- Pan American : Quiet city. Après des recherches infructueuses pendant plusieurs semaines, j'ai enfin réussi à dénicher le nouvel album de Pan American. La première écoute laisse supposer un retour à des sons un peu plus acoustiques. Je vous en recauserai sans doute un de ces jours.
- The Killers : Hot Stuff. Souvent, on peut, rien qu'à l'écoute, distinguer les groupes britanniques des groupes américains. En traçant à grs traits des lignes de démarcation entre sophistication et retour aux sources ou entre guitares crades et guitares propres. Et souvent ça marche, Blur est anglais et Pavement est américain, les Red Hot Chili Peppers sont américains et les Beatles sont anglais. Parfois, pourtant, certains s'amusent à jouer les trouble-fêtes. Le cas le plus exemplaire est celui des Dandy Warhols que j'ai très longtemps cru être anglais. On peut dorénavant leur associer 'The Killers', un groupe de Las Vegas qu'on jurerait sorti tout droit des pubs de Camden. L'album commence sur les chapeaux de roues avec trois chansons rigoureusement imparables (Mr Brightside, Jenny was... et Somebody told me), puis ça se gâte légèrement avec notamment un 'Glamorous Indie Rock'n'Roll' que l'on peut difficilement écouter sans une petite moue de dégoût amusé. Dans l'ensemble, cela reste néanmoins une bonne surprise dans le genre dark-synth-indie-pop-rock, quelque part entre Interpol (on dira qu'ils étaient anglais, hein !), les Pet Shop Boys et Blur.
- Baby Dayliner : High Heart and low estate. Il faudra que je réécoute mais ça semble a priori assez prometteur. J'en reparlerai également si besoin est.
Le service minimum étant ce qu'il est. J'en reste là.
Bonnes vacances à tout le monde.
Parce que la musique est une chose trop importante pour être laissée à ceux qui la prennent au sérieux.
mardi, juillet 27
Chantez, jouez, dansez, mais ne parlez pas.
Les élections américaines approchant à grands pas, les pontes de l'entertainment sortent de leur réserve habituelle et se mettent à prendre position. C'est sans doute la marque d'une élection qui polarise plus que de coutume l'opinion. Après les Dixie Chicks, Sean Penn, Tim Robbins et les autres, c'est Linda Ronstadt qui a subi l'ire des spectateurs d'un gala qu'elle donnait dans un casino à Las Vegas, après qu'elle les ait encouragés à aller voir Fahrenheit 9/11. Elle s'est fait huer et certains spectateurs ont quitté la salle en déchirant les affiches aux murs. Michael Moore, qui n'en rate pas une, lui a envoyé un gros bouquet de fleurs en guise de consolation. Notons au passage que Justin Timberlake a décidé d'apporter publiquement son soutien aux démocrates, ce qui de la part de quelqu'un qui a refusé pendant des années toutes questions ayant trait à la politique est une petite surprise.
PS : Je pourrais en profiter pour signaler que ce même Justin Timberlake semble avoir définitivement tiré un trait sur une possible réunion de Nsync en refusant de retourner en studio pour enregistrer quelques titres pour un futur best-of. Le vilain ! Heureusement que Ian Brown n'est pas aussi difficile et a donné son accord à une réunion des Stone Roses. (Oui, je sais, le raccourci est osé.)
EDIT : Mes informations étaient fausses. Ian Brown a juste, pour la première fois depuis presque 10 ans, fait un concert contenant une majorité de chansons des Stone Roses, accompagné par deux membres d'un tribute band. Apparemment, cela ne prélude absolument pas à une reformation du groupe. Désolé.
PS : Je pourrais en profiter pour signaler que ce même Justin Timberlake semble avoir définitivement tiré un trait sur une possible réunion de Nsync en refusant de retourner en studio pour enregistrer quelques titres pour un futur best-of. Le vilain ! Heureusement que Ian Brown n'est pas aussi difficile et a donné son accord à une réunion des Stone Roses. (Oui, je sais, le raccourci est osé.)
EDIT : Mes informations étaient fausses. Ian Brown a juste, pour la première fois depuis presque 10 ans, fait un concert contenant une majorité de chansons des Stone Roses, accompagné par deux membres d'un tribute band. Apparemment, cela ne prélude absolument pas à une reformation du groupe. Désolé.
Mises à jour et corrections
Comme vous l'avez sans doute remarqué, je n'ai guère le temps en ce moment de poster régulièrement, attendez-vous à des mises à jour très irrégulières dans les prochaines semaines. L'actualité musicale tourne au ralenti et je me sens obligé de travailler un peu à ce pour quoi je suis payé (plus pour très longtemps, mais quand même). Donc, ce sera le service minimum. J'ai notamment omis de conserver les URL de mes sources. Une simple recherche sur GoogleNews devrait en général vous dépanner si nécessaire.
- Douze heures à peine après mon dernier message, les mixes de Rammstein (cfr mon post du 22/07) sont apparus sur le Net, soit quelques jours seulement avant leur sortie officielle, ce qui est en soi un bel exploit. Le "You are what you eat" mix est finalement assez proche de la version originale, dont ils ont gardé toute l'énergie rock. Ils ont certes ajouté quelques lignes de synthé à la Relentless, mais en conservant la trame générale de la chanson. L'effet obtenu est étrange, le côté grand-guignol de leur musique en est bizarrement accentué (les mélismes inquiétants du début par exemple m'ont immédiatement évoqué Cradle of Filth, alors que la comparaison ne m'était pas venue à l'esprit en entendant le morceau original). Le titre du deuxième mix parle de lui-même. Il s'appelle le 'There are no guitars on this mix' et ressemble un peu à un exercice de style. Comment faire pour recréer l'atmosphère du morceau original en le rendant tout synthétique ? Dans l'ensemble, c'est plutôt agréable à écouter, mais assez éloigné de ce que je pressentais. Les PSB n'ont pas profité de cette occasion pour explorer une veine plus sombre, mais ont fait des mixes comme ils en ont déjà réalisé plusieurs. Tant pis, on attendra le prochain album pour en savoir plus.
- En réécoutant, j'ai enfin entendu du saxophone sur Pressure Point des Zutons. Hourrah !
- Nick Carter et Paris Hilton, c'est fini. Elle va donc pouvoir se consacrer pleinement à sa 'Simple life' et lui à préparer le nouvel album et la nouvelle tournée des Backstreet Boys. Ne faites pas l'erreur d'appeler votre petite soeur pour lui annoncer la bonne nouvelle ceci dit. Leur prochain single supputé 'Beautiful woman' est apparu sur le Net et donne toutes les indications que le nouvel album sera très mauvais.
- Après avoir longtemps hésité, Britney Spears et Kevin Federline ont signé un 'pre-nup', une sorte de contrat de mariage préalable. Elle avait dans un premier temps refusé de le faire, arguant que c'était un mariage d'amour et qu'il ne fallait donc pas le ternir avec des questions bassement matérielles. Je ne suis pas sûr que sa vision romantique du couple résistera très longtemps à la pression de médias, aux pensions alimentaires et aux droits de visite de ses beaux-enfants (dont le deuxième est né il y a quelques jours), mais, courage!, on y croit encore.
- Douze heures à peine après mon dernier message, les mixes de Rammstein (cfr mon post du 22/07) sont apparus sur le Net, soit quelques jours seulement avant leur sortie officielle, ce qui est en soi un bel exploit. Le "You are what you eat" mix est finalement assez proche de la version originale, dont ils ont gardé toute l'énergie rock. Ils ont certes ajouté quelques lignes de synthé à la Relentless, mais en conservant la trame générale de la chanson. L'effet obtenu est étrange, le côté grand-guignol de leur musique en est bizarrement accentué (les mélismes inquiétants du début par exemple m'ont immédiatement évoqué Cradle of Filth, alors que la comparaison ne m'était pas venue à l'esprit en entendant le morceau original). Le titre du deuxième mix parle de lui-même. Il s'appelle le 'There are no guitars on this mix' et ressemble un peu à un exercice de style. Comment faire pour recréer l'atmosphère du morceau original en le rendant tout synthétique ? Dans l'ensemble, c'est plutôt agréable à écouter, mais assez éloigné de ce que je pressentais. Les PSB n'ont pas profité de cette occasion pour explorer une veine plus sombre, mais ont fait des mixes comme ils en ont déjà réalisé plusieurs. Tant pis, on attendra le prochain album pour en savoir plus.
- En réécoutant, j'ai enfin entendu du saxophone sur Pressure Point des Zutons. Hourrah !
- Nick Carter et Paris Hilton, c'est fini. Elle va donc pouvoir se consacrer pleinement à sa 'Simple life' et lui à préparer le nouvel album et la nouvelle tournée des Backstreet Boys. Ne faites pas l'erreur d'appeler votre petite soeur pour lui annoncer la bonne nouvelle ceci dit. Leur prochain single supputé 'Beautiful woman' est apparu sur le Net et donne toutes les indications que le nouvel album sera très mauvais.
- Après avoir longtemps hésité, Britney Spears et Kevin Federline ont signé un 'pre-nup', une sorte de contrat de mariage préalable. Elle avait dans un premier temps refusé de le faire, arguant que c'était un mariage d'amour et qu'il ne fallait donc pas le ternir avec des questions bassement matérielles. Je ne suis pas sûr que sa vision romantique du couple résistera très longtemps à la pression de médias, aux pensions alimentaires et aux droits de visite de ses beaux-enfants (dont le deuxième est né il y a quelques jours), mais, courage!, on y croit encore.
lundi, juillet 26
Fahrenheit 9/11
En général, je ne montre pas ici ce que j'écris sur le cinéma et mes avis passent directement sur tchitchaaa, mais comme je sui un peu paresseux ces temps-ci, je vais faire une exception et laisser ici quelques jours mon avis sur le film de Michael Moore. D'autant que ce n'est pas tout à fait hors-sujet, ne serait-ce que pour la séquence formidable où on voit Britney Spears nous expliquer qu'elle a toute confiance en son président.
-----
Lorsque Tarantino et son jury ont décidé de décerner la Palme d'Or à Fahrenheit 9/11 (en prétendant, ce qui n'a pas aidé, que leur choix était guidé par des considérations uniquement artistiques, dans lesquelles la politique ne jouait aucun rôle), ils ne se sont dans doute pas rendus compte qu'il s'agirait, en France tout du moins, d'un cadeau empoisonné. Michael Moore qui, jusque là, bénéficiait d'une bienveillance bonhomme de la part de la critique s'est retrouvé dans une posture d'ennemi. Il n'est plus seulement le gentil Américain qui dénonce les excès de son pays, mais est devenu également la tête de pont d'une tentative, perçue d'inspiration Hollywoodienne, de soumettre le 'grand cinéma' dont Cannes est la vitrine attitrée, aux lois du marché et de l'"entertainment". Certes, Michael Moore fait du cinéma de divertissement, sans grande finesse et en n'ayant pas peur d'utiliser des grosses ficelles, mais cela, il l'a toujours fait (le 'toujours' est surtout de ma part une généralisation hâtive vu que je n'ai vu de lui
que Bowling for Columbine) et que l'on ne s'en offusque que maintenant est une amusante étrangeté, qui montre bien la volatilité des opinions que tout un chacun peut se former.
Fahrenheit 9/11 est un pamphlet, un genre que ceux (dont moi) qui ne fréquentent pas assidûment les programmations alternatives des cinémathèques ne connaissent guère. Ce n'est ni un documentaire (aucune prétention au détachement ou à l'objectivité), ni, évidemment, une fiction. Il s'agit plutôt d'un réquisitoire, entièrement à charge, qui poursuit un objectif avoué : convaincre les Américains de ne pas aller voter pour Bush en novembre 2004. De même qu'Hollywood produit des films dont l'unique raison d'être est de rentabiliser leur coût durant le premier week-end d'exploitation, Michael Moore a fait un film dont le but est trivial, précis et terre-à-terre. Ce n'est pas ce que l'on demande en général à une oeuvre d'art, dont on dit souvent qu'elle doit transmettre plus de questions que de réponses. Ici, Moore n'apporte que des réponses. Le problème est alors de savoir si ces réponses sont convaincantes. En d'autres termes, est-ce un bon pamphlet ? La question est d'autant plus complexe que le film ne nous est pas destiné. Ce n'est pas nous que Moore veut convaincre, mais ses compatriotes. Donc, finalement, ce qu'il faudrait pour juger de la réussite du film, c'est interroger tous les spectateurs américains à la sortie des salles de cinéma aux Etats-Unis et leur demander pour qui ils comptaient voter avant d'avoir vu le film et si leur opinion a changé. Tout le reste, c'est passer à côté du problème à mon avis. Ceci dit, ça ne m'empêchera pas de donner mon avis.
On a beaucoup reproché, de ce côté-ci de l'Atlantique, au film de ne rien apporter de neuf sur la table, de se contenter de régurgiter des informations connues. Ce n'est pas tout à fait exact. Le film apprendra certainement des choses à son public cible, et j'ai pour ma part également appris deux ou trois petites choses et vu des images inédites. Ainsi, celles de ce responsable taliban en visite au Texas, celles des responsables US minimisant, au début de l'année 2001, l'importance de l'arsenal de guerre irakien, celles des députés noir-américains, impuissants faute de l'appui d'un Sénateur, se relayant lors de l'investiture de Bush pour dénoncer la manipulation des élections (dommage que le film n'ait pas pris là une minute pour expliquer la procédure parce que c'est pour moi resté assez obscur), sans parler des images de la guerre en Irak elle-même, assez rares à la télévision. De même, j'ai été surpris de d'apprendre la réduction des fonds de défense nationale (la séquence illustrant la surveillance des côtes de l'Oregon est assez parlante, même si je suppose que des radars et des satellites font tout aussi bien, sinon mieux, le travail que Moore voudrait voir effectuer par des policiers) ou bien les pensions militaires rognées.
D'un autre côté, Michael Moore emploie des raccourcis et prend des libertés avec la vérité tellement énormes que, même si on le soutient entièrement dans son combat, on ne peut s'empêcher de renâcler. Ainsi, il présente l'Irak d'avant-guerre comme une sorte de paradis terrestre plein d'enfants aux dent blanches, il énonce une liste des membres de la "coalition of the willing" qui ne fait rien pour désamorcer l'image d'Américains tellement imbus d'eux-mêmes qu'ils se désintéressent absolument du reste du monde, quitte à flirter avec une certaine forme de racisme. Les pays les plus folkloriques sont présentés comme des pantins dont il faut se moquer et ceux a priori plus respectables sont tout simplement omis. Il succombe là à des travers (la simplification à outrance, le manichéisme, l'américano-centrisme, le recours à l'émotion) que l'on associerait ici assez volontiers à Bush.
De même, il se focalise parfois sur des détails qui me semblent n'avoir qu'une importance toute relative (le fait que le cousin de Bush ait été responsable de la couverture de la soirée électorale sur Fox News par exemple) ou bien se fait l'écho d'hypothèses auxquelles je ne crois guère. Encore maintenant, je pense que la guerre en Afghanistan était effectivement motivée par une envie de se défendre et la thèse du complot sur fond de pipe-line me semble un peu tirée par les cheveux. On pourrait tout aussi bien expliquer le retard pris par les opérations dans le pays par une envie de faire les choses dans les règles et d'arriver à un consensus international, soit exactement ce qu'on leur a reproché de négliger en Irak.
Il se montre par ailleurs étrangement évasif ou passe rapidement sur des points plus graves. Les reponsables américains étaient-ils de bonne foi dans leurs discours sur l'Irak ? Croyaient-ils réellement à l'existence des armes de destruction massive ou bien à des liens organiques entre Saddam Hussein et Al-Qaeda ? Pour moi, la confirmation la plus incroyable du film est que, le 12 septembre, Bush et son entourage voulait déjà profiter des attentats pour régler son compte à Saddam Hussein. Il aurait peut-être suffi de quelques enquêtes supplémentaires pour prouver qu'à cette époque déjà, les liens vec l'Irak étaient totalement discrédités, auquel cas, cette réunion de crise au cours de laquelle les reponsables de la Nation ont décidé de faire l'impasse sur une menace réelle (et donc de sacrifier la sécurité de leurs concitoyens) pour poursuivre des objectifs personnels (enrichissement, atavisme familial,...), ferait voler en éclats l'image d'un George Bush dont le seul but est la défense du peuple américain. Ce genre de révélations serait en mesure, à elle seule, d'empêcher sa réélection. J'ai l'impression qu'elle était presque à portée de mains, mais Moore ne va pas au bout de son raisonnement. A-t-il eu peur ?
De plus, là où William Karel dans 'Le monde selon Bush' peint un portrait de Bush cohérent et assez convaincant : un être faible, dominé par son entourage et incapable de réfléchir par lui-même, Moore oscille entre cette vision des choses et celle d'un Bush tirant lui-même les ficelles (alors que si les informations du Monde sont exactes, Bush est un des seuls membres du gouvernement qui ne tirerait aucun profit direct de la guerre en Irak). Cette indécision déforce son propos, malgré cette image incroyable d'un Bush s'adressant à la Nation pour la mettre en garde du danger posé par les 'terroristes' avant de se vanter comme un enfant d'être doué au golf 'now look at that drive...'
Autre sujet d'ambivalence. Moore prend le risque, à travers deux ou trois séquences, de mettre les jeunes soldats sur la sellette, de blâmer leur ignorance ou leur inconscience, par exemple à travers l'interview de ces jeunes conducteurs de blindés expliquant que tirer sur des Irakiens la nuit en coutant du hard-rock est "the ultimate rush". Il aurait pu continuer sur cette voie en parlant des tortures à Abu Ghraib (il avait un instant pensé rajouter un chapitre à la version du film présentée à Cannes). Il n'en a rien fait, sans doute par peur de
s'opposer ainsi à ce qui semble être un consensus général à travers toute la société américaine : il faut apporter son soutien aux troupes ("support our boys"). A la place, il choisit pour conclure son film un autre angle d'attaque. Il explique comment l'Armée américaine part à la
pêche aux nouvelles recrues dans les quartiers les plus pauvres, comment elle leur fait miroiter une éducation tous frais payés, comment elle rétorque aux apprentis rappeurs que Shaggy aussi a été militaire, ou aux fans de basket que les équipes militaires sont un bon tremplin vers la
NBA. Ces séquences, en parallèle avec celles où des délégués de grands entreprises expliquent que l'Irak est pour l'instant le marché le plus porteur et une occasion unique de réaliser de plantureux bénéfices, sont très significatives dans un pays qui, 20 ans après la chute de l'"Empire du Mal", se vante d'avoir aboli le système de classes (ou en tout cas la "conscience de classe"). Le film se conclut ainsi sur une note quasi-marxisante : "Ce sont les gens issus des classes les plus défavorisées qui sont prêts à donner leur vie pour défendre le système responsable de leur asservissement. Tout ce qu'ils demandent en échange, c'est qu'on ne les envoie au casse-pipe qu'en cas d'extrême urgence, et pas pour l'enrichissement de quelques-uns."
Il faut tirer son chapeau à Michael Moore d'avoir réussi à faire un blockbuster (100 millions de dollars de recettes depuis ce week-end aux Etats-Unis) d'un film propageant ce genre de discours. Certes, on peut crier au populisme ou à la démagogie, mais lutte des classes et démagogie vont souvent de pair. Libre à chacun d'y accoler le terme qui convient le mieux à sa perception.
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Lorsque Tarantino et son jury ont décidé de décerner la Palme d'Or à Fahrenheit 9/11 (en prétendant, ce qui n'a pas aidé, que leur choix était guidé par des considérations uniquement artistiques, dans lesquelles la politique ne jouait aucun rôle), ils ne se sont dans doute pas rendus compte qu'il s'agirait, en France tout du moins, d'un cadeau empoisonné. Michael Moore qui, jusque là, bénéficiait d'une bienveillance bonhomme de la part de la critique s'est retrouvé dans une posture d'ennemi. Il n'est plus seulement le gentil Américain qui dénonce les excès de son pays, mais est devenu également la tête de pont d'une tentative, perçue d'inspiration Hollywoodienne, de soumettre le 'grand cinéma' dont Cannes est la vitrine attitrée, aux lois du marché et de l'"entertainment". Certes, Michael Moore fait du cinéma de divertissement, sans grande finesse et en n'ayant pas peur d'utiliser des grosses ficelles, mais cela, il l'a toujours fait (le 'toujours' est surtout de ma part une généralisation hâtive vu que je n'ai vu de lui
que Bowling for Columbine) et que l'on ne s'en offusque que maintenant est une amusante étrangeté, qui montre bien la volatilité des opinions que tout un chacun peut se former.
Fahrenheit 9/11 est un pamphlet, un genre que ceux (dont moi) qui ne fréquentent pas assidûment les programmations alternatives des cinémathèques ne connaissent guère. Ce n'est ni un documentaire (aucune prétention au détachement ou à l'objectivité), ni, évidemment, une fiction. Il s'agit plutôt d'un réquisitoire, entièrement à charge, qui poursuit un objectif avoué : convaincre les Américains de ne pas aller voter pour Bush en novembre 2004. De même qu'Hollywood produit des films dont l'unique raison d'être est de rentabiliser leur coût durant le premier week-end d'exploitation, Michael Moore a fait un film dont le but est trivial, précis et terre-à-terre. Ce n'est pas ce que l'on demande en général à une oeuvre d'art, dont on dit souvent qu'elle doit transmettre plus de questions que de réponses. Ici, Moore n'apporte que des réponses. Le problème est alors de savoir si ces réponses sont convaincantes. En d'autres termes, est-ce un bon pamphlet ? La question est d'autant plus complexe que le film ne nous est pas destiné. Ce n'est pas nous que Moore veut convaincre, mais ses compatriotes. Donc, finalement, ce qu'il faudrait pour juger de la réussite du film, c'est interroger tous les spectateurs américains à la sortie des salles de cinéma aux Etats-Unis et leur demander pour qui ils comptaient voter avant d'avoir vu le film et si leur opinion a changé. Tout le reste, c'est passer à côté du problème à mon avis. Ceci dit, ça ne m'empêchera pas de donner mon avis.
On a beaucoup reproché, de ce côté-ci de l'Atlantique, au film de ne rien apporter de neuf sur la table, de se contenter de régurgiter des informations connues. Ce n'est pas tout à fait exact. Le film apprendra certainement des choses à son public cible, et j'ai pour ma part également appris deux ou trois petites choses et vu des images inédites. Ainsi, celles de ce responsable taliban en visite au Texas, celles des responsables US minimisant, au début de l'année 2001, l'importance de l'arsenal de guerre irakien, celles des députés noir-américains, impuissants faute de l'appui d'un Sénateur, se relayant lors de l'investiture de Bush pour dénoncer la manipulation des élections (dommage que le film n'ait pas pris là une minute pour expliquer la procédure parce que c'est pour moi resté assez obscur), sans parler des images de la guerre en Irak elle-même, assez rares à la télévision. De même, j'ai été surpris de d'apprendre la réduction des fonds de défense nationale (la séquence illustrant la surveillance des côtes de l'Oregon est assez parlante, même si je suppose que des radars et des satellites font tout aussi bien, sinon mieux, le travail que Moore voudrait voir effectuer par des policiers) ou bien les pensions militaires rognées.
D'un autre côté, Michael Moore emploie des raccourcis et prend des libertés avec la vérité tellement énormes que, même si on le soutient entièrement dans son combat, on ne peut s'empêcher de renâcler. Ainsi, il présente l'Irak d'avant-guerre comme une sorte de paradis terrestre plein d'enfants aux dent blanches, il énonce une liste des membres de la "coalition of the willing" qui ne fait rien pour désamorcer l'image d'Américains tellement imbus d'eux-mêmes qu'ils se désintéressent absolument du reste du monde, quitte à flirter avec une certaine forme de racisme. Les pays les plus folkloriques sont présentés comme des pantins dont il faut se moquer et ceux a priori plus respectables sont tout simplement omis. Il succombe là à des travers (la simplification à outrance, le manichéisme, l'américano-centrisme, le recours à l'émotion) que l'on associerait ici assez volontiers à Bush.
De même, il se focalise parfois sur des détails qui me semblent n'avoir qu'une importance toute relative (le fait que le cousin de Bush ait été responsable de la couverture de la soirée électorale sur Fox News par exemple) ou bien se fait l'écho d'hypothèses auxquelles je ne crois guère. Encore maintenant, je pense que la guerre en Afghanistan était effectivement motivée par une envie de se défendre et la thèse du complot sur fond de pipe-line me semble un peu tirée par les cheveux. On pourrait tout aussi bien expliquer le retard pris par les opérations dans le pays par une envie de faire les choses dans les règles et d'arriver à un consensus international, soit exactement ce qu'on leur a reproché de négliger en Irak.
Il se montre par ailleurs étrangement évasif ou passe rapidement sur des points plus graves. Les reponsables américains étaient-ils de bonne foi dans leurs discours sur l'Irak ? Croyaient-ils réellement à l'existence des armes de destruction massive ou bien à des liens organiques entre Saddam Hussein et Al-Qaeda ? Pour moi, la confirmation la plus incroyable du film est que, le 12 septembre, Bush et son entourage voulait déjà profiter des attentats pour régler son compte à Saddam Hussein. Il aurait peut-être suffi de quelques enquêtes supplémentaires pour prouver qu'à cette époque déjà, les liens vec l'Irak étaient totalement discrédités, auquel cas, cette réunion de crise au cours de laquelle les reponsables de la Nation ont décidé de faire l'impasse sur une menace réelle (et donc de sacrifier la sécurité de leurs concitoyens) pour poursuivre des objectifs personnels (enrichissement, atavisme familial,...), ferait voler en éclats l'image d'un George Bush dont le seul but est la défense du peuple américain. Ce genre de révélations serait en mesure, à elle seule, d'empêcher sa réélection. J'ai l'impression qu'elle était presque à portée de mains, mais Moore ne va pas au bout de son raisonnement. A-t-il eu peur ?
De plus, là où William Karel dans 'Le monde selon Bush' peint un portrait de Bush cohérent et assez convaincant : un être faible, dominé par son entourage et incapable de réfléchir par lui-même, Moore oscille entre cette vision des choses et celle d'un Bush tirant lui-même les ficelles (alors que si les informations du Monde sont exactes, Bush est un des seuls membres du gouvernement qui ne tirerait aucun profit direct de la guerre en Irak). Cette indécision déforce son propos, malgré cette image incroyable d'un Bush s'adressant à la Nation pour la mettre en garde du danger posé par les 'terroristes' avant de se vanter comme un enfant d'être doué au golf 'now look at that drive...'
Autre sujet d'ambivalence. Moore prend le risque, à travers deux ou trois séquences, de mettre les jeunes soldats sur la sellette, de blâmer leur ignorance ou leur inconscience, par exemple à travers l'interview de ces jeunes conducteurs de blindés expliquant que tirer sur des Irakiens la nuit en coutant du hard-rock est "the ultimate rush". Il aurait pu continuer sur cette voie en parlant des tortures à Abu Ghraib (il avait un instant pensé rajouter un chapitre à la version du film présentée à Cannes). Il n'en a rien fait, sans doute par peur de
s'opposer ainsi à ce qui semble être un consensus général à travers toute la société américaine : il faut apporter son soutien aux troupes ("support our boys"). A la place, il choisit pour conclure son film un autre angle d'attaque. Il explique comment l'Armée américaine part à la
pêche aux nouvelles recrues dans les quartiers les plus pauvres, comment elle leur fait miroiter une éducation tous frais payés, comment elle rétorque aux apprentis rappeurs que Shaggy aussi a été militaire, ou aux fans de basket que les équipes militaires sont un bon tremplin vers la
NBA. Ces séquences, en parallèle avec celles où des délégués de grands entreprises expliquent que l'Irak est pour l'instant le marché le plus porteur et une occasion unique de réaliser de plantureux bénéfices, sont très significatives dans un pays qui, 20 ans après la chute de l'"Empire du Mal", se vante d'avoir aboli le système de classes (ou en tout cas la "conscience de classe"). Le film se conclut ainsi sur une note quasi-marxisante : "Ce sont les gens issus des classes les plus défavorisées qui sont prêts à donner leur vie pour défendre le système responsable de leur asservissement. Tout ce qu'ils demandent en échange, c'est qu'on ne les envoie au casse-pipe qu'en cas d'extrême urgence, et pas pour l'enrichissement de quelques-uns."
Il faut tirer son chapeau à Michael Moore d'avoir réussi à faire un blockbuster (100 millions de dollars de recettes depuis ce week-end aux Etats-Unis) d'un film propageant ce genre de discours. Certes, on peut crier au populisme ou à la démagogie, mais lutte des classes et démagogie vont souvent de pair. Libre à chacun d'y accoler le terme qui convient le mieux à sa perception.
jeudi, juillet 22
Mein Teil
On peut accéder à la vidéo du nouveau single de Rammstein via ce lien. Je n'ai jamais été très client de ce que fait le groupe, mais je dois bien avouer être assez impatient d'entendre ce que les Pet Shop Boys vont bien pouvoir faire de cette chanson (le single sort ce lundi en Allemagne). Par le passé, ils se sont déjà attelés à remixer des chansons improbables, avec des succès divers. Leurs remixes de 'Walking on thin ice' de Yoko Ono ou de 'Hallo Spaceboy' de Bowie par exemple étaient parfaits, celui de 'Mope' du Bloodhound Gang était en revanche un peu en-dessous, malgré une savoureuse référence à Falco. Si on en croit 'Jack & Jill Party', le single qu'ils ont écrit et produit pour Pete Burns (l'ex-chanteur de Dead or Alive), leur son est redevenu très électronique, presque 'dark', dans la lignée de 'Time on my hands' (la chanson qui ouvrait Disco 3 et faisait furieusement penser à du Front 242). On peut penser que ce remixe suivra les mêmes lignes. Plus que huit fois dormir et on devrait en savoir plus.
Top pop
Et pour terminer, mon classement des meilleures chansons pop-radio-MTV du semestre :
- Britney Spears : Toxic + Everytime
- JC Chasez : All day long I dream about sex (la version de l'album)
- O-Zone : Dragostea din tei
- Rachel Stevens : Some girls
- Jamelia : See it in a boy's eye
- Black-Eyed Peas : Shut up (tout juste en 2004 je pense)
- D-Side : Pushing me out
- The Rasmus : In the shadows
- Britney Spears : Toxic + Everytime
- JC Chasez : All day long I dream about sex (la version de l'album)
- O-Zone : Dragostea din tei
- Rachel Stevens : Some girls
- Jamelia : See it in a boy's eye
- Black-Eyed Peas : Shut up (tout juste en 2004 je pense)
- D-Side : Pushing me out
- The Rasmus : In the shadows
mercredi, juillet 21
L'avant-dernier de la série
Cette fois, ce seront les meilleurs albums du premier semestre 2004. Sachant que je n'ai pas dû écouter attentivement plus d'une vingtaine de nouveautés durant ces six derniers mois, j'espère que chacun réalisera l'absurdité de la démarche. Presque tout le monde gagne.
- Scissor Sisters : Scissor Sisters
- Hope of the States : The lost riots
- Morrissey : You are the quarry
- JC Chasez : Schizophrenic
- Franz Ferdinand : Franz Ferdinand
- The Zutons : Who killed the Zutons?
- Max Richter : The blue notebooks
- Pan Sonic : Kesto
- Adem : Homesongs
- Einstürzende Neubauten : Perpetuum Mobile
- Scissor Sisters : Scissor Sisters
- Hope of the States : The lost riots
- Morrissey : You are the quarry
- JC Chasez : Schizophrenic
- Franz Ferdinand : Franz Ferdinand
- The Zutons : Who killed the Zutons?
- Max Richter : The blue notebooks
- Pan Sonic : Kesto
- Adem : Homesongs
- Einstürzende Neubauten : Perpetuum Mobile
mardi, juillet 20
Top déceptions
Je poursuis ma série de classements sans suite par les déceptions et hypes démesurées du semestre. Le premier gagnant haut la main le prix de l'album le plus surestimé.
- The Streets : A grand don't come for free
- Lambchop : Aw Cmon/No Cmon
- TV on the radio : Desperate youth, Blood thirsty babes
- The Cure : The Cure
- The Vines : Winning days
et quand j'aurai écouté l'album de Razorlight, mon petit doigt me dit que je pourrai l'ajouter à cette liste.
EDIT 21/07/2004 : On n'écoute jamais assez son petit doigt.
- The Streets : A grand don't come for free
- Lambchop : Aw Cmon/No Cmon
- TV on the radio : Desperate youth, Blood thirsty babes
- The Cure : The Cure
- The Vines : Winning days
et quand j'aurai écouté l'album de Razorlight, mon petit doigt me dit que je pourrai l'ajouter à cette liste.
EDIT 21/07/2004 : On n'écoute jamais assez son petit doigt.
Chansons à voir
Il existe en Angleterre un terme dont je n'ai jamais réellement compris le sens, 'novelty song', qui désigne apparemment ces chansons à base de mélodies simplistes et de chorégraphies ringardes, qui régulièrement deviennent des tubes de l'été en Europe. C'est clairement un terme péjoratif et des débats homériques sont régulièrement tenus pour savoir si telle ou telle chanson est une inavouable 'novelty song' ou bien simplement une très bonne chanson pop déjantée. L'année dernière, ce fut 'Asereje' par Las Ketchup. Cette année, c'est 'Dragostea din tei' de O-Zone (deux excellentes chansons à mon avis). Il en est d'autres qui mettent tout le monde d'accord ceci dit, par exemple 'La danse des canards' ou 'Agadoo doo doo pousse la nana et mouds le café'.
Les deux chansons qui suivent ne devraient pas non plus générer des débats sans fin. Je vous présente donc un Jordy chinois, dont je ne sais rien (peut-être même n'est-ce pas une chanson réellement sortie mais un sketch des Inconnus locaux, qui sait ?) et le déjà mythique 'You touch my tralala, my ding ding dong' de Gunther.
Merci à Laurent de la np.
Les deux chansons qui suivent ne devraient pas non plus générer des débats sans fin. Je vous présente donc un Jordy chinois, dont je ne sais rien (peut-être même n'est-ce pas une chanson réellement sortie mais un sketch des Inconnus locaux, qui sait ?) et le déjà mythique 'You touch my tralala, my ding ding dong' de Gunther.
Merci à Laurent de la np.
lundi, juillet 19
Voix et guitares en bois
On dit souvent que c'est dans les vieilles marmites que l'on fait les meilleures soupes. Or, il est difficile de trouver marmite plus usagée que celle où, depuis des années, des garçons sensibles jettent en vrac leurs tourments, leurs voix mal assurées, et les mélodies délicates qu'ils découvrent en se gratouillant la six-cordes affalés sur leur lit, les yeux dans le vague (c'est en gros ce que j'appelle ici le 'folk', faute d'un terme plus adapté). Pourtant, à écouter trois disques sortis récemment, il semble bien que le choix de la marmite n'est pas tout et que, pour obtenir un bon potage, il ne faut pas hésiter à faire preuve d'un brin d'imagination dans le choix des ingrédients qu'on y plonge.
Les Kings of Convenience sont déjà des vieux routiers. Ils furent à la pointe il y a deux ou trois ans de l'éphémère 'New Acoustic Movement' que le NME tenta de lancer, avec les Turin Brakes notamment. Je garde de leur premier album (dont le titre sonnait comme un manifeste Quiet is the new loud) le souvenir d'un disque enchanteur, léger, cristallin, plein de mélodies bondissantes où leurs deux voix se chevauchaient sans cesse. Depuis, ils avaient sorti un album de remixes un peu décevant et l'un d'ente eux, Erlend Oye, s'était même découvert une vocation de DJ et avait sorti un album surfant sur la vague électroclash, enregistré au gré de ses rencontres. J'attendais donc avec une certaine impatience ce nouvel album en duo, me demandant comment ils allaient incorporer ces nouvelles influences dans leur musique. La réponse est de ce point de vue assez simple. Ils ne l'ont pas fait, d'où une pointe de déception. Certes, ils n'ont pas perdu leur sens de la phrase accrocheuse, certes l'album dégage toujours le charme délicat d'un pique-nique champêtre dans une clairière ensoleillée. Pourtant, maintenant que l'on en sait un peu plus sur les références musicales d'Erlend Oye et que l'effet de surprise ne joue plus, le charme n'opère plus tout à fait de la même façon et l'ensemble apparait un peu trop 'fabriqué', d'autant que la seconde moitié du disque où semblent rassemblées les chansons calmes marque à mon avis une nette baisse d'inspiration. Ce n'est en rien un mauvais disque, mais on en vient pourtant parfois à se demander si le monde avait vraiment encore besoin de nouveaux Art et Garfunkel, maintenant que les originaux se sont reformés.
Devendra Banhart envisage quant à lui son rôle de troubadour moderne d'une manière beaucoup moins conventionnelle, et son nouvel album génère sur la longueur un vrai sentiment d'étrangeté. Même si on se trouve à première vue en terrain connu, la joliesse de ses compositions et la fragilité de sa voix semblent toujours prêtes à céder la place à quelque chose de beacoup plus sinistre. Des accidents semblent venir en permanence mettre les chansons en danger et effectivement, parfois, sans crier gare, certaines basculent complètement et on se retrouve face à des morceaux qui ne dépareraient pas sur 'The Anthology of American Folk Music' (This beard is for Siobhan par exemple). Brusquement, on cesse d'entendre un jeune Canadien bien de sa personne sculptant avec compétence des petites miniatures folk pour imaginer un bluesman presque mort se lamentant sur son sort avec une voix tour à tour lasse et furieuse qui semble émaner du fond des âges. Durant les premières écoutes, le disque semble ainsi régulièrement osciller entre deux visages irréconciliables. Puis, au fur et à mesure que l'on se familiarise avec les chansons, on se rend compte qu'en fait le disque est d'une grande homogénéité et que le petit faiseur folk n'a jamais existé que dans notre armoire à stéréotypes et que le disque est tout entier l'oeuvre d'un vieux bluesman oublié. Comment ce dernier s'est retrouvé dans la peau d'un jeune Canadien d'à peine 20 ans reste cependant un mystère. En tout état de cause, lorsque le micro-label Hinah a déniché les premières démos de Devendra Banhart il y a deux ans, ils ont indéniablement eu du flair.
L'album de Gravenhurst sillonne de nouveau le même terrain. Toutes les chansons sont basées sur le binôme guitare et voix, et on entend même de temps en temps un harmonica dans la plus pure tradition folk 70s. Mais, au contraire de Devendra Banhart qui a renouvelé le genre en allant puiser dans le passé, Gravenhurst s'est tourné vers une production contemporaine qui, par petites touches d'orgues ou quelque effets d'échos, tire ses chansons classiques vers une douceur cotonneuse qui rappelle Mojave 3 par exemple. On pense aussi par moments à un Maximilian Hecker qui aurait remplacé le piano par la guitare. Même sens des atmosphères, même délicatesse, même fragilité. L'ensemble intrigue, sans doute parce qu'il ne semble jamais se contenter de suivre à la lettre une recette existante. Cette mise au goût du jour de la grammaire habituelle du folk n'étonne guère sur un label tel que Warp, qui n'était pas jusqu'ici vraiment connu pour ses obsessions passéistes.
Les Kings of Convenience sont déjà des vieux routiers. Ils furent à la pointe il y a deux ou trois ans de l'éphémère 'New Acoustic Movement' que le NME tenta de lancer, avec les Turin Brakes notamment. Je garde de leur premier album (dont le titre sonnait comme un manifeste Quiet is the new loud) le souvenir d'un disque enchanteur, léger, cristallin, plein de mélodies bondissantes où leurs deux voix se chevauchaient sans cesse. Depuis, ils avaient sorti un album de remixes un peu décevant et l'un d'ente eux, Erlend Oye, s'était même découvert une vocation de DJ et avait sorti un album surfant sur la vague électroclash, enregistré au gré de ses rencontres. J'attendais donc avec une certaine impatience ce nouvel album en duo, me demandant comment ils allaient incorporer ces nouvelles influences dans leur musique. La réponse est de ce point de vue assez simple. Ils ne l'ont pas fait, d'où une pointe de déception. Certes, ils n'ont pas perdu leur sens de la phrase accrocheuse, certes l'album dégage toujours le charme délicat d'un pique-nique champêtre dans une clairière ensoleillée. Pourtant, maintenant que l'on en sait un peu plus sur les références musicales d'Erlend Oye et que l'effet de surprise ne joue plus, le charme n'opère plus tout à fait de la même façon et l'ensemble apparait un peu trop 'fabriqué', d'autant que la seconde moitié du disque où semblent rassemblées les chansons calmes marque à mon avis une nette baisse d'inspiration. Ce n'est en rien un mauvais disque, mais on en vient pourtant parfois à se demander si le monde avait vraiment encore besoin de nouveaux Art et Garfunkel, maintenant que les originaux se sont reformés.
Devendra Banhart envisage quant à lui son rôle de troubadour moderne d'une manière beaucoup moins conventionnelle, et son nouvel album génère sur la longueur un vrai sentiment d'étrangeté. Même si on se trouve à première vue en terrain connu, la joliesse de ses compositions et la fragilité de sa voix semblent toujours prêtes à céder la place à quelque chose de beacoup plus sinistre. Des accidents semblent venir en permanence mettre les chansons en danger et effectivement, parfois, sans crier gare, certaines basculent complètement et on se retrouve face à des morceaux qui ne dépareraient pas sur 'The Anthology of American Folk Music' (This beard is for Siobhan par exemple). Brusquement, on cesse d'entendre un jeune Canadien bien de sa personne sculptant avec compétence des petites miniatures folk pour imaginer un bluesman presque mort se lamentant sur son sort avec une voix tour à tour lasse et furieuse qui semble émaner du fond des âges. Durant les premières écoutes, le disque semble ainsi régulièrement osciller entre deux visages irréconciliables. Puis, au fur et à mesure que l'on se familiarise avec les chansons, on se rend compte qu'en fait le disque est d'une grande homogénéité et que le petit faiseur folk n'a jamais existé que dans notre armoire à stéréotypes et que le disque est tout entier l'oeuvre d'un vieux bluesman oublié. Comment ce dernier s'est retrouvé dans la peau d'un jeune Canadien d'à peine 20 ans reste cependant un mystère. En tout état de cause, lorsque le micro-label Hinah a déniché les premières démos de Devendra Banhart il y a deux ans, ils ont indéniablement eu du flair.
L'album de Gravenhurst sillonne de nouveau le même terrain. Toutes les chansons sont basées sur le binôme guitare et voix, et on entend même de temps en temps un harmonica dans la plus pure tradition folk 70s. Mais, au contraire de Devendra Banhart qui a renouvelé le genre en allant puiser dans le passé, Gravenhurst s'est tourné vers une production contemporaine qui, par petites touches d'orgues ou quelque effets d'échos, tire ses chansons classiques vers une douceur cotonneuse qui rappelle Mojave 3 par exemple. On pense aussi par moments à un Maximilian Hecker qui aurait remplacé le piano par la guitare. Même sens des atmosphères, même délicatesse, même fragilité. L'ensemble intrigue, sans doute parce qu'il ne semble jamais se contenter de suivre à la lettre une recette existante. Cette mise au goût du jour de la grammaire habituelle du folk n'étonne guère sur un label tel que Warp, qui n'était pas jusqu'ici vraiment connu pour ses obsessions passéistes.
Tops tops tops
Parce qu'il n'est rien de plus satisfaisant pour l'esprit que de ranger des disques dans des petites boîtes numérotées, parce que même Supercoin s'y est mis, parce que les tops sont myopes (oh oh) et que c'est donc un exercice qu'il faut effectuer régulièrement, et surtout parce que c'est vite fait (surtout si on ne commente pas), je vais dresser dans les prochains jours quelques classements divers et variés relatifs au premier semestre 2004. Je n'ai pas eu la discipline nécessaire pour en faire un rendez-vous hebdomadaire mais j'espère que ma paresse habituelle me permettra de tenir un rythme bi-annuel (d'autant que six mois c'est long et que je ne jurerais pas que ces pages existeront encore en décembre).
Je commence par les meilleurs disques de 2003 découverts en 2004
- Johnny Cash - Unearthed
- The Hidden Cameras - The smell of our own
- Sun Kil Moon - Ghost of the great highway
- The Coral- Nightfreaks and the sons of Becker
- Basement Jaxx - Kish Kash
Je commence par les meilleurs disques de 2003 découverts en 2004
- Johnny Cash - Unearthed
- The Hidden Cameras - The smell of our own
- Sun Kil Moon - Ghost of the great highway
- The Coral- Nightfreaks and the sons of Becker
- Basement Jaxx - Kish Kash
vendredi, juillet 16
La ferme, les animaux !
Comment dénoncer la marchandisation de la musique en ces temps de globalisation galopante ? Comment faire comprendre au grand public que les musiciens sont essentiellement devenus des vaches à lait que des grandes multinationales vont traire jusqu'à ce que, ayant donné tout ce qu'elles avaient en elles, elles se dessèchent et que leurs carcasses soient laissées à pourrir dans les bacs à soldes ? Comment lui faire percevoir que, à chaque disque acheté, les artistes voient une part de leur humanité se perdre dans la brume des illusions perdues ? Sans doute est-ce la question que se sont posé deux groupes de métal avant de décider d'utiliser des animaux comme chanteurs.
Enfin.... disons que ça, c'est l'hypothèse haute. L'hypothèse basse serait plutôt Michael qui arrive au studio de répét' en disant "Uh.. huh.. Uh.. huh. J'écoutais Sepultura tranquille avec une bière dans mon fauteuil et y a Max qui a commencé à grogner/hennir/aboyer/miauler/caqueter comme un fou. La musique devait l'exciter, mais ça collait hyper bien avec le disque, c'était trop bizarre. Ca m'a donné une idée dingue. Comme Kevin a la pharyngite, on devrait prendre Max pour les vocaux, ce serait trop la mort." et le groupe de renchérir : "Ah... ah... ah... Cooooool."(*)
Quelle que soit la raison réelle, cela existe. D'un côté, nous avons donc Caninus, dont le chanteur est un bulldog. De l'autre, Hatebeak dont le chanteur est Waldo, un perroquet (même si à l'écoute, ça ressemble plus à un cheval qu'à autre chose). La légende veut que, ce dernier ayant horreur du bruit, ses vocaux soient enregistrés à part.
Dans tous les cas, ça s'écoute là et là. Avouez que ça aurait été dommage que je ne vous en fasse pas profiter.
Merci à Popbitch.
(*) Ami métalleux, si tu me lis, sache que je suis le premier navré de propager ces stéréotypes consternants.
Enfin.... disons que ça, c'est l'hypothèse haute. L'hypothèse basse serait plutôt Michael qui arrive au studio de répét' en disant "Uh.. huh.. Uh.. huh. J'écoutais Sepultura tranquille avec une bière dans mon fauteuil et y a Max qui a commencé à grogner/hennir/aboyer/miauler/caqueter comme un fou. La musique devait l'exciter, mais ça collait hyper bien avec le disque, c'était trop bizarre. Ca m'a donné une idée dingue. Comme Kevin a la pharyngite, on devrait prendre Max pour les vocaux, ce serait trop la mort." et le groupe de renchérir : "Ah... ah... ah... Cooooool."(*)
Quelle que soit la raison réelle, cela existe. D'un côté, nous avons donc Caninus, dont le chanteur est un bulldog. De l'autre, Hatebeak dont le chanteur est Waldo, un perroquet (même si à l'écoute, ça ressemble plus à un cheval qu'à autre chose). La légende veut que, ce dernier ayant horreur du bruit, ses vocaux soient enregistrés à part.
Dans tous les cas, ça s'écoute là et là. Avouez que ça aurait été dommage que je ne vous en fasse pas profiter.
Merci à Popbitch.
(*) Ami métalleux, si tu me lis, sache que je suis le premier navré de propager ces stéréotypes consternants.
mercredi, juillet 14
D'Amsterdam à Liverpool
Il y a un type de chansons auquel j'ai toujours accolé le terme de 'pop parfaite'. Ce ne sont pas les chansons que l'on entend tous les jours à la radio qui, pour efficaces qu'elles soient, donnent rarement l'impression d'avoir été écrites avec facilité. Tout, de la production à l'écriture, y est le résultat d'un patient travail d'assemblage, qu'on ne peut ignorer. Au contraire, j'associe le qualificatif de 'pop parfaite' à des chansons qui donnent une impression d'évidence, dont on se demande comment il est possible qu'elles n'aient jamais été écrites auparavant. Parfois, ce sont des tubes (Lemon Tree de Fool's Garden par exemple). Le plus souvent, pourtant, ce sont des chansons plus obscures.
Pendant des années (entre 82 et 93 environ), mes pourvoyeurs en ce domaine furent les Nits dont les albums laissaient toujours une terrassante impression de fluidité dans l'écriture. Puis, à partir de Alankomaat (et le départ de leur claviériste historique), ils ont bifurqué vers autre chose, une sorte de jazz-pop enfumé, très agréable à entendre mais qui ne donnait que rarement envie de taper du pied. Ils sont récemment revenus à leurs premières amours avec un formidable nouvel album à la fin de l'année dernière ('1974') mais il n'empêche qu'entre 1994 et 2001, à quelques rares exceptions près (le premier album des Catchers par exemple), je n'avais plus de groupes qui pouvaient étancher routinièrement ma soif de chansons évidentes. Fin 2001, le salut est arrivé sous la forme de The Coral, le groupe de Liverpool qui a commencé à aligner sans sourciller les chansons imparables à un rythme proprement effrayant. Outre les titres présents sur leurs deux albums et demi, ils joignaient en effet à tous leurs singles un minimum de trois inédits.
Dans la foulée, Liverpool a révélé une poignée de groupes partageant les mêmes influences. Il y eut d'abord The Bandits, dont le chanteur semblait cultiver un troublant mimétisme vocal avec James Skelly, mais j'ai appris hier qu'ils avaient splitté. Dommage, leur premier album était très bon.
Plus récemment apparurent les Zutons dont j'ai enfin reçu l'album. Apparemment, il est de bon ton de dire que The Zutons, c'est un peu The Coral si ceux-ci, au lieu d'écouter de la pop des années 60, avaient été fans de soul et de rock 70s. Le NME n'arrête par exemple pas de parler de saxophones en parlant de leur musique, histoire de bien mettre en évidence leurs racines 'soul'. J'adorerais renchérir (il faut reconnaitre que ça en jette comme description, et j'aime bien, par principe, être d'accord avec le NME), mais j'ai beau écouter l'album, je n'entends pas une seule note de saxophone. Je dois être sourd. Donc, je dirai juste que l'album des Zutons est un formidable album 'à la The Coral' et un bon moyen de patienter en attendant que ces derniers redescendent sur terre assez longtemps pour se remettre à écrire. Il me reste maintenant à partir en chasse de leurs B-sides, parce que s'ils sont aussi prolifiques que leurs collègues de label, j'ai encore des heures de plaisir en perspective.
PS : L'album des Scissor Sisters aussi se pose là en matière de pop parfaite.
Pendant des années (entre 82 et 93 environ), mes pourvoyeurs en ce domaine furent les Nits dont les albums laissaient toujours une terrassante impression de fluidité dans l'écriture. Puis, à partir de Alankomaat (et le départ de leur claviériste historique), ils ont bifurqué vers autre chose, une sorte de jazz-pop enfumé, très agréable à entendre mais qui ne donnait que rarement envie de taper du pied. Ils sont récemment revenus à leurs premières amours avec un formidable nouvel album à la fin de l'année dernière ('1974') mais il n'empêche qu'entre 1994 et 2001, à quelques rares exceptions près (le premier album des Catchers par exemple), je n'avais plus de groupes qui pouvaient étancher routinièrement ma soif de chansons évidentes. Fin 2001, le salut est arrivé sous la forme de The Coral, le groupe de Liverpool qui a commencé à aligner sans sourciller les chansons imparables à un rythme proprement effrayant. Outre les titres présents sur leurs deux albums et demi, ils joignaient en effet à tous leurs singles un minimum de trois inédits.
Dans la foulée, Liverpool a révélé une poignée de groupes partageant les mêmes influences. Il y eut d'abord The Bandits, dont le chanteur semblait cultiver un troublant mimétisme vocal avec James Skelly, mais j'ai appris hier qu'ils avaient splitté. Dommage, leur premier album était très bon.
Plus récemment apparurent les Zutons dont j'ai enfin reçu l'album. Apparemment, il est de bon ton de dire que The Zutons, c'est un peu The Coral si ceux-ci, au lieu d'écouter de la pop des années 60, avaient été fans de soul et de rock 70s. Le NME n'arrête par exemple pas de parler de saxophones en parlant de leur musique, histoire de bien mettre en évidence leurs racines 'soul'. J'adorerais renchérir (il faut reconnaitre que ça en jette comme description, et j'aime bien, par principe, être d'accord avec le NME), mais j'ai beau écouter l'album, je n'entends pas une seule note de saxophone. Je dois être sourd. Donc, je dirai juste que l'album des Zutons est un formidable album 'à la The Coral' et un bon moyen de patienter en attendant que ces derniers redescendent sur terre assez longtemps pour se remettre à écrire. Il me reste maintenant à partir en chasse de leurs B-sides, parce que s'ils sont aussi prolifiques que leurs collègues de label, j'ai encore des heures de plaisir en perspective.
PS : L'album des Scissor Sisters aussi se pose là en matière de pop parfaite.
mardi, juillet 13
En vitesse
- Moby ne va pas mieux. D'abord, il va voir des matches de cricket dégénéré (aussi appelé base-ball de par là-bas). Ensuite, il s'étonne que durant un match les joueurs professionnels restent concentrés tandis que les spectateurs le sont moins. Pour ne rien arranger, il prend des photos floues depuis les fenêtres de son taxi. Pour finir, il y voit des fantômes.
- Comme chaque année, les Inrocks profitent de l'été pour parler de la pop, sous l'angle cette semaine des tubes de l'été. Comme chaque année, ils le font avec condescendance (cfr l'article de Christophe Conte qui m'a laissé tout tremblotant de colère sur mon siège). Comme chaque année, je me demande pourquoi les Inrocks n'hésitent pas à ruer dans les brancards en matière de cinéma et restent dans une optique d'intégrisme froid pour tout ce qui touche à la musique. Puis, cette année, une petite surprise. Leur nouvelle recrue censée couvrir le segment djeune "arènnebijsépaquoi" (terme déposé), Johanna Séban, a le bon goût de reconnaître du génie à Dragostea Din Tei. Hourrah.
Ceci dit, comme chaque année, je vais plutôt relire le NME. Il y a un article sur Rachel Stevens, et pour être honnête, 'Some Girls' est encore bien meilleur que 'Dragostea Din Tei'.
- Comme chaque année, les Inrocks profitent de l'été pour parler de la pop, sous l'angle cette semaine des tubes de l'été. Comme chaque année, ils le font avec condescendance (cfr l'article de Christophe Conte qui m'a laissé tout tremblotant de colère sur mon siège). Comme chaque année, je me demande pourquoi les Inrocks n'hésitent pas à ruer dans les brancards en matière de cinéma et restent dans une optique d'intégrisme froid pour tout ce qui touche à la musique. Puis, cette année, une petite surprise. Leur nouvelle recrue censée couvrir le segment djeune "arènnebijsépaquoi" (terme déposé), Johanna Séban, a le bon goût de reconnaître du génie à Dragostea Din Tei. Hourrah.
Ceci dit, comme chaque année, je vais plutôt relire le NME. Il y a un article sur Rachel Stevens, et pour être honnête, 'Some Girls' est encore bien meilleur que 'Dragostea Din Tei'.
Au voleur !!!
Depuis des années, un pan entier de notre société vivait dans l'oppression, ostracisé par un apartheid culturel injuste. Alors que les médias de masse (Arthur en tête) nous vendent une nostalgie sur le mode Casimir-Goldorak-Emile et Images, quelles ressources ont pour s'attendrir sur leur passé les gens qui sont passés à côté de la culture populaire de cette époque ? Ceux qui ne regardaient pas la télé mais lisaient des romans, n'allaient pas voir le Grand Bleu mais Woody Allen, n'écoutaient pas le Top 50 mais Joy Division ou les Smiths. La tribu pré-Inrockuptible, si il fallait vraiment lui donner un nom, n'aurait-elle pas droit à sa Madeleine de Proust de masse, la possibilité de s'attendrir de concert devant des références communes ? Cela ne pouvait durer, il fallait agir. C'est ce qu'a bien compris Vincent Delerm, qui semble ainsi baser son écriture sur une énumération des souvenirs culturellement corrects des universitaires et des fil(le)s de bonne famille (qui sont bien souvent les mêmes).
Je partage bon nombre des références égrénées par Delerm : le fétichisme des collections de livres de poche, les références à Modiano, à Deutsche Grammophon, etc.... Pourtant, une amie qui me connait bien, m'avait dit que ce n'était pas un chanteur pour moi, que je ne devais pas écouter ses disques et que ça allait me mettre de mauvaise humeur. Je ne l'ai pas crue. J'aurais dû.
Très vite, cette litanie de noms, d'oeuvres, de marques, égrénée avec suffisance devient en effet insupportable. A chaque fois qu'apparait un nom qui fait partie de mon inconscient personnel (prenons Sergi Bruguera par exemple), je n'ai qu'une seule envie, l'occulter, l'oublier au plus vite, me convaincre qu'il ne m'évoque rien, de peur de me retrouver dans la vision du monde véhiculée par ce disque. Pourquoi tant de haine ? Une raison épidermique tout d'abord : la voix. Delerm chante (je ne suis pas sûr que ce soit le bon mot) sur un ton à ce point affecté qu'il devient pour moi une barrière infranchissable, derrière laquelle je ne perçois plus aucune humanité. Je ne conçois pas que des êtres de chair et de sang puissent parler ainsi, en tout cas pas ceux avec lesquels je pourrais partager des souvenirs autour d'un verre. Dès lors, il m'apparait plus comme une sorte d'entomologiste-braconnier venant chasser les papillons de ma jeunesse (oh oh) pour les épingler dans une vitrine au coeur d'un musée auquel je n'ai pas accès. Ces lambeaux de mémoire qui me sont chers, il les inscrit dans une vision de la vie qui m'est étrangère (un sorte de dandysme snob trop conscient de lui-même) et donc quelque part m'en dépossède.
Et puis, franchement, comment pourrais-je partager sans honte des
souvenirs avec quelqu'un qui ose écrire sans la moindre trace d'ironie : "des Anglaises pâlichonnes avec Joy Division (prononcé Djoï Divizionne, pour la rime, parce que bon, les rimes c'est important)" ou encore "du Henri Dutilleux quand elle relit Bourdieu (Chez ces gens-là, on ne lit pas Bourdieu. Non. On relit Bourdieu), ou bien encore faire rimer Telemann avec François Feldman ? La réponse est simple, je ne peux pas, et surtout je ne veux pas.
Je partage bon nombre des références égrénées par Delerm : le fétichisme des collections de livres de poche, les références à Modiano, à Deutsche Grammophon, etc.... Pourtant, une amie qui me connait bien, m'avait dit que ce n'était pas un chanteur pour moi, que je ne devais pas écouter ses disques et que ça allait me mettre de mauvaise humeur. Je ne l'ai pas crue. J'aurais dû.
Très vite, cette litanie de noms, d'oeuvres, de marques, égrénée avec suffisance devient en effet insupportable. A chaque fois qu'apparait un nom qui fait partie de mon inconscient personnel (prenons Sergi Bruguera par exemple), je n'ai qu'une seule envie, l'occulter, l'oublier au plus vite, me convaincre qu'il ne m'évoque rien, de peur de me retrouver dans la vision du monde véhiculée par ce disque. Pourquoi tant de haine ? Une raison épidermique tout d'abord : la voix. Delerm chante (je ne suis pas sûr que ce soit le bon mot) sur un ton à ce point affecté qu'il devient pour moi une barrière infranchissable, derrière laquelle je ne perçois plus aucune humanité. Je ne conçois pas que des êtres de chair et de sang puissent parler ainsi, en tout cas pas ceux avec lesquels je pourrais partager des souvenirs autour d'un verre. Dès lors, il m'apparait plus comme une sorte d'entomologiste-braconnier venant chasser les papillons de ma jeunesse (oh oh) pour les épingler dans une vitrine au coeur d'un musée auquel je n'ai pas accès. Ces lambeaux de mémoire qui me sont chers, il les inscrit dans une vision de la vie qui m'est étrangère (un sorte de dandysme snob trop conscient de lui-même) et donc quelque part m'en dépossède.
Et puis, franchement, comment pourrais-je partager sans honte des
souvenirs avec quelqu'un qui ose écrire sans la moindre trace d'ironie : "des Anglaises pâlichonnes avec Joy Division (prononcé Djoï Divizionne, pour la rime, parce que bon, les rimes c'est important)" ou encore "du Henri Dutilleux quand elle relit Bourdieu (Chez ces gens-là, on ne lit pas Bourdieu. Non. On relit Bourdieu), ou bien encore faire rimer Telemann avec François Feldman ? La réponse est simple, je ne peux pas, et surtout je ne veux pas.
samedi, juillet 10
D'un meilleur groupe du monde à l'autre
Aujourd'hui, Neil Tennant (des Pet Shop Boys) a 50 ans, l'âge de la respectabilité, l'âge des médailles en chocolat offertes par la reine d'Angleterre, l'âge des bilans, l'âge de la sagesse, en attendant celui des tarifs réduits dans les bus.
Que lui reste-t-il à accomplir avec les années qu'il lui reste ? On lui a déjà demandé de remplacer Chostakovitch pour la bande-son du Cuirassée Potemkine (les historiens du cinéma vont protester, mais je fais semblant de rien), il a déjà remixé la femme de John Lennon, écrit des chansons pour l'ex-femme du chanteur du groupe dans lequel joue le fils de Ringo Starr, envoyé une tarte sur la figure de Barbara Windsor, remixé le plus gros tube de l'ennemi juré du chanteur du groupe dans lequel joue le fils de Ringo Starr, fait des reprises d'un futur Prix Nobel de la paix, d'un musicien décadent allemand et du fondateur du rock'n'roll, collaboré avec des cinéastes expérimentaux, des artistes contemporains et des architectes couverts de prix prestigieux, mentionné dans ses textes Che Guevara, Debussy, Beckett et Lady Di, été exposé à la Tate Gallery, écrit le meilleur album de tous les temps, écrit des chansons pour "ça", ressucité la carrière d'une diva qui croupissait dans la drogue et l'alcool, inspiré des merdes à Guns'n'Roses, été repris par Arab Strap, JJ72, Gamma Ray, Meryl Bainbridge ET East 17 et écrit des chansons sur Chostakovitch (yep, toujours lui, il est fan).
Que faire après ça ?
Que lui reste-t-il à accomplir avec les années qu'il lui reste ? On lui a déjà demandé de remplacer Chostakovitch pour la bande-son du Cuirassée Potemkine (les historiens du cinéma vont protester, mais je fais semblant de rien), il a déjà remixé la femme de John Lennon, écrit des chansons pour l'ex-femme du chanteur du groupe dans lequel joue le fils de Ringo Starr, envoyé une tarte sur la figure de Barbara Windsor, remixé le plus gros tube de l'ennemi juré du chanteur du groupe dans lequel joue le fils de Ringo Starr, fait des reprises d'un futur Prix Nobel de la paix, d'un musicien décadent allemand et du fondateur du rock'n'roll, collaboré avec des cinéastes expérimentaux, des artistes contemporains et des architectes couverts de prix prestigieux, mentionné dans ses textes Che Guevara, Debussy, Beckett et Lady Di, été exposé à la Tate Gallery, écrit le meilleur album de tous les temps, écrit des chansons pour "ça", ressucité la carrière d'une diva qui croupissait dans la drogue et l'alcool, inspiré des merdes à Guns'n'Roses, été repris par Arab Strap, JJ72, Gamma Ray, Meryl Bainbridge ET East 17 et écrit des chansons sur Chostakovitch (yep, toujours lui, il est fan).
Que faire après ça ?
vendredi, juillet 9
Enthousiasme pavlovien
Peu après la sortie en janvier de Immortal Memory, le mari de Lisa Gerrard avait dit que les jours de 4AD comme maison de disques attitrée de sa femme étaient comptés. Selon lui, le label était devenu incapable de gérer la popularité sans cesse grandissante de l'ex-Dead Can Dance. Etrange argument alors qu'il me semblait au contraire que le public avait plutôt tendance à se désintéresser de ses nouveaux projets. Même moi, qui réponds toujours "Dead Can Dance" à la sempiternelle question "Quel est ton groupe préféré ?", avais fini par perdre patience de la voir se disperser dans des musiques de films sans intérêt (Gladiator, Whale Rider, Ali,...), d'autant que des rumeurs insistantes faisant état d'une dérive de la dame dans l'intégrisme chrétien avaient déjà fait beaucoup pour écorner son image de prêtresse païenne dans mon esprit. Après les deux-trois premières écoutes de Immortal Memory, j'étais même un peu en colère : un titre en latin sur fond d'orgues d'église, des textes en araméen (la langue natale de notre Sauveur le Christ, dixit le livret) et un repli de ses influences sur l'Occident Chrétien m'avaient exaspéré, même si, avec le recul, je dois bien avouer que l'album est, pour peu que l'on fasse abstraction de ces à-côtés, tout à fait écoutable.
Pourtant, même si Dead Can Dance n'est plus dans mon esprit le groupe intouchable qu'il a été, il reste un élément constitutif de mon éducation musicale. Je ne peux oublier les dizaines de soirées que j'ai passées, dans un noir quasi-complet à chanter à tue-tête Rakim, The Host of Seraphym, Song of the Sibyl, The Spider Stratagem, Persephone ou Cantara. Pendant 15 ans, Dead Can Dance était le groupe vers lequel je me tournais quand j'avais besoin de 'recharger mes batteries'.
En conséquence, la nouvelle qu'un nouvel album de Lisa Gerrard pourrait sortir d'ici la fin de l'année continue de me réjouir a priori. Le tracklisting annoncé est le suivant :
Mantras of a lost archetype
1. Damhasdeen
2. Eulogy for the Innocent
3. Soltress
4. Passage of the Paladin
5. Entry
6. Devota
7. Poem of Denied Redemption
8. Minus Sanctus
9. The Dove and the Serpent
10. Hymn for the Fallen
11. Yamyinar
12. Curve
13. Rejection
14. Dance of the desert breeze
15. Awakening.
Le nom choisi pour les morceaux n'est jamais très loin de l'auto-parodie je trouve. L'album devrait a priori sortir sans le support d'une maison de disques.... en espérant que cela soit trouvable malgré tout.
Si maintenant, Brendan pouvait enfin sortir son deuxième album, Zun zun, annoncé depuis plus de deux ans, ce serait parfait.
Pourtant, même si Dead Can Dance n'est plus dans mon esprit le groupe intouchable qu'il a été, il reste un élément constitutif de mon éducation musicale. Je ne peux oublier les dizaines de soirées que j'ai passées, dans un noir quasi-complet à chanter à tue-tête Rakim, The Host of Seraphym, Song of the Sibyl, The Spider Stratagem, Persephone ou Cantara. Pendant 15 ans, Dead Can Dance était le groupe vers lequel je me tournais quand j'avais besoin de 'recharger mes batteries'.
En conséquence, la nouvelle qu'un nouvel album de Lisa Gerrard pourrait sortir d'ici la fin de l'année continue de me réjouir a priori. Le tracklisting annoncé est le suivant :
Mantras of a lost archetype
1. Damhasdeen
2. Eulogy for the Innocent
3. Soltress
4. Passage of the Paladin
5. Entry
6. Devota
7. Poem of Denied Redemption
8. Minus Sanctus
9. The Dove and the Serpent
10. Hymn for the Fallen
11. Yamyinar
12. Curve
13. Rejection
14. Dance of the desert breeze
15. Awakening.
Le nom choisi pour les morceaux n'est jamais très loin de l'auto-parodie je trouve. L'album devrait a priori sortir sans le support d'une maison de disques.... en espérant que cela soit trouvable malgré tout.
Si maintenant, Brendan pouvait enfin sortir son deuxième album, Zun zun, annoncé depuis plus de deux ans, ce serait parfait.
La patience, c'est bon pour les autres.
George Michael vient de fermer le forum de discussions qui était proposé sur son site officiel .
Le pauvre ne supportait apparemment plus que ses fans s'en servent pour le critiquer. La manière dont il présente les choses est assez fumeuse :
La dernière phrase est particulièrement grotesque. Il s'attendait vraiment à faire l'unanimité avec ses dernières chansons ? Son nouveau single par exemple n'est qu'un décalque d'un mini-tube dance d'il y a un an ou deux ('Flawless' par The Ones), sur lequel il se contente de plaquer des phrases sans suite. Le résultat n'a rigoureusement aucun intérêt.
Ca fait presque 10 ans qu'il n'a plus sorti une bonne chanson, et la vraie surprise en fait, ce serait plutôt qu'il y ait encore des gens désireux d'aller discuter de son fantôme de carrière sur Internet. Alors si en plus ils doivent se forcer à être enthousiastes....
Le pauvre ne supportait apparemment plus que ses fans s'en servent pour le critiquer. La manière dont il présente les choses est assez fumeuse :
"As many of you will know, much of my reasoning for the future is to stay away from the negativity of the media, I think that it is bad for me and for music in general, so I find it really sad to see the forums so packed full of negative comment. [...] the rooms will close. I feel bad for those of you who have always been supportive, but I'm afraid I want nothing to do with the bitching that has evolved between some members,
Sorry guys, but that's the way it goes... Peace and Love...or nothing at all. "
La dernière phrase est particulièrement grotesque. Il s'attendait vraiment à faire l'unanimité avec ses dernières chansons ? Son nouveau single par exemple n'est qu'un décalque d'un mini-tube dance d'il y a un an ou deux ('Flawless' par The Ones), sur lequel il se contente de plaquer des phrases sans suite. Le résultat n'a rigoureusement aucun intérêt.
Ca fait presque 10 ans qu'il n'a plus sorti une bonne chanson, et la vraie surprise en fait, ce serait plutôt qu'il y ait encore des gens désireux d'aller discuter de son fantôme de carrière sur Internet. Alors si en plus ils doivent se forcer à être enthousiastes....
Et après, on s'étonne qu'il pleuve.
Après une décennie miraculeuse où la pop dominait de la tête et des épaules les meilleures ventes de disques, les années 90 n'ont été qu'une longue traversée du désert. Je me suis amusé un jour à parcourir la liste des numéros 1 en Angleterre durant ces années et il n'y avait presque rien à sauver. La mauvaise dance et le mauvais rock régnaient sans partage. Pour vous dire l'étendue du désastre, les deux plus gros succès de la décennie furent : 'Everything I do I do it for you' de Bryan Adams et 'Love is all around' de Wet Wet Wet. Difficile d'imaginer musique plus stupidement insipîde. Fort heureusement, Bryan Adams n'embête plus personne (à part peut-être Ryan Adams) et soigne sa vilaine peau quelque part au fin fond du Canada. En revanche, j'apprends avec horreur que Wet Wet Wet se reforme. Tous aux abris ! Le spectre terrifiant d'un revival 90s est à nos portes. Combien de temps avant que Londonbeat ne sorte une compile ou bien que Aerosmith ne nous revienne avec des ballades gonflées aux hormones ?
jeudi, juillet 8
Exclusivité mondiale
On vient d'apprendre que Justin Timberlake a repoussé la sortie de son autobiographie de quelques semaines de peur qu'elle ne se retrouve éclipsée par celle de Robbie Williams, qui doit également sortir en septembre. Il me semblerait pourtant a priori que le risque est assez faible. Robbie Williams étant un quasi-inconnu aux Etats-Unis, aucune concurrence n'est à craindre là-bas. De plus, si son bouquin répond à la question que tout le monde se pose "A quel âge Britney a-t-elle cessé d'être 'that innocent' ?", je vois mal ce que Robbie pourrait trouver de plus porteur. Enfin, nous verrons.
J'ai en tout cas réussi à obtenir des copies sur microfilms des meilleurs passages de cette autobiographie ('auto' étant bien évidemment à prendre au sens le plus large du terme). Les voici en avant-première :
"Je sais bien que le fait d'écrire une autobiographie à 23 ans peut paraitre extrêmement prétentieux, mais il s'est dit tellement de choses sur moi, mes amis et ma famille, le plus souvent fausses, qu'il me semblait important de présenter la vérité à mes fans."
"J'ai rencontré Britney Spears pour la première fois à 11 ans. J'étais loin de savoir en voyant arriver cette petite fille timide toute en dentelles et boucles blondes qu'elle serait la cause des plus grandes joies et des plus grandes peines de ma vie."
"A la cérémonie de remise des Grammies, lorsque mon nom est sorti de l'enveloppe, je me suis imaginé un instant inscrit au panthéon de la musique, quelque part entre Marvin Gaye et Stevie Wonder. Durant des années, Nsync ne fut jamais pris au sérieux, et j'ai vécu comme une sorte de revanche d'être ainsi reconnu par mes pairs comme un des leurs."
"Durant toute mon adolescence, j'ai été obligé de conserver cette coiffure grotesque à base de boucles blondes. Je haïssais ça."
"Ma maman a toujours été ma meilleure amie."
"Chaque jour, je rends grâce à Dieu de m'avoir donné les meilleurs fans du monde."
Avouez que ça donne envie.
J'ai en tout cas réussi à obtenir des copies sur microfilms des meilleurs passages de cette autobiographie ('auto' étant bien évidemment à prendre au sens le plus large du terme). Les voici en avant-première :
"Je sais bien que le fait d'écrire une autobiographie à 23 ans peut paraitre extrêmement prétentieux, mais il s'est dit tellement de choses sur moi, mes amis et ma famille, le plus souvent fausses, qu'il me semblait important de présenter la vérité à mes fans."
"J'ai rencontré Britney Spears pour la première fois à 11 ans. J'étais loin de savoir en voyant arriver cette petite fille timide toute en dentelles et boucles blondes qu'elle serait la cause des plus grandes joies et des plus grandes peines de ma vie."
"A la cérémonie de remise des Grammies, lorsque mon nom est sorti de l'enveloppe, je me suis imaginé un instant inscrit au panthéon de la musique, quelque part entre Marvin Gaye et Stevie Wonder. Durant des années, Nsync ne fut jamais pris au sérieux, et j'ai vécu comme une sorte de revanche d'être ainsi reconnu par mes pairs comme un des leurs."
"Durant toute mon adolescence, j'ai été obligé de conserver cette coiffure grotesque à base de boucles blondes. Je haïssais ça."
"Ma maman a toujours été ma meilleure amie."
"Chaque jour, je rends grâce à Dieu de m'avoir donné les meilleurs fans du monde."
Avouez que ça donne envie.
Filles qui chantent sur les garçons et les filles
Deux très bons singles ont déboulé cette dernière semaine. Ca faisait longtemps (un bon mois) que ça n'était plus arrivé. Les deux clips sont visibles ici pour quelques jours.
* Rachel Stevens : "Some Girls"
Une rythmique synthétique lourde à la Goldfrapp. Des choeurs féminins qui font 'Hé', 'Oh Oh Oh' ou 'No no no', des cascades de tambours ponctuant la fin des couplets, une chorégraphie irrésistible à base de poings fermés que l'on cogne l'un au-dessus de l'autre (il faut le voir, une simple description ne peut faire justice à un tel éclair de génie), un refrain où les derniers mots de chaque phrase sont dits deux fois (il faut l'entendre, une simple description ne peut faire justice à un tel éclat de génie), un clip dont le principe est en gros de faire descendre sur la ville une armée de bimbos en mini-jupes, une production par Richard 'Girls on Top' X et des paroles du type: 'Il y a des filles à qui tout réussit. Pourquoi n'ai-je jamais que les miettes ?'. Je vous laisse imaginer le monstre que la combinaison de tous ces éléments peut créer. Après 'Sweet dreams my LA ex', un des grands singles pop de l'année dernière en Angleterre à n'avoir apparemment pas atteint nos contrées, Rachel Stevens a encore frappé et prouve qu'il existe une vie après S Club, en tout cas pour elle (n'ayant pas accès aux chaines de télé-achat anglaises, je suis malheureusement sans nouvelles des autres).
* Jamelia : "See it in a boy's eye"
Sur un accompagnement blippant à souhait, un couplet assez quelconque, de ceux qui n'existent que parce qu'il faut laisser le temps aux gens dans leur voiture d'augmenter le volume avant que le refrain n'arrive... mais quel refrain ! Il ne paye d'abord guère de mine, un peu de gros son, un accompagnement au piano, pas de quoi se trémousser en pagne au clair de lune a priori, puis insidieusement, écoute après écoute, il s'infiltre dans le cerveau jusqu'à se faire une petite place au chaud au coeur du lobe pariétal. Aux deux tiers du morceau, un bizarre intermède où une voix mal assurée chantonne la mélodie du refrain (pendant quelques secondes, on se croirait dans un des disques lo-fi de Baby Bird), puis quand ce dernier est repris avec piano, choeurs et tout le tintouin, on rend les armes. La répétition incessante de ces trois phrases a un effet hypnotique qu'il serait vain de vouloir contrer. Ce sens de la mélodie classique, limpide et qui prend le temps de se déployer sur plusieurs phrases, est assez rare dans le "arennebi", plus enclin, surtout depuis quelques années, a cherché son salut dans les expérimentations sonores et les mélodies hachées. Un raison en est sans doute la participation de Chris "Europe 2" Martin à l'écriture, mais ce n'est pas la seule. Après Superstar (oublions le deuxième single, décevant), Jamelia semble avoir trouvé la voie d'une 'pop-soul' typiquement anglaise, où la mélodie prend le pas sur les vocalises (à la longue un peu saoûlantes) des chanteuses américaines (Mariah, Beyoncé et les autres). Je serais curieux de jeter une oreille sur son album.
* En revanche, je viens de tomber sur une reprise de 'Take my breath away' de Berlin par Madame Jessica Simpson... Je voudrais que quelqu'un m'explique la raison d'être de cette chose. Sacrée Jessica. Heureusement qu'il y a Newlyweds sur MTV pour donner une justification à sa célébrité.
* Rachel Stevens : "Some Girls"
Une rythmique synthétique lourde à la Goldfrapp. Des choeurs féminins qui font 'Hé', 'Oh Oh Oh' ou 'No no no', des cascades de tambours ponctuant la fin des couplets, une chorégraphie irrésistible à base de poings fermés que l'on cogne l'un au-dessus de l'autre (il faut le voir, une simple description ne peut faire justice à un tel éclair de génie), un refrain où les derniers mots de chaque phrase sont dits deux fois (il faut l'entendre, une simple description ne peut faire justice à un tel éclat de génie), un clip dont le principe est en gros de faire descendre sur la ville une armée de bimbos en mini-jupes, une production par Richard 'Girls on Top' X et des paroles du type: 'Il y a des filles à qui tout réussit. Pourquoi n'ai-je jamais que les miettes ?'. Je vous laisse imaginer le monstre que la combinaison de tous ces éléments peut créer. Après 'Sweet dreams my LA ex', un des grands singles pop de l'année dernière en Angleterre à n'avoir apparemment pas atteint nos contrées, Rachel Stevens a encore frappé et prouve qu'il existe une vie après S Club, en tout cas pour elle (n'ayant pas accès aux chaines de télé-achat anglaises, je suis malheureusement sans nouvelles des autres).
* Jamelia : "See it in a boy's eye"
Sur un accompagnement blippant à souhait, un couplet assez quelconque, de ceux qui n'existent que parce qu'il faut laisser le temps aux gens dans leur voiture d'augmenter le volume avant que le refrain n'arrive... mais quel refrain ! Il ne paye d'abord guère de mine, un peu de gros son, un accompagnement au piano, pas de quoi se trémousser en pagne au clair de lune a priori, puis insidieusement, écoute après écoute, il s'infiltre dans le cerveau jusqu'à se faire une petite place au chaud au coeur du lobe pariétal. Aux deux tiers du morceau, un bizarre intermède où une voix mal assurée chantonne la mélodie du refrain (pendant quelques secondes, on se croirait dans un des disques lo-fi de Baby Bird), puis quand ce dernier est repris avec piano, choeurs et tout le tintouin, on rend les armes. La répétition incessante de ces trois phrases a un effet hypnotique qu'il serait vain de vouloir contrer. Ce sens de la mélodie classique, limpide et qui prend le temps de se déployer sur plusieurs phrases, est assez rare dans le "arennebi", plus enclin, surtout depuis quelques années, a cherché son salut dans les expérimentations sonores et les mélodies hachées. Un raison en est sans doute la participation de Chris "Europe 2" Martin à l'écriture, mais ce n'est pas la seule. Après Superstar (oublions le deuxième single, décevant), Jamelia semble avoir trouvé la voie d'une 'pop-soul' typiquement anglaise, où la mélodie prend le pas sur les vocalises (à la longue un peu saoûlantes) des chanteuses américaines (Mariah, Beyoncé et les autres). Je serais curieux de jeter une oreille sur son album.
* En revanche, je viens de tomber sur une reprise de 'Take my breath away' de Berlin par Madame Jessica Simpson... Je voudrais que quelqu'un m'explique la raison d'être de cette chose. Sacrée Jessica. Heureusement qu'il y a Newlyweds sur MTV pour donner une justification à sa célébrité.
mercredi, juillet 7
De l'autre côté du miroir
J'ai toujours pensé qu'il était impossible de se forger une opinion sur un événement quel qu'il soit, si on ne prend pas en compte la vision qu'en ont tous les protagonistes. Ainsi, on ne comprend rien à l'opposition entre la France et les Etats-Unis si on ne prend pas la peine de lire ou d'écouter les arguments des néo-conservateurs américains (cfr les éditos du toujours désopilant William Safire dans le NY Times par exemple). Deux beaux exemples dans le petit monde du rock'n'roll :
Après que tout le monde (moi y compris) ait glosé à tout va sur la question, Pete Doherty donne enfin une vision de l'intérieur de ses tentatives avortées de désintoxication dans le Sunday Mirror et apporte un éclairage nouveau sur son état d'esprit. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas folichon. "Musique et drogues sont pour moi deux faces de la même chose", dit-il en (hum hum) substance. Peut-être cela l'aide-t-il à composer de la meilleure musique (quoique) mais une chose est sûre, ça ne l'aide pas à gérer la vie de groupe et les obligations qui vont avec. Et à quoi bon composer des chansons qu'on trouve hyper-extra-cool sur le moment même si personne d'autre que lui ne pourra jamais les entendre ? En fait, tant qu'il continuera à osciller entre "Les drogues, c'est de la merde" et "Les drogues, c'est hyper-cool et ça développe ma créativité", je vois difficilement comment il pourrait cesser d'être simplement pour les tabloïdes un sujet d'articles édifiants, à destination de lecteurs qui, pour la plupart, seraient incapables de chantonner une seule mélodie des Libertines. What a waste(r).
Dans le même esprit, Jack White a pour la première fois évoqué (sur whitestripes.net) sa petite séance de boxe pendant un concert de Blanche, celle qui a mené à cette photo du chanteur des Von Bondies. Le moins que l'on puisse dire est qu'il n'est pas pétrifié par les remords. En gros, si on en croit le NME, il explique comment Jason Stollsteimer a totalement exploité l'incident en fournissant la photo à la presse (comprenez "quel vilain rapporteur celui-là, il est pas réglo. Quand on est un homme, on lave son linge sale en privé"). Il renchérit ensuite en disant "Regardez bien, son visage n'est pas du tout plein de plaies comme il voudrait nous le faire croire. Une fois qu'on enlève tout le sang séché, il a juste un oeil au beurre noir" (comprenez "bon, OK, il ressemblait vraiment à ça après que j'en eus fini avec lui, mais franchement, c'est pas si grave que ça en a l'air"). Avant de conclure par un formidable "Quand je pense que j'ai été si gentil avec Jason (et son groupe). Je les ai laissés répéter chez moi gratuitement, je leur ai trouvé un contrat, j'ai produit leur premier album...". Effectivement, quelle ingratitude.... Malgré tous ces bienfaits, JS a le culot de lui en vouloir de lui avoir cassé la gueule sans raisons. Je me demande combien d'albums JW estime devoir produire pour avoir le droit de lui crever un oeil. Deux ? Trois ? Allez, disons quatre, mais alors il a aussi le droit de lui casser un doigt et d'insulter ses parents.
Qu'il ait lui-même dit ces choses en pensant que ça allait le rendre sympathique indique qu'il a complètement perdu le lien avec la réalité.
Après que tout le monde (moi y compris) ait glosé à tout va sur la question, Pete Doherty donne enfin une vision de l'intérieur de ses tentatives avortées de désintoxication dans le Sunday Mirror et apporte un éclairage nouveau sur son état d'esprit. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas folichon. "Musique et drogues sont pour moi deux faces de la même chose", dit-il en (hum hum) substance. Peut-être cela l'aide-t-il à composer de la meilleure musique (quoique) mais une chose est sûre, ça ne l'aide pas à gérer la vie de groupe et les obligations qui vont avec. Et à quoi bon composer des chansons qu'on trouve hyper-extra-cool sur le moment même si personne d'autre que lui ne pourra jamais les entendre ? En fait, tant qu'il continuera à osciller entre "Les drogues, c'est de la merde" et "Les drogues, c'est hyper-cool et ça développe ma créativité", je vois difficilement comment il pourrait cesser d'être simplement pour les tabloïdes un sujet d'articles édifiants, à destination de lecteurs qui, pour la plupart, seraient incapables de chantonner une seule mélodie des Libertines. What a waste(r).
Dans le même esprit, Jack White a pour la première fois évoqué (sur whitestripes.net) sa petite séance de boxe pendant un concert de Blanche, celle qui a mené à cette photo du chanteur des Von Bondies. Le moins que l'on puisse dire est qu'il n'est pas pétrifié par les remords. En gros, si on en croit le NME, il explique comment Jason Stollsteimer a totalement exploité l'incident en fournissant la photo à la presse (comprenez "quel vilain rapporteur celui-là, il est pas réglo. Quand on est un homme, on lave son linge sale en privé"). Il renchérit ensuite en disant "Regardez bien, son visage n'est pas du tout plein de plaies comme il voudrait nous le faire croire. Une fois qu'on enlève tout le sang séché, il a juste un oeil au beurre noir" (comprenez "bon, OK, il ressemblait vraiment à ça après que j'en eus fini avec lui, mais franchement, c'est pas si grave que ça en a l'air"). Avant de conclure par un formidable "Quand je pense que j'ai été si gentil avec Jason (et son groupe). Je les ai laissés répéter chez moi gratuitement, je leur ai trouvé un contrat, j'ai produit leur premier album...". Effectivement, quelle ingratitude.... Malgré tous ces bienfaits, JS a le culot de lui en vouloir de lui avoir cassé la gueule sans raisons. Je me demande combien d'albums JW estime devoir produire pour avoir le droit de lui crever un oeil. Deux ? Trois ? Allez, disons quatre, mais alors il a aussi le droit de lui casser un doigt et d'insulter ses parents.
Qu'il ait lui-même dit ces choses en pensant que ça allait le rendre sympathique indique qu'il a complètement perdu le lien avec la réalité.
dimanche, juillet 4
vendredi, juillet 2
Deux fois virtuel...
Vous avez aimé le blog de Fred Durst ? Vous allez adorer le blog d'Alex Kapranos, le chanteur de Franz Ferdinand. Il y parle de sa tournée, de sa musique préférée, de son futur mariage avec une française. Bon, pour être honnête, il y a un petit détail qui pourrait en gêner certains : il s'agit du fruit de l'imagination hyperactive d'un fan ayant du temps à perdre. Il faut néanmoins saluer l'exercice de style, d'autant que, pour éviter des erreurs factuelles trop flagrantes, cela doit demander un travail de recherche assez poussé.
Sinon, j'ai été stupéfié de voir que des dizaines de blogs-jeux de rôle du même genre existent sur le web. On peut notamment (rien qu'en faisant un tour sur la liste des 'amis' de 'Alex Kapranos') trouver les trois acteurs principaux de Harry Potter, Kate Moss, Damon Albarn,... j'en passe et des meilleurs.
Sinon, j'ai été stupéfié de voir que des dizaines de blogs-jeux de rôle du même genre existent sur le web. On peut notamment (rien qu'en faisant un tour sur la liste des 'amis' de 'Alex Kapranos') trouver les trois acteurs principaux de Harry Potter, Kate Moss, Damon Albarn,... j'en passe et des meilleurs.
Le lien avec la musique est ténu, mais vu que....
.... c'est mon blog et que ça m'attriste, j'vous le dis quand même. Anthony Buckeridge est mort en début de semaine. Le nom ne dira peut-être pas grand chose à la plupart d'entre vous, mais il était l'auteur des aventures de Jennings. Celles-ci furent traduites en français dans la Bilbiothèque Verte (puis Rose) : Bennett et Mortimer, Bennett et la Cartomancienne, Bennett et les grenouilles et Bennett fait son numéro (mon préféré)... Les six premières aventures du bonhomme ont été rééditées en anglais il y a 2 ou 3 ans, à ma grande joie. Malheureusement, elles n'ont pas, comme on dit pudiquement dans ces cas-là, 'rencontré leur public'. Aucune réédition n'est plus prévue pour les autres titres. Dommage, ça m'avait presque fait autant rire en anglais il y a quelques mois qu'à l'époque en français.
R.I.P ou R.S.V.P (au choix)
R.I.P ou R.S.V.P (au choix)
jeudi, juillet 1
The lost riots
En cette époque où même les candidats recalés aux éliminatoires de Pop Idol Liechtenstein bénéficient d'un plan de promotion très serré, il est surprenant de voir que le premier album de Hope of the States ne sort que maintenant, plus d'un an après la sortie très remarquée du premier de leurs trois singles (mais que les retardataires se rassurent, ils sont tous repris ici). Le groupe a donc pris tout son temps, ce qui s'explique sans doute en partie par le suicide de son guitariste Jimmi Lawrence, juste après l'enregistrement de l'album.
Lorsqu'on tient l'objet en main, ce qui frappe tout d'abord est le soin apporté au visuel. Certes, il est rigoureusement inrangeable sur une étagère à CD mais il n'en est pas moins très beau. Il se présente dans une pochette en carton surdimensionnée qui s'ouvre par une languette prédécoupée (un peu à la manière d'un paquet de biscuits). L'ensemble est presque entièrement noir, avec juste le dessin d'un oiseau (un corbeau ?) posé sur un fil de fer barbelé. A l'intérieur, on trouve le disque proprement dit et un jeu de reproductions de planches médicales à l'ancienne (cerveau, coeur, poumons, etc..) sur lesquelles les paroles de morceaux se mélangent avec les noms des organes. L'ensemble est parsemé de petits dessins guerriers (soldats, archers, avions,...). De fait, tout l'album semble tourner autour de l'idée du soulèvement armé, de la révolution (notamment américaine, explicitement évoquée par George Washington et 1776). Cela se traduit par son titre 'The Lost Riots' ou bien encore des textes tels que
Le disque semble à première vue comme très politique, presque comme un appel à l'insurrection. Certains ne manqueront pas d'objecter que ce genre de discours perd beaucoup de sa crédibilité lorsqu'il apparaît sur un disque Sony Music mais il rend encore plus évident la parenté entre le groupe et Godspeed You Black Emperor. Outre dans le sous-texte politique, des similitudes se retrouvent dans l'instrumentation utilisée, dans la structure des morceaux ou encore dans le visuel dont ils s'entourent. Dans tous ces domaines cependant, s'ils s'inspirent de leurs cousins canadiens, c'est en refusant de se couper du grand public. Ainsi, ils n'hésitent pas à s'appuyer sur une major pour toucher le plus grand nombre et les longues plages de 20 minutes ou plus laissent la place à des morceaux construits comme de vraies chansons, plus courts et, oserais-je le dire, plus "pop". Ce parti-pris est parfaitement illustré par Black Dollar bills, le premier single, et une des révélations de l'année dernière. Ca commence par une voix seule sur un tapis de quelques notes de piano éparses. Les textes sont d'un nihilisme terrifiant
Ce morceau est un bon résumé de la manière dont ils semblent avoir abordé l'écriture de l'album. Une vision désespérée du monde mise en musique sous la forme de longues lamentations d'une beauté qui est souvent assez terrassante. Sur un canevas GYBEsque, ils parviennent à greffer à la fois la beauté fragile de Mercury Rev ET le sens de la démesure de Muse, ce qui n'est pas une mince affaire. L'album serait même à mon avis un petit chef-d'oeuvre s'il n'y avait la voix du chanteur, geignarde et un peu forcée. Sur le refrain du dernier single (The Red, the White, the Blues), ça finit même pas provoquer un certain embarras. On pense alors à plein de choses (notamment à un ivrogne qui chanterait à tue-tête au coin de la rue pendant que les braves gens essaient de dormir), mais plus du tout à ce que la chanson est censée évoquer. C'est peut-être ce qui explique que le premier morceau, instrumental, est celui que je préfère.
Lorsqu'on tient l'objet en main, ce qui frappe tout d'abord est le soin apporté au visuel. Certes, il est rigoureusement inrangeable sur une étagère à CD mais il n'en est pas moins très beau. Il se présente dans une pochette en carton surdimensionnée qui s'ouvre par une languette prédécoupée (un peu à la manière d'un paquet de biscuits). L'ensemble est presque entièrement noir, avec juste le dessin d'un oiseau (un corbeau ?) posé sur un fil de fer barbelé. A l'intérieur, on trouve le disque proprement dit et un jeu de reproductions de planches médicales à l'ancienne (cerveau, coeur, poumons, etc..) sur lesquelles les paroles de morceaux se mélangent avec les noms des organes. L'ensemble est parsemé de petits dessins guerriers (soldats, archers, avions,...). De fait, tout l'album semble tourner autour de l'idée du soulèvement armé, de la révolution (notamment américaine, explicitement évoquée par George Washington et 1776). Cela se traduit par son titre 'The Lost Riots' ou bien encore des textes tels que
All the money in the world / Won't save You / We're coming home. / All the prisons that you build / won't hold us. / Just let us go.'
Le disque semble à première vue comme très politique, presque comme un appel à l'insurrection. Certains ne manqueront pas d'objecter que ce genre de discours perd beaucoup de sa crédibilité lorsqu'il apparaît sur un disque Sony Music mais il rend encore plus évident la parenté entre le groupe et Godspeed You Black Emperor. Outre dans le sous-texte politique, des similitudes se retrouvent dans l'instrumentation utilisée, dans la structure des morceaux ou encore dans le visuel dont ils s'entourent. Dans tous ces domaines cependant, s'ils s'inspirent de leurs cousins canadiens, c'est en refusant de se couper du grand public. Ainsi, ils n'hésitent pas à s'appuyer sur une major pour toucher le plus grand nombre et les longues plages de 20 minutes ou plus laissent la place à des morceaux construits comme de vraies chansons, plus courts et, oserais-je le dire, plus "pop". Ce parti-pris est parfaitement illustré par Black Dollar bills, le premier single, et une des révélations de l'année dernière. Ca commence par une voix seule sur un tapis de quelques notes de piano éparses. Les textes sont d'un nihilisme terrifiant
I've seen broken people smile. They lie [...] No one hopes for anything when there's nothing at allEntre ce qu'on pourrait appeler des couplets, le refrain prend la forme d'un mur de guitares hurlantes, mais laissant une impression de grand calme (à la manière de ce que Mogwai faisait très bien sur Helicon), avant un final instrumental de trois minutes, sous la forme d'un long crescendo qui se dissout finalement dans le silence.
Ce morceau est un bon résumé de la manière dont ils semblent avoir abordé l'écriture de l'album. Une vision désespérée du monde mise en musique sous la forme de longues lamentations d'une beauté qui est souvent assez terrassante. Sur un canevas GYBEsque, ils parviennent à greffer à la fois la beauté fragile de Mercury Rev ET le sens de la démesure de Muse, ce qui n'est pas une mince affaire. L'album serait même à mon avis un petit chef-d'oeuvre s'il n'y avait la voix du chanteur, geignarde et un peu forcée. Sur le refrain du dernier single (The Red, the White, the Blues), ça finit même pas provoquer un certain embarras. On pense alors à plein de choses (notamment à un ivrogne qui chanterait à tue-tête au coin de la rue pendant que les braves gens essaient de dormir), mais plus du tout à ce que la chanson est censée évoquer. C'est peut-être ce qui explique que le premier morceau, instrumental, est celui que je préfère.
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