

(EDIT : La chanson s'appelle Monster Truck Driver et peur s'écouter ici ou .)

Cette après-midi piteuse laisse la place à un début de soirée tout aussi piteux, qui commence par deux morceaux de Morcheeba, que je pourrais difficilement décrire autrement que comme insipides, d'autant que la chanteuse historique du groupe a mis les voiles et que le groupe en a donc engagé pour cette tournée une nouvelle, qui ferait presque regretter les versions studio (et pour que je regrette des chansons de Morcheeba, il en faut beaucoup). Le NME a un jour dit que Morcheeba faisait de la "musique d'ascenseur pour conducteurs de Volvo qui mettent des cravates beiges". C'est assez bien vu. N'ayant ni Volvo ni cravate beige, il ne me reste plus qu'à partir discrètement prendre un bain de glamour hollywoodien avec le concert de Juliette and the Licks. Juliet Lewis, dans une combinaison rouge moulante, y tente de nous convaincre que le rock'n'roll a toujours été sa vraie passion et que sa carrière sur grand écran n'était qu'un trempli vers son véritable amour, la scène. Elle serait plus crédible si elle savait chanter et si ses chansons avaient un soupçon d'intérêt.

La cerise sur le gâteau de la médiocrité festivalière sera posée par Korn, qui est pour moi au nu-metal ce que les Who sont au 'classic-rock', c'est-à-dire un groupe culte ('séminal' diraient certains) mais dont je serais bien en peine de citer ne serait-ce que le titre d'une chanson. Aucune diffusion à la radio ou sur les chaînes musicales, pas d'amis fans (Dieu merci) et un a-priori immensément négatif ont fait de Korn un des groupes dont je peux dire le plus grand mal sans en rien connaître et sans la moindre mauvaise conscience. Le petit quart d'heure passé à regarder Jonathan Davis (dont le charisme sur scène est rigoureusement nul) et ses dreadlocks s'agiter sur des chansons n'ayant ni queue ni tête n'ont rien fait pour me dissuader de continuer à l'avenir de me servir de mon ignorance comme d'un étendard. Le set se termine par une reprise d'Another Brick in the wall qui se contente de singer l'original avec une voix rocailleuse de grand fumeur. Dieu seul sait (et il l'a sûrement dit à l'ex-guitariste du groupe) comment ils ont pu penser que c'était une bonne idée.

Heureusement, une fois qu'on a atteint le fond du puits , on ne peut plus que remonter et les deux derniers concerts de la journées allaient me réconcilier avec la musique. Celui de !!! commence on ne peut mieux lorsque le chanteur monte sur la scène du club, très exposée aux sons provenant de la scène principale, en disant : "Sorry for being late. We were waiting for that awful racket [Korn] to end." En une phrase, j'étais déjà quasiment conquis, exploit d'autant plus admirable que, sur disque, !!! m'a toujours laissé perplexe. En fait, comme pour The Go! Team, j'ai l'impression que la musique du groupe ne trouve sa vraie dimension qu'interprétée sur scène. Tout y est en effet centré autour de l'énergie véhiculée. En fait, voir le chanteur sauter, danser, ramper, se contorsionner sans jamais faire de pause pendant une heure tandis que derrière les percussionistes tabassent leurs fûts avec jubilation, c'est un peu comme découvrir le mode d'emploi d'un lecteur CD dont le tiroir aurait jusque là toujours refusé de s'ouvrir. Je doute que cette épiphanie m'aide à mieux apprécier l'album mais il est indéniable que, pendant une heure passée à sautiller sur place avec un sourire béat, !!! avait tous les atouts pour être le meilleur groupe de festival du monde, sans doute parce qu'ils ne laissent planer aucun doute sur le plaisir qu'ils prennent à jouer sur scène, plaisir qui finit forcément par contaminer le spectateur.

La soirée (et le festival) se termine par un concert qui vient démentir ce que des années de festival m'avaient fait appeler la malédiction de la grande scène, condamnée dans mon esprit à empêcher la musique qui y est jouée de transporter une émotion autre que l'habituel "Putain, ça tabasse". J'avais d'ailleurs été surpris d'apprendre que Nick Cave and the bad seeds avaient été choisis pour clôturer le dernier jour de festival. Sa musique sombre ne m'apparaissait pas a priori propice à réunir 40000 festivaliers. Sans doute avais-je sous-estimé la popularité du personnage car il a rempli son rôle à la perfection. Le son était parfait et le choix de la set-list ne l'était pas moins. Certains ont eu du mal à se faire au départ de Blixa Bargeld et à l'introduction d'un choeur gospel sur le (mirifique) dernier album mais je suis de plus en plus persuadé que cette adjonction du choeur est une des meilleures idées que Nick Cave ait eues depuis longtemps. Même les anciennes chansons bénéficient énormément, je trouve, de ces touches soul qui viennent tempérer la furie orchestrale des 7 Bad Seeds. Durant 1h15, le public écoutera, dans un recueillement quasi-religieux, les morceaux emblématiques de la carrière de Nick Cave alterner avec les extraits de son dernier album. C'est sans aucun doute le meilleur concert que j'aie jamais vu sur la scène principale d'un grand festival et, franchement, ça m'a donné envie de revenir l'année prochaine.

...

Ouf, voilà, je suis arrivé au bout de mon compte-rendu kilométrique. Félicitations à ceux qui ont tout lu depuis le début. Ils ont bien du mérite.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Je me demandais si toutes tes critiques étaient à prendre au 2nd degré de par leurs négations perpetuelles? je vois pas trop l'intérêt de faire de tels festivals si c'est pour être aussi critique . tu fais comme tu veux, mais te prends pas pour le juge de la musique , c'est extrêmement pénible de lire 2-3 lignes de tout ça. en 2 mots: branleur, pseudo-intellectuel.

p.s: moi je n'ai pas pris 1 journée de réflexion pour dire ce que je pensais de ton attitude envers la musique. pas très impressionant, mais p-e qu'à tes yeux de branleurs lecteur de pq comme les inrocks, c'est impressionant

Pierre a dit…

Je donne mon avis sur ce que j'ai vu, comme je l'ai ressenti. Personne ne t'oblige à lire mes bêtises et encore moins à être d'accord. Cela dit, si tu as du temps à perdre, donne-moi ton aperçu sur les concerts qu tu as vus et sur lesquels nous ne sommes pas d'accord.... et on en discute.

Quant à l'intérêt d'aller faire un festival, il est sans doute de pouvoir voir 10 concerts par jour, dont trois ou quatre très bons. Ce n'est pas parce que j'ai trouvé que quatre concerts étaient mauvais que j'ai oublié le plaisir pris à voir les autres.

PS : Je ne suis pas sûr de comprendre ton post-scriptum. Tu me reproches quoi, exactement ? De n'avoir publié mon CR qu'une semaine après la fin du festival ? Excuse-moi d'avoir autre chose à faire de mes journées que de te divertir. :)

Anonyme a dit…

Bon, moi,j'ai lu jusqu'à la fin, et je tiens à dire que j'ai trouvé ton compte rendu trés bien. Il m'a bien fait marré. Alors oui, tu es sûrement un peu trop acide pour certains mais j'ai beaucoup aimé. Personne n'aurai laissé de commentaire, j'en aurai sans doute fait autant. Mais là, le seul comm va direct dans ta face, et ça me faisait chier que personne te dise que c'était un bon compte rendu.