Missy Elliott - The Cookbook (Atlantic)
Il y a beaucoup de choses que je n'aime guère dans le rap américain mainstream : un terrifiant esprit de sérieux (du moins en façade), une prétention infinie, une esthétique gangsta empreinte d'un matérialisme mortifère (si je continue à utiliser des expressions pareilles, je suis mûr pour m'abonner à Télérama), etc... Même des rappeurs unanimement appréciés me semblent souvent avoir un 'flow' d'endives trop cuites (Jay-Z principalement) et je suis donc depuis longtemps résigné à être totalement en-dehors du coup (quoique les quelques chansons de Kanye West que j'ai entendues cette année m'ont aguiché l'oreille). Heureusement, Missy Elliott m'a toujours semblé être un peu à part par sa capacité à produire un rap qui plait à ceux que le genre indiffère, sans doute grâce à l'injection d'une bonne dose d'humour et d'un petit grain de folie (manifeste notamment dans ses vidéos). Le seul album de Missy Elliott que je connaissais jusqu'à présent était le déjà très bon Miss E... so addictive. Ici, Timbaland se fait nettement plus discret (deux titres seulement), laissant la place à une armée de producteurs dont la plupart me sont totalement inconnus. En conséquence, cela part un peu dans tous les sens, alternant rap pur (Lose Control) et chansons plus soul (Irresistible Delicious rappelle l'époque où Destiny's Child était encore un groupe intéressant), et utilisant une palette de sons très étendues (de quelques notes de harpe dans 4 my man à un sample de Apache des Shadows dans We run this). Comme toujours sur les disques de rap, les invités sont nombreux avec notamment Ciara, Mary J. Blige, M.I.A. et (l'insupportable) Fat Man Scoop. M'intéressant en règle générale assez peu aux paroles, je n'ai pas la moindre idée de ce que ça raconte (même si les multiples allusions à un "magic stick" dans Meltdown paraissent assez claires) mais aucune des 16 plages de l'album n'est ennuyeuse et c'est en gros tout ce que je demande d'un disque. En plus, le livret est plein d'enseignements. Je sais à présent que Stuart Price n'a pas écrit le "Music makes you lose control" que je lui avais un peu vite attribué (bien que personne d'autre ne soit crédité sur l'album des Rythmes Digitales....un mystère de plus).
Sigur Ros - Takk (EMI)
Aaah, Sigur Ros ! Le son du vent s'engouffrant dans des gorges à la végétation rare, paysages lunaires jonchés de rochers déchiquetés aux arêtes coupantes comme des scalpels ! Les plaines recouvertes à perte de vue d'une neige rendue compacte par la pesanteur immobile et glacée d'une longue nuit d'hiver ! Le reflet incertain d'un bas soleil de midi dardant par-delà l'océan des rayons qu'un geyser scintillant d'écume décompose en éclats de couleurs pâles. En pratiquant un "post-rock" lyrique qui ne recule pas devant le pathos, Sigur Ros prête le flanc aux descriptions les plus consternantes. Succomber à ce douteux penchant représente sans doute un moyen commode d'exprimer ma désillusion envers les albums d'un groupe que je n'ai jamais pu réellement apprécier qu'en live. Sur disque, la voix de Jonsi souffre de ne plus s'enraciner dans un visage et de ne plus s'incarner dans un corps qui mette à nu la douleur de sa naissance. Du coup, les disques de Sigur Ros paraissent presque trop lisses, ne révélant que la part la plus conventionnellement jolie de leur art. Cela dit, une fois ces réserves faites, cet album ne démérite pas face aux précédents (surtout sa seconde moitié, quasi-parfaite). Ils n'ont jamais aussi bien utilisé les cordes que sur Andvari. Gong est sans doute la meilleure pop-song qu'ils aient jamais écrite et des morceaux comme Sorglopur (orth?) ou Milano font depuis longtemps partie des sommets de leur répertoire en concert. En fait, les passages de l'album qui me plaisent le plus sont ceux qui me rappellent le plus directement les versions live. Dommage dès lors qu'ils profitent parfois du confort de leur studio pour laisser libre cours à leurs pulsions de surproduction, notamment sur Hoppipolla ou Se lest où des cuivres de fanfare viennent alourdir inutilement le propos.
The Dead 60s - The Dead 60s (Delasonic)
J'attendais ce premier album avec appréhension car les faces B des premiers singles (des expériences de dub jusqu'au-boutiste) m'avaient semblé assez indigestes (on en retrouve d'ailleurs la trace sur le CD bonus) et fait douter de leur capacité à tenir sur la longueur le niveau de Riot Radio. Finalement, j'avais tort de m'inquiéter et l'album remplit parfaitement son pari. Il ne mérite ni les chroniques assassines lues ici ou là ni la dithyrambe hallucinante de Magic (qui y voyait l'avenir de la pop anglaise). J'entends souvent dire que toute la pop indé britannique actuelle (de Franz Ferdinand à Bloc Party) n'est qu'une resucée éhontée des groupes post-punks de la fin des années 70 ou du début des années 80. Connaissant très mal Gang of Four par exemple (le groupe le plus souvent cité), le caractère apparemment passéiste de toute cette nouvelle vague anglaise ne m'avait jamais réellement gêné. Il n'en est pas de même avec les Dead 60s dont les influences m'apparaissent évidentes. Riot Radio (mon single préféré de 2004 soit dit en passant) est pur Clash, Red Light et Control This sont farouchement Specials et Ghostface Killah est du Madness "un pas au-delà". Je pense aussi souvent à Public Image Limited. Au final, cet album est essentiellement un moyen agréable de réviser son ska en 13 leçons, ce qui en fait plutôt une bonne affaire.
2 commentaires:
ta description de sigur ros est hilarante (désolé, je caresse le chat en écrivant donc les majuscules seront pour plus tard)
"Music makes you lose control", la partie vocale, me semble bien être un sample des Rythmes Digitales. En revanche, la partie musicale est bien un sample du titre Clear de Cybotron, groupe de Juan Atkins, dont une très belle retrospective est sortie l'an passé (Juan Atkins - Metroplex 1985-2005). Quant au fait que les références du sample n'apparaissent pas sur le disque de Jacques Lu Cont, cela ne me surprend pas vraiment, tout dépend ensuite du succés que tu peux avoir le morceau.
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