Lisa Gerrard & Patrick Cassidy - Immortal memory (4AD)
Triste histoire que celle de Lisa Gerrard. Depuis la séparation de Dead Can Dance, elle s'est spécialisée dans les musiques de films, pour des résultats en général sympatoches, mais sans grand intérêt. C'est donc avec une énorme impatience que j'attendais de la voir revenir avec un véritable album. La déception fut à la hauteur de l'attente. En effet, l'album ressemble beaucoup à ses musiques de films. Elle semble y avoir délaissé l'expression pour l'illustration. Des chansons comme Cantara ou The Host of Seraphym inscrivaient immédiatement l'auditeur dans une autre dimension, le mettant en contact avec quelque chose qui le dépassait. Ecouter la musique de Dead Can Dance, surtout quand Lisa chantait, était une expérience de l'ordre de la transcendance, et c'est ce qui faisait sa force. A présent, elle ne semble plus capable que d'enrober quelques vagues notes tenues en soufflet par des nappes de cordes et de synthés. L'illustration la plus claire de ce qui a été perdu est sans doute le fait que rien dans cet album n'est chantable. J'ai passé des heures entières depuis 10 ans à chanter en voix de tête Sanvean, The Spider's stratagem, Yulunga ou Cantara dans le noir absolu. Je défie quiconque de faire de même sur ces chansons. Les lignes mélodiques sont trop inconsistantes. De plus, je regrette de voir l'éventail de ses inspirations se réduire à ce point. Là où Dead Can Dance allait puiser en Afrique, en Asie, en Europe et en Amérique du Sud les sources de leurs chansons, cet album semble se replier frileusement sur l'Occident, allant jusqu'à justifier pour la première fois cette appellation infâmante de "musique d'église" que j'ai souvent entendu accolée à la musique de DcD (voir le franchement pénible morceau en latin accompagné à l'orgue). On peut sans doute voir là une conséquence de l'embrigadement de Lisa Gerrard depuis quelques années dans les rangs des fondamentalistes chrétiens (elle rêvait de composer la musique de La Passion du Christ de Mel Gibson), et je ne suis pas sûr d'être prêt à le lui pardonner. Ceci dit, l'album a manifestement été un échec commercial et le mari de Lisa Gerrard a dans une interview blâmé 4AD qui aurait été une trop petite structure pour gérer l'immensité du talent de son épouse (je paraphrase, mais le sens y est). Il semblerait que la réunion de Dead Can Dance pour une tournée en 2005 indique qu'elle a fini par se rendre compte qu'elle avait peut-être aussi une part de responsabilité dans cet échec. J'espère que ce retour aux sources aux côtés de Brendan Perry la remettra sur de bons rails, mais je ne peux m'empêcher d'en douter.
Clinic - Winchester Cathedral (Domino)
J'ai toujours été bien embêté lorsque je devais décrire la musique de Clinic. A l'époque de Internal Wrangler, c'était plus simple. Il suffisait de dire qu'ils faisaient du Radiohead. Depuis, les choses sont moins claires. On pourrait dire qu'il s'agit d'un hybride situé à mi-chemin entre Sonic Youth et Piano Magic (mais "on" se ferait alors reprendre de volée par les fans des uns et des autres). En fait, si j'ai tant de mal à décrire ce qu'ils font, c'est sans doute parce que je ne sais pas exactement ce qui m'y plait. Peut-être est-ce cette capacité à créer des riffs entêtants (comment ne pas dodeliner de la tête en écoutant Country Mile par exemple), ou bien ces orchestrations luxuriantes où quelques instruments inattendus viennent parfois pointer leurs anches ? En tout cas, les musiciens de Clinic ont un son qu'ils ne partagent avec personne, et ce nouvel album est pour moi bien meilleur que Walking with thee, qui m'avait pas mal déçu à l'époque.
Elizabeth Anka Vajagic - Stand with the stillness of this day (Constellation)
Pour un disque Constellation, c'est étonnamment immédiat. Je n'irai sans doute pas jusqu'à parler de disque pop, mais c'est en tout cas un vrai disque de chansons, constitué essentiellement de complaintes larmoyantes qui, sans crier gare, peuvent bifurquer vers des Godspeederies langoureuses, comme sur la plage 6, And The Sky Lay Still, par exemple. Sa manière de chanter avec une voix de gorge grave (on pense un peu à Transmissionary Six ou à PJ Harvey par exemple) sans avoir peur des excès de pathos (dégueulandos compris) rappelle la chanson de la scène du cabaret dans Mulholland Drive. De plus, et c'est souvent bon signe, c'est aussi bien en concert qu'en disque. (voir aussi ici)
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