Il fut un temps où sur une demi-journée de festival, je pouvais écrire dix pages. Ce temps est révolu j'en ai peur. Néanmoins, voici un rapide compte-rendu de ce que j'ai retenu des deux dernières soirées :
Samedi :
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Spiritualized ne semblait pas intéresser grand-monde (à tout casser deux cents personnes dans les dix mètres près de la scène) et
Jason Pierce semble n'avoir aucune envie de faire quoi que ce soit pour que ça change, se contentant d'aligner les morceaux sans piper mot. Cela dit,
Come Together reste assez classieux dans le genre, et les dix dernières minutes ressemblent exactement à l'idée que je me faisais de ce à quoi les dix dernière minutes d'un concert de Spiritualized devaient ressembler.
- Est-ce parce que
The Kills n'est plus un couple à la ville (s'il l'a jamais été) que les interactions sur scène entre
VV et
Hotel sont devenues plus distantes ? Je n'ai pas du tout retrouvé ici l'énergie des deux précédents concerts que j'ai vus d'eux. Dommage parce que j'aime beaucoup leur dernier album.
- J'ai trouvé le concert de
Dizzee Rascal sensiblement meilleur que celui du Pukkelpop l'année dernière, en grande partie parce que j'entendais nettement mieux la bande sonore, qui est essentiellement pour moi ce qui distingue Dizzee des 10.000 rappeurs qui l'entourent.
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Calvin Harris prétend avoir inventé la disco alors qu'il a juste inventé le concept du Richard X écossais (ou du Fischerspooner produit blanc, ou des deux à la fois). Cela dit, il le fait plutôt bien, pour peu que l'on accepte de passer outre un certain simplisme mélodique (
Colours) et de tirer son plaisir d'une ligne de synthé délicieusement cheap (la basse de
Industry, les tapis numan(umay)iens de
I created Disco) et d'une exubérance scénique gentiment forcée. Le public semble en tout cas réceptif et manifeste un enthousiasme que je n'ai retrouvé pour aucun des autres concerts du weekend. Un très bon moment en ce qui me concerne.
- J'ai entraperçu en passant d'une scène à l'autre 15 secondes de
The Mars Volta, qui m'ont tétanisé d'horreur : voix de teletubbies sous hélium, grosses guitares qui fachent, gros plan d'un Omar tout suant sur l'écran géant. Tout se combinait pour suggérer que Liège allait gagner le douteux privilège d'avoir accueilli le pire concert de tous les temps. Cela dit, je suis certainement injuste. Les organisateurs avaient donné 2h15 au groupe en début de soirée (je n'ai jamais vu dans aucun festival une telle plage horaire en début de soirée) et je suis sûr qu'assister au concert dans sa durée aurait permis à leur musique de faire (un peu plus) sens. Après tout, leurs disques sont écoutables, même si ce n'est pas a priori le genre de choses qui me fait crier Euréka dans mon bain.
- Il est sympa,
Mike Skinner, vraiment, mais chaque nouvel album de
The Streets est sensiblement moins bon que le précédent et sa musique passe très mal l'épreuve du concert. Une déception.
Dimanche :
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Nada Surf a connu un succès énorme au milieu des années 90 avec
Popular, qu'ils ont d'ailleurs jouée en avant-dernier morceau. Le programme du festival prétend que c'est parce qu'il n'en a plus jamais connu depuis que le groupe toujours là aujourd'hui. Je ne suis pas sûr d'être convaincu par ce genre de paradoxe, d'autant que la "power-pop" m'a toujours semblé être un oxymoron. La pop est mauviette et délicate, ou n'est pas. Cela dit, ils remportent haut la main le prix du meilleur contact avec le public, même si parfois leur côté GO pour coin du feu peut irriter. Je leur remettrai aussi, ex-aequo, le prix "lien avec l'actualité" pour le commentaire selon lequel ils regrettaient de n'avoir pas appris le flamand lors de leur enfance à Bruxelles. Bravo à eux.
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The Cinematic Orchestra fait de l'électro-jazz. J'ai mangé une crêpe à la mozzarella. Si, si, il y a un lien.
- Cela faisait plus de dix ans que je n'avais pas vu
Arno en concert et j'avais oublié que son répertoire convenait aussi bien à un festival. Bon, certes, il a commencé par ue poignée de chansons blues dont je n'avais pas grand-chose à faire mais après il a déroulé
Putain, Putain,
Oh La La La,
Les Yeux de ma Mère et
Les filles du bord de mer (ne manquaient que Dans mon lit, que je ne me rappelle pas avoir entendue, et Elle Adore Le Noir pour que mon bonheur soit complet). Il reçoit également, ex-aequo, le prix "lien avec l'actualité" pour avoir chanté "une chanson belge" (apparemment un vieux titre de TC Matic) et avoir cité Yves Leterme. Bravo à lui. Cela dit, les nombreux flamands présents à Liège ce week-end semblaient bizarrement assez peu réceptifs.
- Je souffre d'une sorte de snobisme inversé (à moins que ce ne soit du snobisme à l'endroit, cela mériterait que l'on en débatte) qui me fait juger avec beaucoup de circonspection tout ce qui vient de Belgique (j'ai malheureusement raté Freaky Age pour me faire une idée). Alors que tout le monde chante les louanges de
Girls In Hawaii, je reste complètement de marbre. A part une chanson qui commence plus lentement et parvient à installer une certaine atmosphère, tout le set m'est passé par-dessus la tête, sans que j'en retire quoi que ce soit..... Rendez-nous Eté 67, au moins ils chantent mon quartier.
- Pour être bien placé au concert suivant, j'ai laissé tomber Dionysos, suis allé acheter un jus d'oranges frais à 3€ (!!!, et après on s'étonne que
certains taxent les Ardentes de festival bourgeois et d'anti-Dour) et ai fait le pied de de grue devant la scène intérieure.
- En effet,
Alain Bashung est venu clôturer la soirée par un concert de 1h30. J'ai avec Bashung une relation bizarre faite d'admiration sincère mais un peu distante. Ainsi, j'ai trouvé il y a trois ou quatre ans son coffret intégral "Les Hauts de Bashung" dans une liquidation, mais n'en ai encore écouté que deux CD récents, de peur sans doute de ne pas aimer autant ses premiers albums que ses derniers, souvent imparables. Cela dit, ne pas connaître sur le bout des doigts son répertoire passé n'est pas ici vraiment un problème puisque, sauf erreur de ma part, l'écrasante majorité du set va puiser dans le dernier album (presque tout sauf, bizarrement, Résidents de la République et, heureusement, les deux reprises ratées), sur Osez Joséphine (le morceau-titre,
Madame Rêve,
Happe et, en dernier rappel, sa reprise déceptive de
Nights In White Satin des Moody Blues) et Fantaisies Militaires (
La Nuit Je Mens et
Malaxe), la seule véritable vieillerie étant
Vertige de l'Amour. Il y a sans doute quelque chose d'admirable à ce qu'un chanteur ayant 30 ans de carrière puisse ainsi faire l'impasse sur toute la première partie de sa carrière tout en donnant l'impression de faire un concert-best-of. Il ne doit pas y avoir beaucoup d'autres exemples de groupes ou de chanteurs qui ont ainsi toujours semblé s'améliorer avec le temps.
Bashung, chapeau, costume et lunettes noirs, monte sur scène, accompagné d'un guitariste, d'un bassiste et d'un violoncelliste,
sous des applaudissements nourris qui semblent le mettre mal à l'aise (je suppose que, sur le longueur d'une tournée, ces ovations à répétition pourraient parfois lui laisser croire qu'il est déjà mort) et il demande vite "On peut y aller ?". Pour faire comprendre d'emblée aux curieux venus seulement pour les tubes qu'ils allaient être déçus, il commence par une version allongée de
Comme Un Légo qui a bien duré huit ou neuf minutes. Tout le concert sera d'ailleurs à l'avenant, fait d'atmosphères plutôt lentes qui se dévoilent lentement sur un tapis de guitare et de violoncelle. Certains ont reproché au guitariste d'en faire un peu trop, de prendre des poses de rock-star et de se laisser aller parfois à des solis hors de propos, mais j'ai au contraire trouvé que son jeu se mariait parfaitement avec l'ambiance générale du concert, très uniforme (il n'y a guère que
Je Tuerai la Pianiste et
Osez Joséphine qui accélèrent quelque peu le tempo). Ils forment également un contrepoint bienvenu aux mouvements très lents de Bashung, pour qui chaque geste est à la limite de la pose (boire dans son verre d'eau, prendre ou reposer son harmonica, tendre les mains vers le haut). Tout cela fait qu'il se dégage du concert une impression de très grande solennité qui m'a beaucoup impressionné. Je suis content d'avoir pu ainsi le voir au moins une fois en concert. Bashung rentre ainsi dans le cercle très fermé des chanteurs français que j'ai vus en live (Sheller, Dominique A et lui).
LIEN :
Photos et setlist du concert (histoire de constater par vous-mêmes que je dis plein de bêtises quand je chronique de mémoire)
Un bon festival donc, dans l'ensemble, même si je ne trouve jamais tout à fait mon compte dans la programmation.